Au départ, pour son premier long-métrage, Pier-Philippe Chevigny souhaitait réaliser un documentaire. Mais comme il le dit : « Au fur et à mesure que j’enquêtais, je me suis rendu compte que personne ne voulait parler publiquement des abus et de l’exploitation par peur des représailles. De facto, mon projet est devenu une fiction puisque c’était la seule façon de dire la vérité tout en protégeant l’anonymat des témoins. ». C’est donc par ce biais qu’il dénonce un système qui perdure encore. Mettre fin à celui-ci conduirait à la faillite d’une partie de l’agriculture canadienne. A travers Dissidente, il nous dévoile la difficulté des travailleurs immigrés hispanophones prisonniers du système. Celui-ci leur permet de nourrir leurs familles, de construire au pays un avenir meilleur, mais à quel prix. C’est pourquoi Ariane trouve peu d’écho à sa volonté de porter la révolte au début.
Aidés par les associations et syndicats qui découvrent une méthode archaïque et proche de l’esclavage, à la fin, la raison et le prix à payer, souvent plus cher que le bénéfice, conduisent les travailleurs guatémaltèques précaires à la contestation. Ce système est le même à travers le monde, plus dissimulé dans certains pays que d'autres. Au Canada il semble autorisé et permet aux exploitations agricoles de trouver une main-d’œuvre à moindre coût. Sur le papier, chacun trouve son intérêt, du travail et un salaire meilleur pour les Guatémaltèques et autres immigrés, une main-d’œuvre moins couteuse pour le patron. Sauf que très vite on s’aperçoit que les conditions de travail sont beaucoup plus pénibles et sans aucune protection sociale ni technique. Le procédé reste le même partout dans le monde, confiscation des passeports, logements précaires et facturés, personnel corvéable à merci, etc.
Pier-Philippe Chevigny oscille entre une forme proche du documentaire, en rajoutant quelques éléments de fiction sur le personnage d’Ariane. Ariane Castellanos est remarquable dans un rôle taillé pour elle. Le réalisateur n’oublie pas de soigner ses personnages, dévoilant une galerie de portraits émouvants, empathiques, renforçant le récit. Il s’appuie sur une enquête longue et documentée avec une spécificité pour les travailleurs guatémaltèques, la lettre de recommandation. Mi-septembre 2023, un rapport spécial de l’ONU a conclu que ce programme des travailleurs étrangers temporaires était un « terreau fertile pour l’esclavage moderne ». Un premier film réussi, plus proche du documentaire que d’une fiction idéologique à la Ken Loach. Comme le dit Pier-Philippe Chevigny sur son envie de cinéma : « Mon engagement politique a fait que le cinéma, notamment documentaire, s’est imposé comme meilleur véhicule que la musique. »
Patrick Van Langhenhoven
Note du support : n/a
Support vidéo :
Langues Audio :
Sous-titres :
Edition :
Titre original : Dissidente
Réalisation : Pier-Philippe Chevigny
Scénario : Pier-Philippe Chevigny
Musique : Félicia Atkinson
Décors : Yola Van Leeuwenkamp
Costumes : Kelly-Anne Bonieux
Photographie : Gabriel Brault Tardif
Son : Johann Nallet et Charles Fréville
Montage : Amélie Labrèche
Production : Geneviève Gosselin-G.
Sociétés de production : TS Productions et Les Alchimistes
Société de distribution : Be For Film
Pays de production : France et Canada
Langue originale : français et espagne
Genre : Drame
Durée : 89 minutes
Dates de sortie : 5 juin 2024
Distribution Ariane Castellanos : Ariane
Marc-André Grondin : Stéphane
Nelson Coronado : Manuel Morales
Ève Duranceau : Michèle
Gerardo Miranda : Maria
Antonio Ortega : Guillermo
Micheline Bernard : Nicole
Luis Oliva : Juan
María Mercedes Coroy : Maria
Émile Schneider : Mathieu
Hubert Proulx : Richard
Marc Beaupré
Christine Beaulieu