Un chiffon rouge s’envole sur la neige blanche, une jeune femme au regard perdu. Un homme et la neige qui tombe, les phares percent la nuit de ce moment étrange.
Un couple parfait, sans histoire, la même femme attend avec son enfant le retour de son mari. Servile et docile, elle a tout quitté pour être femme au foyer. C’est un couple parfait en apparence, sans anicroche, qui n’a plus rien à se dire. Il suffit du retour du passé, d’une silhouette perdue retrouvée pour que se brisent les chaines d’une prison invisible. Il suffit d’un baiser et d’évoquer la maison des rêves pour que palpitent de nouveau les cœurs. L’âme fantôme de Kaho reprend le cours d’une vieille histoire que l’on croyait morte. La pluie efface les rides d’hier pour inventer le présent, et que refleurissent les cerisiers. Kaho renoue avec son ancien amant, du temps de sa liberté des années de faculté. Elle s’ouvre au monde, appelle le bonheur. Elle reprend son existence en main, mais cela ne sera pas sans conséquence.
C’est d’abord dans les pièces d’une maison silencieuse, sans âme, que s’écrit cette histoire. Kaho ressemble à un fantôme, parcourant une existence qu’elle a perdue depuis longtemps. Elle quitte, pour son mari, une carrière prometteuse d’architecte, pour être femme au foyer. C’est une princesse endormie qui attend, comme la Belle au bois dormant, un baiser. Yukiko Mishima, la réalisatrice, dévoile une partie de cette société obéissante du Japon contemporain. Le sacrifice de ces femmes, souvent victimes de mariage arrangés qui finissent par ne plus être que des zombies. La caméra prend ses distances, perd la silhouette de Kaho dans la maison. Le hasard d’une rencontre bouscule cette femme endormie. Elle sourit, s’éveille, comme un printemps plein de promesses. Elle ne subit plus mais prend son destin en main. La nuit s’illumine de lampions, le vent court dans ses cheveux, tout est possible.
Les histoires anciennes en appellent de nouvelles. La caméra se resserre sur les visages. Les caresses emportent les deux amants dans une ronde sans fin. Sa mère au début lui dira : « tu n’as jamais aimé personne. » Elle se trompait. Comme souvent dans le cinéma japonais, les non-dits, le silence, ont toute leur importance. C’est là que se révèle l’essence des sens. C’est ce qu’on donne à l’autre qui prend toute sa force dans notre cœur. Le récit se découple en deux parties, un retour de voyage sous une tempête de neige qui scelle le destin de Kaho et son amant. Le voyage est entrecoupé de retours en arrière pour remonter le temps d’une tempête amoureuse. C’est l’enfermement dans une vie de femme au foyer comme de nombreuses autres. C’est une thématique universelle, comment le couple finit par devenir prison.
C’est l’éveil, la prise de conscience que l’on est déjà mort de son vivant. Kaho refuse et brise les tabous au risque de tout perdre. C’est un cinéma minimaliste, à l’image de celui d’Ozu, arpentant les chemins de la vie sans fioriture. La vérité suffit à donner force au récit, à le sublimer. La symbolique parsème l’histoire de ses petites notes, comme cet arbre mort dans une maison grise. Le rouge du chiffon, le blanc de la neige, l’action de construire des maisons deviennent autant de symboles, de traces pour combler les silences. C’est quoi une vie sans amour, une tombe peut-être ?
Patrick Van Langhenhoven
Titre : The Housewife
Titre original : Red
Réalisation : Yukiko Mishima
Scénario : Yukiko Mishima et Ikeda Chihiro, d'après l'œuvre de Rio Shimamoto
Musique : Tanaka Takuto
Photographie : Shinya Kimura
Producteur : Satoshi Akagi, Yumi Arakawa et Suguru Kubota
Sociétés de production :
Société de distribution : Art House
Pays de production : Japon
Langue originale : japonais
Format : couleur — 2,35:1
Genre : Drame romantique
Durée : 123 minutes
Dates de sortie : 9 mars 2022
Acteurs principaux
Kazuyuki Asano
Tasuku Emoto : Jun Kodaka
Kaho : Toko Suguri
Reiko Kataoka
Shōtarō Mamiya : Shin Muranushi
Yoshi Sako
Satoshi Tsumabuki : Akihiko Kurata
Kimiko Yo