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affiche Elle l'adore

Elle l'adore

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Un film de Jeanne Herry,
Avec Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, Pascal Demolon,

Genre : Comédie
Durée : 1h45
France

En Bref

Muriel est esthéticienne. Elle est bavarde, un peu menteuse, elle aime raconter des histoires souvent farfelues. Depuis 20 ans, Muriel est aussi la première fan du chanteur à succès Vincent Lacroix. Avec ses chansons et ses concerts, il occupe presque toute sa vie. Lorsqu'une nuit Vincent, son idole, sonne à la porte de Muriel, sa vie bascule. Elle est entrainée dans une histoire qu’elle n’aurait jamais osé inventer.

Courageux est celui qui s’engage à cataloguer Elle l’adore, le premier long métrage de Jeanne Herry. Comédie noire, polar, réflexion sur la fan-attitude, le pouvoir des stars ou encore sur le mensonge compulsif… le métrage change continuellement de ton, allant du tragique au comique en traversant les ambiances et les rythmes scénaristiques, le tout dans un amalgame organisé. Ambitieuse et précise, la jeune réalisatrice ne se laisse jamais bouffer par son sujet ou par ses idées et mène son petit monde à la baguette avec maitrise. Diablement efficace dans sa première partie, le film va tout de même s’effilocher sensiblement quand il va s’agir d’éluder l’affaire… Mais qu’importe, le panache des acteurs vaut à lui seul le détour.


Il aura fallu près de 10 ans à Jeanne Herry pour mettre au point Elle l’adore, projet personnel qu’elle qualifie comme étant son film de petite fille. Fille de stars (l’actrice Miou-Miou et le chanteur Julien Clerc), la jeune femme est en effet bien placée pour connaître la notion de notoriété et la fougue des fans qu’elle engendre. Si le choix de sa thématique parait donc logique, son traitement en revanche, étonne à plusieurs égards. D’abord en démystifiant la star adulée depuis plusieurs générations, harcelée par les paparazzis et par ses fans les plus fervents, névrosée et vivant mal sa célébrité. Vincent est un chanteur populaire qui porte sa starification sans peine, sans souffrance ni atermoiement. En face, le personnage de Muriel n’a rien à voir non plus avec une hystérique obsessionnelle à la Misery. Elle a beau se rendre à chaque concert de son idole, lui écrire régulièrement des lettres sur sa vie et accrocher des photos de lui sur son mur, son intérêt pour lui se résume davantage à combler un vide dans sa vie terne qu’à une adoration pathologique. Ainsi, en désamorçant systématiquement les clichés attendus sur la liaison star/fan, la réalisatrice apporte une vraisemblance à son récit, une lecture appliquée et crédible

L’intrigue intrigue donc. Du moins, lorsqu’il est question de ces deux personnages si passionnants. Quand, en son cœur, le film se scinde en deux pour laisser apparaître derrière la comédie noire des allures de polar bradé, on comprend l’inégalité et la dualité de la besogne. Mais soyez rassuré, les faiblesses sont vite cachées par le jeu d’acteur saisissant auquel s’adonnent Sandrine Kiberlain et Laurent Lafitte. A la fois très proches, de par la complicité de leur délit et diamétralement opposés – elle ménagère de 40 ans, lui star populaire – les deux personnages ont plus en commun qu’ils ne le laissent paraitre. Victime de sa supercherie, Vincent est rapidement mis en retrait, dès le début du film, pour redistribuer les cartes et donner les pleins pouvoirs à la gentille Muriel, d’apparence simplette. Alors qu’on imagine que les manies psychotiques et la mythomanie de la jeune femme vont vite lui mettre des bâtons dans les roues, cette dernière va jouer de ses talents de bonimenteuse pour se confronter au policier en charge de l’affaire alors que tout joue contre elle. Celle qui, quelques temps plus tôt, racontait à qui veut bien l’entendre qu’elle a viré une parente de Klaus Barbie du salon d’esthétique où elle travaille, se mue progressivement, au fil de cet interrogatoire tendu, en une menteuse sûre d’elle, convaincue et convaincante. La verve des joutes verbales de l’interrogatoire constitue certainement l’un des passages les plus aboutis du métrage, entre pics sous-pesés et drôlerie réjouissante. On découvre, ou redécouvre alors une Sandrine Kiberlain tour à tour rayonnante et livide, cachotière et paniquée, sympathique et détestable. L’actrice aperçue récemment dans 9 mois ferme, la comédie décapante signée Albert Dupontel ou Violette, semble vivre ses années de gloire dans le cinéma français, et c’est tant mieux ! De son côté, Laurent Lafitte compose un personnage qui lui ressemble presque trop, juste et sincère.

Jeanne Herry signe avec Elle l’adore un premier film abouti, original et agréable. Filmé avec un regard appliqué dans une réalisation classique mais intelligente, un poil schizophrène, l’ensemble pose les bonnes questions sur le fanatisme et aborde intelligemment les affres de la mythomanie. Pour autant, la cinéaste ne se veut pas donneuse de leçon et conclut sur une note bienvenue, un brin inattendue, mais finalement terriblement juste. Alors oui, il lui reste encore des choses à apprendre, notamment concernant l’équilibre du scénario qui a tendance à se perdre dans des intrigues secondaires plus parasites que vraiment utiles, mais mises de côté ces petites faiblesses d’écriture, ce premier exercice s’avère fondamentalement encourageant.

Et vous, jusqu’où seriez-vous capable d’aller si votre idole sonnait à votre porte ?

Eve BROUSSE

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·       Titre original : Elle l'adore

·       Réalisation : Jeanne Herry

·       Scénario : Jeanne Herry

·       Décors : Johann George

·       Costumes : Emmanuelle Youchnovski

·       Montage : Francis Vesin

·       Musique : Pascal Sangla

·       Photographie : Axel Cosnefroy

·       Production : Alain Attal et Hugo Sélignac

·       Sociétés de production : Les productions du Trésor, Chi-fou-mi productions, Studiocanal, TF1 Films Productions et Egerie productions

·       Société de distribution : StudioCanal

·       Pays d’origine : France

·       Langue : Français

·       Format : Couleurs - 35 mm - 1.85:1 - Son Dolby numérique

·       Genre : Comédie