"Je suis bien sûre que nous ne serons pas toujours pauvres, et si je puis devenir riche, vous le serez aussi". Jeanne Du Barry

Maïwenn nous habitue à une mise en scène caméra à l'épaule, explorant les individus plus que la Cour du XVIIIe siècle. L'histoire est quelque peu malmenée mais le cœur du film n'est pas dans une fresque biographique ni historique. Elle est le décor, la toile de fond d'une jeune fille qui se construit, seule et rejetée de tous et vit un grand amour. « C'était surtout son tempérament, plus que les moments clés de sa vie. » Maïwenn. Elle trace en quelques séquences sa naissance, son passage au couvent et ses premiers pas dans un clandé de l'époque. Première entorse à l'histoire, la belle n'a jamais été une putain, mais plus une opportuniste utilisant ses charmes. Ce n'est pas Jean du Barry qu'elle épouse mais son frère, Guillaume. Nous retrouverons ainsi quelques erreurs et oublis qui feront grincer des dents les passionnés d'histoire. A l'inverse, elle donne en partie une bonne idée de la Cour de l'époque et de son Etiquette, comme le lever du roi.


N'oublions pas que le point de vue, l'angle qu'elle choisit, est l'intime au cœur d'une époque. « Moi ce qui m'intéresse avant tout, quand j'écris un film, c'est de décortiquer les relations humaines, les paradoxes. » Maïwenn. En cela, le film remplit son cahier des charges. Il met forcément en avant la figure de Jeanne du Barry et son actrice. Maïwen est ainsi de presque tous les plans et surtout mise en avant. C'est normal, elle interprète la du Barry et pas Marie-Antoinette. C'est son choix de réalisatrice. Elle survole cette cour arrogante, à la botte du monarque telle que la voulait, le premier, Louis XIV. Echaudé par tous ces grands seigneurs complotistes que son père, Louis XIII et le Cardinal de Richelieu avaient commencé à mater, il décide d'imposer cette cour à l'espagnole, au grand train de vie, dont héritent Louis XV et Louis XVI. On grogne, on complote toujours mais en silence, dans les sombres couloirs de Versailles. Cet l'aspect d'un jeu d'échecs entre les Grands du royaume à l'arrivée de la Jeanne. La guerre entre le Duc de Richelieu et le clan Choiseul n'est pas du tout exploitée. Ce n'est pas non plus le sujet du film. On reproche aussi à Maïwenn la présence de Johnny, Depp marqué par son dernier procès avec son ex-femme.

On notera le manque d’engouement de celui-ci dans le rôle. Il campe un Louis XV peu prolixe, vieux et amoureux transi ! Louis XV comme Louis XVI sont deux grands timides qui n'aiment pas le pouvoir. C'est donc une version du roi qui pourrait être crédible. Les décors naturels sont somptueux et donnent un certain cachet au film.Vous ne verrez aucune scène de sexe, c'est un choix qui peut paraître étonnant, vu l'époque libertine. Le film s'arrête à la mort du roi avec un rappel sur la triste fin de Jeanne du Barry sur l’échafaud. Il manque du rythme, le récit ne nous prend pas au cœur même en nous entrainant sur les pas de ces deux amants. C'est sans doute dû à une mise en scène classique. Le choix de l'angle de narration, trop centré sur Jeanne du Barry, en oublie l'entourage. Il reste quelques scènes cocasses, nul doute que la marche à reculons deviendra culte d'ici peu. Pour conclure, Maïwenn n'est pas Kubrick et son Barry Lyndon ni Sophia Coppola et son Marie-Antoinette, critiqué lui aussi à sa sortie. Elle ne s'émancipe pas assez de ce qui fait son succès par ailleurs, l'intime. A l'heure de #Me Too, le personnage de Jeanne du Barry nous interroge sur la femme objet, ce qui pourrait relancer le débat. En conclusion, on préfère Maïwenn dans ses réalisations plus personnelles, ce qui est sa marque de fabrique.

Patrick Van Langhenhoven

Bonus :

• Entretien avec Maïwenn et Johnny Depp
• Making-of : L'envers des décors (30 min)

 Titre français : Jeanne du Barry
    •    Titre de travail : La Favorite
    •    Réalisation : Maïwenn
    •    Scénario : Nicolas Livecchi, Teddy Lussi-Modeste et Maïwenn
    •    Musique : Stephen Warbeck
    •    Décors : Angelo Zamparutti
    •    Costumes : Jürgen Dœring
    •    Photographie : Laurent Dailland
    •    Son : Nicolas Provost
    •    Montage : Laure Gardette
    •    Production : Pascal Caucheteux, Konstantin Elkin et Grégoire Sorlat
    •    Coproduction : Johnny Depp
    •    Production déléguée : Julia Kim-von Den Driesch, Nellee Holmes, Sergey Ilyevskiy et Svetlana Migunova-Dali
    •    Sociétés de production : Why Not Productions ; France 2 Cinéma, France 3 Cinéma, La Petite Reine et Les Films de Batna (coproductions françaises) ; Les Films du Fleuve (coproduction belge) ; IN.2 Film (coproduction britannique)
    •    Sociétés de distribution : Le Pacte (France), Frenetic Films (Suisse romande), Paradiso Entertainment (Belgique)
    •    Pays de production :  France,  Belgique,  Royaume-Uni
    •    Langue originale : français
    •    Format : couleur
    •    Genre : drame historique
    •    Durée : 116 minutes
    •    Dates de sortie : 16 mai 2023 (Festival de Cannes et sortie nationale)


Distribution
    •    Maïwenn : Jeanne du Barry
    •    Johnny Depp : Louis XV
    •    Benjamin Lavernhe : La Borde
    •    Melvil Poupaud : le Comte du Barry
    •    Pierre Richard : le Duc de Richelieu
    •    Pascal Greggory : Emmanuel-Armand de Vignerot du Plessis, Duc d'Aiguillon
    •    India Hair : Adélaïde de France
    •    Suzanne de Baecque : Victoire de France
    •    Capucine Valmary : Louise de France
    •    Laura Le Velly : Sophie de France
    •    Diego Le Fur : le Dauphin, futur Louis XVI
    •    Pauline Pollmann : Marie-Antoinette
    •    Micha Lescot : Mercy
    •    Noémie Lvovsky : la Comtesse de Noailles
    •    Marianne Basler : Anne
    •    Robin Renucci : Monsieur Dumousseaux
    •    Emma Kaboré Dufour : Jeanne du Barry, enfant
    •    Patrick d'Assumçao : Duc de Choiseul