Le vent cingle les voiles, le petit voilier file comme un nuage poussé par le vent sauvage dans le ciel bleu. Yann Kermadec possède enfin sa chance, il prouve qu’il n’est plus le second, mais capable de plus. Franck Devril, son ami et beau-frère blessé, lui lègue sa place pour se lancer dans le Vendée Globe. C’est donc avec passion qu’il s’élance pour cette course en solitaire, bien décidé à démontrer ses capacités de marin. Au port, sa fiancée et sœur de Franck, attend, le cœur impatient, tout en suivant l’envolée vers la première place de son amant. Sa fille suit la course avec son école, s’enfermant dans le silence qu’elle finit par briser.
Tout se déroule pour le mieux. Yann et les dauphins (Titre d’une chanson de Julien Clerc), talonnent Denis Juhel le premier Skipper. Ce dernier joue avec facétie de cette course, n’hésitant à se dévoiler cul nul. C’est l’image qu’est censé voir Yann qui est juste sur la coque arrière. La course ne ressemble pas à une balade de vacanciers en villégiature, les lames en colère se frottent au navire comme un bal de désespoir. Les Icebergs, dauphins et autres splendeurs de l’océan accompagnent nos sportifs dans leur quête du dépassement de soi. Franchir les 40e Rugissants ou le cap Horn n’est pas de tout repos, chaque geste compte, chaque minute devient précieuse. Obligé de se détourner pour secourir une candidate en difficulté, il faut rattraper les heures perdues.
Après les Canaries où Yann répare une partie du voilier abimé par des déchets de la mer poubelle, Franck ne comprend pas le comportement de son ami qui change. Il dévie sa route, se comporte de façon bizarre, sautes d’humeur ou autre chose transforment le marin. La vérité apparaît bientôt difficile, cacher un passager clandestin à ses proches. La course n’est plus solitaire. Mano, abandonné aux Canaries s’embarque sur ce voilier au drapeau français. Il trouvera à Paris un médecin pour l’opérer et pourra peut-être vivre son rêve, devenir footballeur. Il ignore qu’avec ce geste il met Yann en difficulté. Comment doit-il se comporter ? Jeter le gosse à la mer et continuer, l’abandonner comme Robinson Crusoé sur une île et continuer ? Le laisser au port de la dernière chance ou l’emmener au bout de son rêve ? Qui gagne à la roulette du cœur de Kermadec, la solidarité des marins ou la compétition ?
« Imaginez-vous une seconde sur les océans du globe, pas ceux d’une mer calme, en Méditerranée, non, les 40èmes Rugissants et les 50èmes hurlants, avec les cargos menaçants, les icebergs, les bouts de bois, les risques de démâtage, la rupture des espars, la perte de la quille, l’activation de la balise Argos et hop, vous vous retrouvez dans la mer déchainée avec quelques réserves d’eau, inquiets pour le reste de votre vie. C’est ça un Héros. » Extrait de la chronique radio de Marcel Rufo
Christophe Offenstein ne fait pas preuve d’originalité dans son récit, surfant sur tous les poncifs de l’émigration. Le chef opérateur passe à la réalisation après avoir œuvré sur les films de Guillaume Canet et bien d’autres. Pourtant, difficile de le rejeter complètement, malgré une narration simpliste, il possède un grand cœur. Pour son premier film, il ne choisit pas le plus facile, les animaux, les enfants et la mer demeurent les plus difficiles à tourner. Il s’en sort plutôt bien et propose une belle variation autour du voilier. La caméra multiplie les plans de façon vigoureuse, inserts, plans d’ensemble et la rage du skipper renforcent l’énergie de la course.
Nous regrettons juste le manque de plans sur l’océan, la dimension d’espace à l’horizon perdu. Concentré sur le bateau et son habitacle, il amplifie la claustrophobie, l’économie d’un espace où chaque centimètre compte. Quand le passager clandestin apparaît, nous comprenons que la vie à deux et à trois, quand il recueille sa collègue naufragée, ne s’avère pas facile. L’image est belle et sent les embruns marins. Il donne de la respiration par quelques scènes sur terre où la tension monte au fur et à mesure de la course et des obstacles, comme le cap Horn. C’est surtout François Cluzet qui porte le récit sur ses épaules et lui donne, grâce à son jeu subtil, toute sa richesse. Nous éviterons la comparaison avec la prestation brillante que nous livrera Robert Redford dans un film de naufragé dans quelques semaines.
Concentré sur sa prestation technique, Christophe Offenstein oublie de donner plus d’ampleur et de finesse à son récit. Le film coule, plein de bons sentiments, comme une mer bien trop calme. Grâce à ses acteurs et à une direction maitrisée, il évite l’aspect larmoyant et l’écueil sur les brisants. En solitaire trouve sa place comme un film familial où la voile et le Vendée Globe sont mis en avant. Il nous apprend qu’une vie vaut bien plus qu’une course, et qui ne pourrait pas être d’accord avec ce finale ?
Patrick Van Langhenhoven