Tomas erre dans un no man’s land intérieur, écrivain en mal d’inspiration, couple en mal de vivre par son refus d’avoir un enfant avec sa compagne. Il s’éveille au bord du lac gelé dans la baraque perdue, il comprend qu’un changement doit avoir lieu pour ne pas dépérir. « Tout ce que je veux, c'est écrire, toi, des enfants, moi pas. Nous ne voulons pas la même chose. » Est- ce qu’ils veulent la même vie, c’est bien la question sans réponse. En rentrant chez lui, le hasard joue les Cassandre et le pousse à prendre une voie détournée. Il suffit d’un rien, des enfants sur une luge dévalant la pente, un choc et la mort au rendez-vous.
Tomas pense ramener l’inconscient chez sa mère, une illustratrice dans cette maison perdue. Un cri, l’effroi le temps se fige, la douleur hurle et terrasse le reste d’une vie. Elle, nous ne pouvons croire que cela a un sens ? Des deux enfants de Kate, il n’en reste qu’un. Nous allons suivre le cheminement d’une douleur pour Kate, s’accrochant aux rescapés, aux jours qui passent et ne changeront plus. Tomas balaye devant son existence, recommence l’écriture, arpente de nouveaux sentiers pour trouver le succès. Le temps file, lui progresse, trouve une compagne avec sa fille, Kate et son fils figé dans la mémoire. Au bout du voyage, il faudra bien qu’elle reprenne sa vie, qu’elle sourie de nouveau à l’horizon, qu’elle échappe au temps figé de Charon le passeur du Styx.
Comment le hasard change toute une vie, comme ce caillou de douleur jeté dans l'eau. Il continue à faire des cercles atteignant la rive bien après que le premier n'existe plus. Pourtant, il fut un début, une pierre lancée dans l’eau, un choc dans une vie, le commencement et la cause de tout. Wim Wenders explore les âmes, les sentiments de ses personnages à travers le temps et les couleurs des saisons. Il prend pour point de départ le hasard changeant la route de toute une vie. Le film s’ouvre sur un auteur mort, vide, sous les couleurs de l’hiver d’un lac gelé. Pourtant, sous la couche de glace de la surface, le temps figé, l’eau continue de s’agiter. Tomas n’avance plus, et c’est le choc de l’accident, la réalité de la mort qui relance le mouvement.
Dans un même temps, Kate pleine de vie, de promesses, se fige à la mort de son fils. Le réalisateur examine le poids de nos actions et de nos actes, comment ils influent sur notre existence. Comment un même événement agit de façon différente sur les protagonistes. Dans un jeu de pendule des années, il passe de Tomas à Kate pour montrer ses effets. Tout se joue sur des petits riens, des morceaux de vie et de temps s’assemblant pour former le puzzle de notre balade sur cette terre. La mort apparaît libératrice pour l’un et les murs d’une prison pour l’autre. C’est quand le fils renoue le contact avec Tomas qu’ils comprennent combien cet accident les lie à jamais. Kate peut reprendre le mouvement, tout ira bien. Il aborde aussi la création artistique, l’enfant apparaît en toile de fond comme le lien fédérateur. Cela s’incarne dans la mort d’une promesse de vie, le refus d’avoir des enfants, le choix d’accepter ceux des autres.
Le film s’appuie sur les saisons, l’hiver, souvent vu comme le temps de la mort, plus rien ne pousse, la vie se bloque. C’est oublier que sous la terre, sous le lac, elle continue de s’agiter. C’est bien cette fausse impression d’immobilité qui, à un moment ou un autre, saisit les personnages. Ils se pensent morts alors qu’au fond dans la vase inconsciente s’agrippent les racines du lotus. La fleur éclate au dessus de l’eau magnifique, blanche et plonge dans la vase pour se nourrir. L’automne, c’est la fin d’un cycle pour s’ouvrir sur un autre dans un cercle éternellement recommencé.
C’est la mort des sentiments, leur absence et leur retour après l’hiver de nos douleurs. Le film joue de la lenteur sans être contemplatif, il prend le temps des évènements qui passent et peut lasser certains spectateurs. Il faut faire l’effort de chercher entre les lignes, ici les images, les mots pour en saisir le sens et s’en rassasier. Nous n'avons pas vu la version 3D.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : Every Thing Will Be Fine
Titre français : Every Thing Will Be Fine
Réalisation : Wim Wenders
Scénario : Bjørn Olaf Johannessen
Direction artistique : Sebastian Soukup
Décors : Emmanuel Fréchette
Costumes : Sophie Lefebvre
Photographie : Benoît Debie
Son : Peter Bergström
Montage : Toni Froschhammer
Musique : Alexandre Desplat
Production : Gian-Piero Ringel
Sociétés de production : Neue Road Movies
Distribution : Drapeau : Allemagne
Budget :
Pays d’origine : Allemagne/ Canada/ Norvège
Langue : Anglais
Format : Couleur -
Genre : Film dramatique
Durée : 100 minutes
Distribution
James Franco : Tomas
Rachel McAdams : Kate
Charlotte Gainsbourg
Marie-Josée Croze
Julia Sarah Stone : Mina
Patrick Bauchau : le père
Robert Naylor : Christopher