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affiche Jeune et Jolie (-12 ans)

Jeune et Jolie (-12 ans)

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Un film de François Ozon ,
Avec Marine Vacth, Géraldine Pailhas, Frédéric Pierrot ,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h34
France

En Bref

« On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans. Un beau soir, foin des bocks et de la limonade, Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !  On va sous les tilleuls verts de la promenade » Rimbaud

Dans la première image du film, Isabelle sort de l’océan, jeune nymphe, naïade au cœur étoilé. Fragile comme un vent léger, elle passe sur la lande de la vie. C’est le temps des vacances de la plage et du soleil, de l’insouciance. C’est le temps des premières amours jetées aux vents du large, aux couleurs de l’océan avec ses cheveux d’argent. On aime pour un tout pour un rien, pour le bruit d’un pas, le mouvement d’une main. On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. Cet été-là, Isabelle devient une femme. Elle quitte sans amour, mais pour toujours les territoires de l’enfance pour celui des portes de l’âge adulte.

Elle se perd, dans les hôtels aux chambres closes, anonymes, l’espace d’un jour où l’on ne murmure pas des mots d’amours. La voilà fantôme passager, étrangère à sa vie en quête d’un absolu, d’un rêve peut être, d’un rien, d’un tout où se noyer. Passagère diffuse, et sans âme dans les bras des hommes, papillon éphémère, elle se brûle aux feux de l’aurore des poètes. Le client est fidèle comme un repère, une île que l'on croise à chaque rencontre secrète, dans ce cercle qui n'a pas de nom. On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. Que cherche-t-elle ? C’est le sexe sous toutes ses formes, sale, doux, tendre, violent d'un bord à l'autre d'un monde qui n'est pas l'amour. Pute d'un jour, pute toujours lui balance un client sans révérence, sans déférence. C’est un mot vulgaire jeté comme une boutade, une injure, une blessure. Souvent le miroir, la glace renvoie un reflet sans âme sans sourire sans rien ni joie ni bonheur ni souffrance juste le vide. Elle trace sa voie d’expérience en expérience, d’aventure en aventure, de corps en corps. Elle navigue secrète, jusqu’au moment où sa mère l’apprend. C’est alors qu’éclate la tempête, la douleur, devant ce que cette mère ne comprend pas ? Les pourquoi n'ont aucune réponse, car parfois il n'y en a pas. Elle reprendra peut-être le chemin de la vie ou est-elle perdue à jamais dans les méandres de tous ses néants qui mènent vers des terres que nous ne connaissons pas ?


Le spectateur en quête de questions, de morale, s’interroge, fuir quoi ? C'est l’interrogation qui nous vient à l'esprit. Ces relations de zombies du sexe ne mènent ni à la quête du plaisir ni à la fuite. Elle ouvre sans qu'on le sache une autre prison où l'âme trouve sa déraison ou sa raison. Et s’il n’ y avait aucune réponse, juste rien, le vide, le néant.

« Je suis comme toi, je  ne suis pas amoureux. » On est quoi alors? Ça sème le doute, ça insinue la perversion dans ce qui ne l’est pas. Il faut chercher les réponses dans les non -dits, les conversations entre copines. Tu l'as fait tu est débarrassé comme un poids. Est-ce que c’est ça la réponse ? Nous le pensons. Nous suivons cette piste et voilà qu’elle meurt sous les images de cette fille anonyme au cœur de souffrance, racontant autre chose. C’est la violence de l’adolescence. Comme disait Jacques Brel, quand on se demande s’il faut quitter les plages de l’enfance pour l’enfer des adultes. Chez le psy c'est mon tarif sur le coût de ses séances. Trois cents euros c'est mon tarif dit Isabelle à un de ses clients. Sans cesse nous dérobons, des morceaux, de phrases, des bouts d’images qui jouent la danse du passage de l’enfance à l’adulte. C'est aussi celle que renvoie sa mère et si l'amour c'était ça rien que du mensonge, un jeu. C'est pas moi qui suis dangereux ce sont les hommes. Je suis innocente et les hommes sont coupables. C’est peut-être un peu trop facile, mais peut -être juste ?

Souvent Ozon joue du miroir, du reflet comme la première fois avec la perte de la virginité. Isabelle se voit spectatrice de cet instant précieux où l’on bascule. Ce moment où plus rien ne sera comme avant. C’est l’instant de la virginité, définitivement perdu pour celui de l’innocence que nos expériences rongent de jour en jour pour nous éloigner de cette naissance magique ou maléfique. Il est trop tard pour revenir en arrière, pute d’un jour, pute toujours sonne comme un glas. Pour ma part je pense et ce n’est qu’une piste dans cette galaxie des réponses multiples. Pour moi, Ozon, trace le portrait d’une jeune fille et de son éducation sexuelle. Il commence par la perte de la virginité, l’expérience des corps, des jeux du sexe, pour finir par trouver sa voie et les raisons de sa vie.

C’est aussi l’âge où l’on se forge, se construit, remplit de violence. Nos utopies de l’adolescence se perdent dans les terres de l’adulte. On juge, on exulte, on éructe, on gueule à la face du monde sa rage, on souffre ! Dans la dernière séquence, le plaisir et la mort semblent liés comme deux amants. N’est-ce pas le chemin de la vie qu’elle se décide enfin à emprunter. Elle quitte l’enfance, l’adolescence, pour devenir adulte avec tout ce que cela comporte d’espoirs et de douleurs. Dans la dernière scène, sans doute l’une des plus belles du film, elle se retrouve confrontée à une vieille dame, Charlotte Rampling, magnifique dans un rôle simple, mais fragile sur la tangente. Il y a comme une filiation deviendra telle cette vieille femme digne ? La séquence de la traversée de la fête peut se voir comme un labyrinthe sexuel où l'on croise tous les possibles. Elle renvoie à ses propres expériences, et peut être indique comme un panneau de signalisation la route de l’avenir. C’est d’ailleurs lors de celle-ci qu’elle rencontre le jeune homme qui semble un avenir possible.

« - Ce soir-là..., - vous rentrez aux cafés éclatants, vous demandez des bocks ou de la limonade... - On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade. » Rimbaud

Le choix du poème de Rimbaud est sans aucun doute une piste pour trouver une explication à ce qui semble être le voyage d’un fantôme. Plus que dans tout autre film il est important de lire entre les images, les lignes, saisir les signes, les morceaux de poèmes, la chanson marquant les passages. Il faut se méfier de la première lecture brute. On veut des réponses, des pourquoi, des comment, on n’est pas sérieux quand on est adulte. Je vous souhaite un beau voyage qui sans aucun doute aura des résonnances sur votre vie

Patrick Van Langhenhoven

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