C’est au port où débarquent les navires chargés que leurs routes se croisent. L’impétueuse et indépendante Vivienne rencontre Olsen Holger, un cow-boy venu voir le bout du monde avant de reprendre la piste. Ils sont comme deux âmes qui se retrouvent sur la route de la vie. Vivienne accepte de suivre cet homme à la parole succincte. C’est dans un petit canyon perdu qu’ils bâtissent leur nid d’amour. Coulent les beaux jours, le petit canyon se transforme, prend des couleurs, des fleurs sous les doigts de fée de Vivienne. Au loin grondent les canons et l’appel des armes pour défendre la liberté contre l’esclavage. Olsen n’hésite pas une seconde et part pour la guerre. Vivienne reste mais doit faire face au maire de la ville, Rudolph, au grand propriétaire terrien, Alfred et son fils Weston. Vivienne et Olsen devront affronter plus qu’une tempête avant de se retrouver. Ils se sont métamorphosés et apprendront de nouveau à se connaître. Il faudra prendre le chemin du pardon, de l’oubli en ignorant le fiel de la colère et de la vengeance. A ces conditions, est-ce encore possible de construire une petite maison dans la prairie ?
Le western revient en force après avoir bercé nos jeux d’enfants et construit, avec ses valeurs nobles, nos utopies d’adultes. Après un premier film remarqué, l’artiste complet Viggo Mortensen choisit ce genre pour aborder de nombreuses thématiques. Il est marqué à la fois par les grands noms du western, John Ford, Howard Hawks, Anthony Mann, Clint Eastwood, John Huston, une esthétique et une mythologie propres au genre qu’il décompose pour proposer des nouvelles pistes. Je rajouterai dans la liste Kurosawa et une forme d’opus contemplatif souvent propre au cinéma japonais. Jusqu’au bout du monde est de nouveau inspiré par sa mère comme l’était Falling. Ce sont les lectures d’enfance de cette dernière, situées à la frontière canadienne, qui servent de point de départ pour construire le personnage de Vivienne.
Jusqu'au bout du monde, arpente de nombreux territoires, la romance, la quête d’un Éden, la vengeance, les grands propriétaires, les villes, la frontière et les grands espaces à défricher, à découvrir. Le paysage devient un personnage influençant le récit au même titre que Vivienne, Olsen et les autres protagonistes. Il déroule des décors grandioses dans la tradition de Ford et du contemplatif. Les héros tentent de construire un paradis, presque impossible, face à l’hostilité des hommes de mauvaise foi. C’est un monde en construction repoussant la frontière toujours plus loin. La question de la vengeance finit par se poser comme la seule solution à la rédemption. Olsen est un homme silencieux. Chaque mot compte, les valeurs transmises aussi. Il n’hésite pas à laisser Vivienne seule pour défendre ses idéaux pendant la guerre de Sécession. Le personnage principal reste Vivienne, une jeune femme indépendante, quand dans ce monde elle est souvent réduite au rôle d’épouse ou de putain.
Elle affronte plus que la rudesse et les éléments du territoire. Les hommes l’imaginent comme une proie facile. L’histoire d’amour s’inscrit dans ce paysage comme une utopie du bonheur dans un monde de douleur. Le film nous questionne sur les valeurs que nous devrons sacrifier - ou pas - pour que la vie demeure. Il est servi par une pléiade d’acteurs qui viennent renforcer le discours, qu’ils soient du côté du bien ou du mal, le plus souvent prisonniers d’un monde sans pitié. A travers les figures du grand propriétaire et du maire s’ébauche la vision du monde de demain, construit sur des bases pas très catholiques. Nous le voyons, Jusqu’au bout du monde, derrière sa façade classique, cache bien plus qu’un jeu du bien et du mal, des ténèbres et de la lumière. C’est la grande piste de la vie, du premier souffle, quand nous décidons de rester ces enfants joueurs portés par des valeurs nobles en devenant adultes. Parfois, comme la tapisserie, les couleurs s’étiolent et se fanent, se transformant en regrets et nostalgie.
Patrick Van Langhenhoven
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Titre français : Jusqu’au bout du monde
Titre original : The Dead Don't Hurt
Réalisation, scénario et musique : Viggo Mortensen
Direction artistique : Carlos Benassini
Décors : Jason Clarke et Carol Spier
Costumes : Anne Dixon
Photographie : Marcel Zyskind
Montage : Peder Pedersen
Production : Viggo Mortensen, Regina Solórzano et Jeremy Thomas
Sociétés de production : Talipot Studio, Recorded Picture Company et Perceval Pictures
Société de distribution : HanWay Films (États-Unis), Metropolitan Filmexport (France)
Pays de production : Mexique, Canada, Danemark
Langue originale : anglais, espagnol et français
Format : couleur
Genre : western
Durée : 129 minutes
Date de sortie :1er mai 2024 (en salles)
Distribution
Viggo Mortensen : Holger Olsen
Vicky Krieps : Vivienne Le Coudy
Garret Dillahunt : Alfred Jeffries
Solly McLeod : Weston Jeffries
Danny Huston : le maire Rudolph Schiller
Nadia Litz : Martha Gilkyson
W. Earl Brown : Alan Kendall
Marc Dennis : Fishmonger Stevens
John Getz : révérend Simpson
Ray McKinnon : le juge Blagden