C’est l’histoire d’un empire au sommet de la gloire et de la chute d’une famille. Aldo, le fils prodigue, dirige la marque Gucci fondée par le père. Rodolfo, son frère, lui laisse les mains libres. Il s’enferme dans un passé, sa demeure est devenue un temple dédié à sa femme bien-aimée, trop tôt disparue. Paolo, le fils du premier, rêve de fonder sa propre collection. Il lui manque juste un peu de talent. Maurizio, le fils de Rodolfo, se voit avocat, loin de l’empire familial. À l’image des grandes familles de l’Antiquité ou de la Renaissance, les pièces de la tragédie sont en place. Tout commence par un mariage désavoué par un père. Maurizio épouse une jeune prolétaire, Patrizia Reggiani, fille de camionneur et bientôt princesse Gucci. Elle espérait mieux que cette vie de bannie, mais la jeune mariée sait attendre son heure. Grâce à l’oncle Aldo, la famille renoue les liens perdus et Maurizio, poussé par sa femme, peut enfin prendre la place qui lui revient. La maison Gucci tremble sur ses bases. Suite à des malversations financières, elle est au bord du gouffre. Il faut sauver la maison Gucci. Aldo ignore qu’il invite la louve dans la bergerie avec Patrizia devenue mère. Commence la longue route marquée par des trahisons, des scandales, des retournements de situation, et le meurtre comme dans toute bonne tragédie. Ce dernier est l’œuvre d’une veuve noire avide de gloire et de richesse.
Ridley Scott revient peu de temps après Le dernier Duel pour une grande saga familiale aux allures de tragédie. Nous passerons sur les héritiers Gucci critiquant le manque de ressemblance avec les vrais personnages. Tout est en place pour nous rappeler ces tragédies antiques des grandes familles impériales ou de la Renaissance, les Borgia et les Médicis en particulier. Dans cette saga contemporaine aux odeurs de soufre, tous les ingrédients du drame apparaissent dès le début. C’est l’avidité, la gloire à tout prix, représentée par la figure que les journaux appelleront la veuve noire. Patrizia Reggiani mériterait à elle seule un biopic avec un parcours des plus sombres. De père inconnu, elle est adoptée par le nouveau mari de sa mère. Ridley Scott nous montre une jeune femme manipulatrice, capable de tout pour se faire épouser du jeune naïf amoureux, Maurizio Gucci.
Le couple finit par prendre la main sur l’oncle Aldo dans un jeu de trahison et manipulation digne des familles italiennes nommées plus haut. Maurizio, jeune homme amoureux, ne peut rien refuser à sa femme. Il se transforme au fur et à mesure du récit, prend de l’assurance pour finir par dépasser celle-ci dans ce jeu d’échecs sans pitié. D’autres figures gravitent autour de cette galaxie, de l’avocat manipulateur au cousin excentrique rêvant de mode. L’oncle Aldo, fils du patriarche, Parrain du clan, n’est pas à une malversation près. L’autre frère, Rodolfo, se noie dans un passé de pellicule, repassant en boucle l’image de sa femme actrice. Il est dommage que le film ne creuse pas assez tous ces portraits.
Cette longue galerie de figures incontournables du drame, de l’amoureux au père enfermé dans sa tour d’ivoire, passe par le tribun avide, le jeune prince fou et la femme sans cœur. Ridley Scott se contente de dérouler proprement le ruban d’un récit macabre avec la mort au bout. La mise en scène classique, inspirée par d’autres récits, ne décolle jamais. C’est peut-être dû à un projet qui démarre en 2006, passe par d’autres mains avant de lui revenir. Il manque un souffle épique et tragique pour nous saisir de l’intérieur et nous emporter dans ces grandes fresques, entre ténèbres et lumière, entre la main du diable et la bienveillance de Dieu.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original et français : House of Gucci
Titre québécois : La saga Gucci
Réalisateur : Ridley Scott
Scénario : Becky Johnston et Roberto Bentivegna, d'après le livre The House of Gucci: A Sensational Story of Murder, Madness, Glamour, and Greed de Sara Gay Forden
Musique : Harry Gregson-Williams
Direction artistique : Massimo Pauletto et Gianpaolo Rifino
Décors : Arthur Max
Costumes : Stefano De Nardis
Photographie : Dariusz Wolski
Montage : Claire Simpson
Production : Giannina Scott, Ridley Scott et Kevin J. Walsh
Sociétés de production : Metro-Goldwyn-Mayer, Bron et Scott Free Productions
Sociétés de distribution : United Artists Releasing (États-Unis et Canada), Universal Pictures International France (France)
Budget : 75 000 000 $
Pays de production : États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur — 2,39:1
Genre : drame, biographie
Durée : 157 minutes
Dates de sortie : 24 novembre 2021
Distribution
Lady Gaga (VF : Audrey Sourdive) : Patrizia Reggiani
Adam Driver (VF : Valentin Merlet) : Maurizio Gucci
Jared Leto (VF : Damien Witecka) : Paolo Gucci (en), le cousin de Maurizio
Jeremy Irons (VF : Féodor Atkine) : Rodolfo Gucci, le père de Maurizio
Salma Hayek (VF : Ethel Houbiers) : Giuseppina Auriemma
Al Pacino (VF : José Luccioni) : Aldo Gucci (en), le père de Paolo et frère de Rodolfo
Jack Huston : Domenico De Sole (en)
Reeve Carney : Tom Ford
Camille Cottin (VF : elle-même) : Paola Franchi (en)
Vincent Riotta : Fernando Reggiani, le père de Patrizia
Alexia Murray : Silvana Reggiani, la mère de Patrizia
Mia McGovern Zaini : Alessandra Gucci, la fille de Maurizio et Patricia
Florence Andrews : Jenny Gucci, la sœur de Paolo
Mădălina Ghenea : Sophia Loren
Youssef Kerkour : Nemir Kirdar
Mehdi Nebbou (VF : lui-même) : Said
Miloud Mourad Benamara : Omar
Antonello Annunziata : Karl Lagerfeld
Catherine Walker : Anna Wintour
Martino Palmisano : Richard Avedon