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affiche Juliette

Juliette

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Un film de Pierre Godeau,
Avec Astrid Berges-Frisbey, Féodor Atkine, Yannik Landrein ,

Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h21
France

En Bref

Juliette ne fait pas grand chose de ses 25 ans : elle remplit son carnet de bal en multipliant les amoureux d'un soir ou plus, évite son Romeo trop patient qui s'appelle Antoine ou se prélasse en mangeant langoureusement des fraises. Juliette adore son père qui agonise à l'hôpital et se dispute avec sa soeur aînée qui s'inquiète de ne pas voir sa cadette prendre sa vie en mains.

On voit beaucoup de jeunes de 25 ans un peu paumés en ce moment au cinéma, citons simplement les récents Oh Boy de Jan Ole Gerster ou Frances Ha de Noah Baumbach qui décrivaient chacun des personnages aussi attachants par les meilleurs côtés de leur personnalité qu'agaçants par leur incapacité à faire face à la réalité. Ils évoluent dans un milieu protégé, ont fini leurs études depuis deux ans ou plus et attendent que leur vie commence, en se reposant beaucoup sur leurs proches.

Juliette s'inscrit dans le même cadre que ces deux exemples récents, jusqu'à partager les mêmes velléités de création artistique. Ainsi, pour faire face à la mort annoncée de son père, joué avec délicatesse et sans emphase dramatique par Feodor Atkine, mais aussi pour le rassurer sur son avenir, elle reprend l'écriture d'une histoire qu'elle avait commencé quand elle était enfant. En racontant les aventures d'une petite fille et de ses frères routiers en Amérique, elle donne à son père une raison de survivre le temps nécessaire. Elle se lance alors dans une course contre la montre pour finir ce livre et le faire publier avant qu'il ne soit trop tard. Elle imagine à ' voix ' haute son texte qui révèle des pans de sa personnalité à travers la distanciation pudique d'un récit hautement fantaisiste. Le texte se révèle à nos yeux à travers une reconstitution dans des décors en carton pâte et des effets visuels qui ressemblent à des jeux d'enfant dans un style proche de celui de Michel Gondry pour les clips de Björk ( Human Behaviour entre autres... ) ou ses propres longs-métrages ( La Science des Rêves ; L'Ecume des jours ).

Autre petit détail ' à l'ancienne ', elle écrit son livre sur une machine à écrire comme si achever un tel récit venu de l'enfance n'était pas possible sur un ordinateur. Ou plus prosaïquement, le réalisateur a jugé ce geste plus cinématographique. Comme ses camarades Baumbach et Gerster, Pierre Godeau capte quelque chose de l'air du temps avec cette jeune femme qui peine à assumer des choix qui pourraient être définitifs, autant dans sa vie amoureuse que professionnelle. Choisir c'est renoncer et Juliette ne parvient pas à s'y résoudre, au risque de faire du mal à ceux qui l'entourent, ce que capte avec une juste mesure Pierre Godeau, sans la juger mais sans l'exonérer non plus. Juliette vit à son rythme, comme beaucoup de jeunes d'aujourd'hui et la mise en scène ' pop ' accompagne de façon plutôt alerte cette fille pas finie. Astrid Bergès-Frisbey, vue dans Barrage contre le pacifique de Rithy Panh et La Fille du puisatier de Daniel Auteuil, est une Juliette attachante et l'on doit bien constater que le cinéma contemporain convient mieux à sa personnalité que ces reconstitutions d'époque académiques qui ne lui permettaient pas de briller comme ici.

En quelques scènes, sans trop en dire, Elodie Bouchez apporte son expérience de vingt ans de cinéma à son rôle de soeur aînée plus ancrée dans le réel. À l'image de Feodor Atkine, elle est dans une agréable retenue. Yannik Landrein est juste en amoureux éconduit qu'elle ne parvient pas à laisser tomber et réciproquement. Manu Payet fait une prestation décalée et amusante, et même si la scène ne s'intègre pas naturellement au reste du film, elle révèle tout de même l'inconstance de Juliette... et fait vraiment rire... Juliette se révèle plus original que le sujet ne pouvait le laisser deviner, malgré une bande-son parfois encombrante, le plus gênant étant la reprise de Knock on Heaven's Door par Antony & The Johnsons, qui surligne inutilement la scène d'émotion finale. Il faudrait songer à dissuader le cinéma français d'utiliser les chansons de ce groupe, devenu l'une des grandes plaies du cinéma d'auteur français, voire international. Pour mémoire, on peut l'entendre dans Non, ma fille tu n'iras pas danser de Christophe Honoré ou Persécution de Patrice Chéreau parmi bien d'autres exemple.

Pascal Le Duff

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