Alexandre, bien installé dans la vie, père d’une famille nombreuse et heureux en ménage, reçoit un véritable choc lorsqu’il constate dans la presse que le prêtre qui lui a fait subir des attouchements dans son enfance est encore au contact d’enfants. Catholique, croyant et pratiquant, il essaie d’alerter la hiérarchie du Clergé. Il se heurte à une passivité plus ou moins compassionnelle qui vise surtout à enterrer l’affaire. Au fil des rencontres, le traumatisme privé va devenir une affaire collective, publique et judiciaire. Ajoutons, au cas où ce serait passé inaperçu, qu’il s’agit bien d’une affaire réelle et actuelle, au point que le film a failli rater sa sortie. A l’arrivée, il a obtenu le Prix du Jury au festival de Berlin.
François Ozon réussit plusieurs tours de force en une seule œuvre. Tout d’abord, il évite le pamphlet, le film à charge. Ensuite, les personnages qu’il met en scène proviennent de milieux très divers et ont des parcours différents. Alexandre est un bourgeois lyonnais du genre catho tradi. Classique mais pas ostentatoire. François vient d’un milieu plus populaire. Il est moins policé, plus impulsif. Il masque moins ses émotions et s’empare de la constitution d’une association « La parole libérée » comme d’une bouée de sauvetage. Le plus jeune, le plus brisé, est Emmanuel qui, suite à ce qu’il a subi, n’a jamais pu vraiment se réaliser, vit sa vie instable sans réussir à retrouver confiance en lui-même.
Bien sûr, nous avons affaire à des acteurs, mais le réalisateur arrive à nous le faire totalement oublier, ce qui là encore est exemplaire. Il déroule le fil de l’histoire en montrant tous les obstacles qui se dressent dans la quête que mènent les protagonistes. Il rend évident le retentissement que la pédophilie peut avoir sur ceux qui l’ont endurée mais aussi comment tout l’entourage familial est impacté.
Le début est un peu lent et la voix off peut faire craindre un sermon cinématographique. Il n’en est rien. Plus Ozon déplie sa narration, plus sa subtilité devient lumineuse. Unis par la même démarche, les trois hommes au centre de l’action sont et restent dissemblables. Avoir vécu la même chose ne vous rend pas identiques. Loin d’être simplificateur et manichéen, Grâce à Dieu réussit une étude à 360 degrés. Et le choix de ne pas condamner unilatéralement rend encore plus fort le malaise que le spectateur peut ressentir. Monter une association, recueillir les témoignages, sortir du silence et agir a une fonction cathartique mais on devine que de tels événements dans une jeune vie ne peuvent que laisser de profondes cicatrices.
Grâce à Dieu est une totale réussite et rappelle que le cinéma peut avoir des fonctions sociale et intellectuelle en plus d’être un art.
Françoise Poul
Titre original : Grâce à Dieu
Titre anglophone international : By the Grace of God
Titre de travail : Alexandre
Réalisation et scénario : François Ozon
Photographie : Manu Dacosse
Casting : David Bertrand
Montage : Laure Gardette
Costumes : Pascaline Chavanne
Décors : Emmanuelle Duplay
Musique : Evgueni Galperine et Sacha Galperine
Producteurs : Nicolas Altmayer et Éric Altmayer
Sociétés de production : Mandarin Cinéma, FOZ et Scope Pictures, avec la participation de France 2 Cinéma
Distribution : Mars Distribution (France)
Pays d’origine : France, Belgique
Genre : drame
Durée : 137 minutes
Dates de sortie : 20 février 2019
Distribution
Melvil Poupaud : Alexandre Guérin
Denis Ménochet : François Debord
Swann Arlaud : Emmanuel Thomassin
Éric Caravaca : Gilles Perret
Bernard Verley : le père Bernard Preynat
François Marthouret : le cardinal Philippe Barbarin
Martine Erhel : Régine Maire
Josiane Balasko : Irène, la mère d'Emmanuel
Hélène Vincent : Odile Debord, la mère de François
François Chattot : Pierre Debord, le père de François
Frédéric Pierrot : le capitaine Courteau
Aurélia Petit : Marie Guérin, la femme d'Alexandre
Julie Duclos : Aline Debord, la femme de François
Jeanne Rosa : Dominique Perret, la femme de Gilles
Amélie Daure : Jennifer
Pierre Lottin : Didier
Fejria Deliba : l'avocate de François
Nicolas Bridet : Olivier Itaque
Max Libert : Gauthier Guérin
Nicolas Bauwens : Victor Guérin