Pierrick est encore sous le choc de la mort de son frère, l’absence, son fantôme continue de l’accompagner dans son errance. Il ne sait pas trop où diriger ses pas, la vie possède un goût amer, un vide qui l’envahit de plus en plus. Tessa, sa meilleure amie, a beau le secouer, il se laisse porter par la houle sans chercher le cap. Elle lui propose de profiter de la maison de son père, perdue sur une petite île. C’est un bon moyen pour reprendre pied au milieu de nulle part, sous le chant des embruns et de la vie qui passe. En débarquant pour jouer les Robinson Crusoé, il tombe sur les fesses de la sœur de sa meilleure amie.
Le spectacle ne manque pas de charme et nos deux âmes perdues, après moult verres alcoolisés, se retrouvent à jouer de leurs corps comme d’une symphonie. Marie se remet mal de sa séparation avec sa compagne partie pour une plus jeune. L’affaire pouvait en rester là, un moment d’égarement dans le désarroi de l’existence. Aux premières lueurs du petit jour, quand le café embaume la maison, surprise ! Tessa pointe le bout de son nez. Ils décident de faire silence sur leur intermède corporel pour des raisons différentes. Quand la vérité éclate, le temps de la réflexion laisse la place à celui de la construction et le mensonge n’arrange pas les choses.
C’est le second remake français de Lynn Shelton, après Yvan Attal adaptant Humpday, sous le titre de Do not disturb, Marion Vernoux choisit Mon meilleur ami, ma soeur, et moi. Nous retrouvons le ton de la réalisatrice américaine à la sauce des Beaux Jours. Elle explore une fois de plus les errances du cœur avec, en quatrième personnage, la nature. Cette dernière répond en écho aux sentiments des protagonistes, les accompagnant dans leur quête, sans jouer la carte de l’illustration. C’est l’apport de la réalisatrice à la nouvelle version, avec un accent mis sur la nourriture. Ce que nous mangeons est sans aucun doute ce que nous sommes et l’état dans lequel nous sommes. Le film reprend la thématique principale de Lynn Shelton des personnages s’interrogeant à un moment de leur vie sur ce qu’ils doivent en faire. C’est le cas de Girls Only son dernier film où une trentenaire retombe en enfance. Pierrick et Tessa possèdent en commun le poids de la fraternité, un frère pour le premier trop pesant et une sœur encombrante pour l’autre.
Et ta sœur devient le moment des révélations, des souvenirs qui enchantent la vie. La valse des sentiments compose une partition subtile où chacun doit faire le point sur sa relation à l’autre. La première nuit d’égarement devient le catalyseur, lors de sa révélation permettant d’exhumer les non-dits et de repartir vierge. Pierrick accepte enfin ses sentiments pour Tessa et elle son amour pour lui. Il faudra l’éclatement pour que la réalité se fasse jour. Pierrick comprend qu’il ne l’a jamais vue comme l’ex de son frère. Aimer la femme de cet être cher, disparu, n’est plus le moyen de garder un lien avec le défunt. Ils s’aperçoivent que leurs sentiments remontent à plus loin, se nichaient au fond de leur âme bien avant. La sœur devient le lien qui fait éclater une vérité enfouie.
Dans un second temps, elle devient le lien qui réunit en éveillant la parole, en plaçant des mots sur les silences du cœur, elle verbalise le non-dit. Le film cache dans sa simplicité une réflexion plus complexe sur les liens qui nous attachent aux autres. Marion Vernoux choisit une mise en scène aux plans larges, quelque gros plans de visages à l’éclairage inspiré, mais le plus souvent la caméra laisse leur intimité aux personnages. C’est un choix judicieux, c’est la parole qui devient la confidente. C’est par elle que nous accédons aux secrets intimes. La même volonté réside dans Les Beaux Jours, c’est l’apport de la réalisatrice au projet. Elle ne se contente pas d’un copié-collé, mais imprime ses propres interrogations au sujet. Nous retrouvons cette idée, comment passer du couple de copains au couple amoureux dans sa filmographie. Cela voudrait dire que Lynn Shelton et Marion Vernoux possèdent bien plus de points communs, ce qui ne m’étonne pas.
Patrick Van Langhenhoven
Titre : Et ta sœur
Réalisation : Marion Vernoux
Scénario : Marion Vernoux
Adapté du film Your Sister's Sister réalisé par Lynn Shelton
Photographie : Nicolas Gaurin
Montage : Guerric Catala
Son : Michel Casang, Élisabeth Paquotte, Dominique Gaborieau
Décors : Emmanuelle Duplay
Costumes : Marité Coutard
Régie : Frédéric Morin
Musique originale : Éric Neveux
Productions : Les Films du Kiosque
Producteurs : François Kraus, Denis Pineau-Valencienne
Société de distribution : Le Pacte
Pays d'origine : France
Langue originale : français
Tournage à Brest et Ouessant en 2014
Date de sortie : 13 janvier 2016
Distribution
Virginie Efira : Marie
Géraldine Nakache : Tessa
Grégoire Ludig : Pierrick