« Effort, équilibre, fidélité ».
C’est la devise de Blanco patron, bienveillant et paternaliste. Il postule pour le prix de la meilleure entreprise de la région. Rien ne doit venir troubler l’obtention de ce prix d’excellence, même pas cet employé licencié qui débarque à une petite fête avec sa smala pour réclamer son poste. Il finit par camper devant l’entreprise, menaçant l’équilibre d’un paternalisme de façade. C’est encore moins les déboires amoureux d’un responsable mettant en péril la balance d’une organisation parfaite et bon enfant. C’est peut-être la nouvelle petite stagiaire qui, comme les précédentes, devrait finir sur la balance de l’amour. Quand la petite s’accroche et menace de tout dévoiler, la balance de l’honorable Blanco penche dangereusement. Derrière les belles phrases et le ton paternaliste se cache un tout autre visage. Blanco, homme roublard et subtil, profite d’une image bienveillante pour mener sa barque à sa façon. Il n’hésite pas à contrebalancer ses propres idées pour arriver à ses fins. À force de se mêler de tout, la situation s’emballe et risque de perdre l’équilibre pour dévoiler une autre image, préjudiciable. Le prix de la meilleure entreprise, comme la balance de la justice, penche d’un côté, mais lequel ?
Le film démarre sous les meilleurs auspices pour finir par dévoiler la vérité nue. C’est avec empathie et sympathie que nous nous identifions à ce patron paternaliste, soucieux du bien de ses employés. Certes, il possède quelques petites failles humaines, coureur de jupons, par exemple. Cela ne suffit pas à nous éloigner de cet homme si attentionné pour ses ouvriers. Plus l’histoire avance, plus les évènements se liguent pour faire pencher la balance. Peu à peu la machine, à l’image de celle de Chaplin dans Les temps modernes, s’emballe et explose. Fernando León de Aranoa aime jouer dans ses films sur les apparences, les personnages à double facettes voire plus, comme dans Escobar, A Perfect Day, Amador, etc.
La mise en scène, sobre, joue surtout sur le jeu des acteurs, remarquables. Javier Bardem trouve l’un de ses meilleurs rôles dans ce patron concevant l’idée d’entreprise familiale à sa façon. Les situations lui échappent et finissent par le faire sortir de ses gonds. Peu à peu, son charisme ne suffit plus à maintenir l’équilibre. La morale s’emballe et franchit la ligne rouge jusque dans les recoins les plus sombres. Les dialogues et situations caustiques, cyniques, comiques s’appuient sur des dialogues subtils et une mise en scène d’une horlogerie millimétrée. Nous nous demandons comment Blanco se sortira des prochaines épreuves, s’accumulant de plus en plus jusqu’au déséquilibre explosif. C’est un regard sur l’entreprise et la société espagnole, encore accrochées à un certain paternalisme machiste et cynique.
Javier Bardem compose un personnage tout en finesse et en fêlures qui s’agrandissent sans jamais faire vaciller la fausse bienveillance. Autour de lui, la machine s’emballe de plus en plus. L’équilibre et le contrôle échappent non seulement à leur maitre, mais aussi aux acteurs. Les situations semblent mener la danse et le bal vers le précipice. El buen patrón est une comédie sociale, nous rappelant l’âge d’or de la comédie à l’italienne, comme Le voleur de bicyclette, Le pigeon, quand tout s’emballe et nous échappe.
Patrick Van Langhenhoven
Titre français : El buen patrón
Réalisation et scénario : Fernando León de Aranoa
Photographie : Pau Esteve Birba
Montage : Vanessa Marimbert
Musique : Zeltia Montes
Pays de production : Espagne
Format : couleur — 2,39:1
Genre : comédie
Durée : 120 minutes
Dates de sortie : 8 mars 2022 (Festival du cinéma espagnol de Nantes) 22 juin 2022 (sortie nationale)
Distribution
Javier Bardem : Blanco, le chef d’entreprise
Celso Bugallo : Fortuna
Francesc Orella : Alejandro
Manolo Solo : Miralles
María de Nati (es) : Ángela
Almudena Amor (es) : Liliana
Sonia Almarcha (es) : Adela
Fernando Albizu (es) : Román
Nao Albet (es) : Albert
Daniel Chamorro (es) : le journaliste
Óscar de la Fuente : José
Tarik Rmili : Khaled
Rafa Castejón : Rubio
Martín Páez : Salva
Yael Belicha : Inés
Mara Guill : Aurora
Sonia Herrera : Merche
Distinctions
Récompenses
Prix Feroz 2022 :
Meilleure comédie ;
Meilleur scénario ;
Meilleur acteur pour Javier Bardem.
Goyas 2022 :
meilleur film ;
meilleur réalisateur ;
meilleur acteur pour Javier Bardem ;
meilleur scénario original ;
meilleur montage ;
meilleure musique originale.
Prix Platino 20223 :
meilleur film de fiction ;
meilleur réalisateur ;
meilleur scénario ;
meilleur acteur pour Javier Bardem.
Nominations
Goyas 2022 :
meilleur acteur dans un second rôle pour Celso Bugallo, Fernando Albizu (es) et Manolo Solo ;
meilleure actrice dans un second rôle pour Sonia Almarcha (es) ;
meilleur espoir masculin pour Óscar de la Fuente et Tarik Rmili ;
meilleur espoir féminin pour Almudena Amor (es) ;
meilleure direction de production ;
meilleure photographie ;
meilleure direction artistique ;
meilleurs costumes ;
meilleurs maquillages et coiffures ;
meilleur son ;
meilleurs effets spéciaux.
Prix Platino 2022 :
meilleure actrice dans un second rôle pour Almudena Amor (es) ;
meilleur acteur dans un second rôle pour Manolo Solo ;
meilleure musique ;
meilleure photographie ;
meilleure direction artistique ;
meilleur montage ;
meilleur son.
Sélections
Festival international du film de Saint-Sébastien 2021 : en compétition
Festival du cinéma espagnol de Nantes 2022 : en compétition2
Reflets du cinéma ibérique et latino-américain de Villeurbanne : avant-première4