« Quand quelqu'un arrive pour la première fois, les seules questions à lui poser sont : As-tu faim, as-tu sommeil, veux-tu te laver ? Viens, on t'attendait. » L’abbé Pierre.
Quand on évoque son nom nous vient à l'esprit un hiver 54 rigoureux, un appel de l'abbé Pierre, une communauté Emmaüs. Bien avant cela, il y eut de nombreux autres combats d'un homme portant soutane et dans son cœur, une piété immense. Henri Grouès nait dans une famille pieuse de négociants en soie lyonnaise. C'est une enfance nourrie au sein de la foi chez les Jésuites. Le jeune scout « Castor méditatif », au nom prédestiné, entend très tôt l'appel de Dieu. Il devra attendre 1938 pour prononcer ses vœux, abandonnant la voie monastique et l'ordre des Capucins. Il est mobilisé pendant la Seconde Guerre mondiale comme officier. Résistant, il s'illustre en sauvant de nombreux enfants juifs et en créant un maquis dans le Vercors. C'est déjà un homme de conviction profonde qui suivra cette ligne toute sa vie. A la Libération, il est élu député en Meurthe-et-Moselle comme Indépendant, apparenté au Mouvement Républicain Populaire (MRP). Il fonde en 1949 le mouvement Emmaüs en référence à un village de Judée. C’est une organisation laïque de lutte contre l'exclusion. C'est en 1954 qu'il devient une figure incontournable et fidèle à ses convictions religieuses avec son fameux Appel sur les antennes de Radio-Luxembourg. La presse titre « L’insurrection de la bonté ». À partir de là, son combat de tous les jours est mieux connu et le porte sur la place publique.
L'Abbé Pierre - Une vie de combat est le troisième film de fiction qui parle de lui. Le cinéma s'en empare assez tôt, en 1955, avec Les Chiffonniers d'Emmaüs de Robert Darène avec André Reybaz dans le rôle de l'abbé Pierre. Il raconte la création d'Emmaüs et marquera de nombreux enfants lors de son passage à la télévision, plus tard. Plus proche de nous, en 1989 Lambert Wilson endosse la soutane pour Hiver 54 de Denis Amar sur l'Appel de l'abbé Pierre. Il sera diffusé lors de sa mort en hommage à son parcours. Frédéric Tellier nous dévoile le portrait d'un homme complexe mais toujours porté par ses idées, luttant contre la misère qui frappe les plus démunis. Il n'évacue pas certains passages polémiques de sa vie. Il montre un homme fidèle en amitié, ce qui lui vaudra des reproches notamment pour son soutien à Roger Garaudy.
Frédéric Tellier construit un cinéma engagé qui n'hésite pas à s'attaquer à des sujets complexes comme L'Affaire SK1en 2014 sur la traque du tueur en série Guy Georges, Sauver ou périr 2018, un hommage aux pompiers, et Goliath 2022 sur les pesticides. C'est un cinéma grand public qui plonge au plus profond de ses thèmes, souvent humanistes. La mise en scène ne se contente pas d'être classique mais s'envole parfois dans une forme moins académique. C'est le cas pour certains plans de L'Abbé Pierre - Une vie de combats, premier film complet sur la vie de cette légende. Nous noterons que la soutane, les godillots et le béret qui contribuent à forger celle-ci sont un cadeau d'un sapeur-pompier. Roland Barthes analyse le mythe « qui présente clairement tous les signes de l’apostolat : le regard bon, la coupe franciscaine, la barbe missionnaire, tout cela complété par la canadienne du prêtre-ouvrier et la canne du pèlerin. Ainsi sont réunis les chiffres de la légende et ceux de la modernité. », l'identifiant souvent à Saint François d'Assise.
C'est une figure humaniste comme celle de Sœur Térésa et de tous ces hommes et ces femmes qui n'hésitent pas à affronter vents et marées pour le bien des plus pauvres, jusqu'à leur dernier souffle. On pourra reprocher à Frédéric Tellier un film trop hagiographique. C'est un choix que nous respectons et qui n'enlève rien à la qualité du film. Benjamin Lavernhe est très convaincant, endossant la soutane avec force et parfois même mimétisme. Dans l'ensemble, L'Abbé Pierre - Une vie de combat est plus classique que les autres films du réalisateur, mais réussit à nous entrainer dans une vie passionnante, expliquant mieux l'aboutissement à cet engagement d'une vie de combats sous la bannière de « l’insurrection de la bonté ».
Patrick Van Langhenhoven
Support vidéo : Pal, Couleur, Stereo 16:9 compatible 4/3
Langues Audio : Dolby français 5.1 ou 2.0 stéréo
Sous-titres : français
Edition : SND
Bonus:
Interviews
- Scènes coupées
Titre original : L'Abbé Pierre : Une vie de combats
Titre de travail : Les Onze Vies de l'Abbé Pierre
Réalisation : Frédéric Tellier
Scénario : Olivier Gorce et Frédéric Tellier
Décors : Nicolas de Boiscuillé
Costumes : Charlotte Betaillole
Photographie : Renaud Chassaing
Montage : Valérie Deseine
Production : Wassim Béji
Production déléguée : David Giordano
Sociétés de production : WY Productions et SND Films
Société de distribution : SND (France)
Budget : 15 millions d'euros2
Pays de production : France
Langue originale : français
Format : couleur
Genre : drame biographique
Durée : 137 minutes
Dates de sortie : 26 mai 2023 (festival de Cannes hors compétition) 8 novembre 2023
Distribution
Benjamin Lavernhe : Henri Grouès dit l'abbé Pierre
Emmanuelle Bercot : Lucie Coutaz
Michel Vuillermoz : Georges Legay
Chloé Stefani : Marlène Porte
Xavier Mathieu : Paul de Normandie
Malik Amraoui : Ahmed
Martin Ploderer (de): Albert Einstein
Fred Weis3: Jules
Suzanne-Marie Gabriel : Janine Porte
Amélie Bénady : Sylviane
Yann Cotty: Gégé Porte
Crédit Photo avant première Pathé Gaumont Millésime Michel Haumont