La jeune Estella et sa mère, en route pour Londres, s’arrêtent en chemin dans un château cossu. C’est ici, dans les jardins du parc, qu’une bande de dalmatiens précipite la pauvre femme en bas des falaises. Devenu orpheline, la jeune fille s’imagine porter le poids de cette mort à cause de son comportement rebelle. Le destin, sacré farceur, met sur sa route deux petits voleurs Jasper et Horace. Les deux brigands prennent sous leur aile la pauvrette et son chien bandit. Commencent pour la jeune fille des années de rapine et d’escroqueries en tous genres en compagnie de ses deux complices. Cela ne suffit pas à Estella. Elle voudrait devenir styliste et travailler pour la plus grande d’entre tous, la Baronne Von Hellman. La petite voleuse voit son rêve se concrétiser et même plus par une embauche au temple de la mode. Elle grimpe les échelons grâce à son talent et devient l’assistante de la terrible Baronne. Notre histoire pourrait s’arrêter là. Elle prend la forme d’une vengeance à la Monte Cristo, quand Estella découvre la vérité sur la mort de sa mère et ses origines. La chenille se transforme en Cruella, papillon de nuit vorace, prête à tout embraser pour sa vengeance et occuper la première place. C’est un duel entre deux drôlesses rivalisant pour occuper la première page. Tous les coups sont permis. Le diable en rit encore, il a trouvé sa Lilith.
C’est le troisième volet de la série après 101 et 102 Dalmatiens avec Glenn Close dans le rôle-titre. On revient au début de l’histoire où comment une jeune fille turbulente et rebelle se transforme en la pire des méchantes, Cruella. On est loin du roman original de Dodie Smith Les 101 Dalmatiens paru en 1956. C’est une mise en scène vive, aux couleurs musicales pop-rock des années 70. Nous sommes au cœur de la mode, les vêtements, les décors explosent en multiples nuances et formes d’une époque capable de tout. C’est dans ce contexte que se joue le destin d’une jeune fille à l’étrange chevelure noire et blanche. Cette dernière est à l’image de son tempérament, parfois tout feu tout flamme, parfois triste. La Cruella du dessin animé s’efface derrière une jeune fille meurtrie choisissant une voie d’enfer, poussée par son destin. Elle voulait juste être libre mais la confrontation avec la mort et la Baronne en décident autrement.
Elle deviendra la reine détrônant la vieille suzeraine. Derrière la femme en colère en quête de justice se cache une jeune fille à l’âme perdue. Le blanc et le noir se teintent de grisn pour une fois de plus démontrer que les frontières de nos sentiments sont bien plus fluctuantes. La folie, la liberté courent comme l’eau vive en toile de fond entre la Baronne, nouvelle méchante, face à une Cruella moins mauvaise qu’on le dit. L’héritage, aux sens propre et figuré, est une autre thématique de cette préquelle. On s’interroge sur le caractère de la belle, fluctuant parfois aux portes de la folie, bipolaire ou pas. Est-ce un héritage de sa mère que je vous laisse découvrir ? Il y a du Comte de Monte-Cristo avec une jeune femme qui prépare sa vengeance en rejoignant le monde de la mode.
Le film emprunte aussi à l’univers du conte, le parcours initiatique et formateur, le film d’escrocs, sans jamais se perdre. La nouvelle reine pourrait être un mélange de Karl Lagerfeld et de Jean Paul Gaultier pour l’originalité, l’exubérance et le talent à transformer un univers qui ronronne. C’est la lutte de deux générations, la Baronne à bout de souffle et la jeune vague pleine de promesses innovantes et gonflées ! Tous les coups sont permis et la jeune Estella, se transformant comme les tissus en une nouvelle création, ne manque pas d’idées. Cruella nous en emporte dans un tourbillon de situations et de défilés qui nous laisseront ébaudis.
C’est un duel des deux Emma, deux actrices excellentes, poussant leur personnage dans un feu d’artifice exubérant. Emma Stone trouve un rôle à sa démesure, parfaite dans ce jeu d’ombres et de lumière, de vengeance et de douleur des mal-aimées. Elle propose une nouvelle figure de femme libre et indépendante à l’heure d’une révolution féminine en marche. Emma Thompson campe une Baronne aux portes de la folie, orgueilleuse, avide de pouvoir, sans une once de regret. Une fois de plus, après Maléfique, Disney prouve sa capacité à renouveler les personnages emblématiques de son catalogue. Et après, à qui le tour ?
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : Cruella
Réalisation : Craig Gillespie
Scénario : Dana Fox et Tony McNamara, d'après une histoire d'Aline Brosh McKenna, Kelly Marcel et Steve Zissis, d'après les personnages du roman Les 101 Dalmatiens de Dodie Smith et du film Les 101 Dalmatiens
Direction artistique : Martin Foley
Décors : Fiona Crombie
Costumes : Jenny Beavan
Photographie : Nicolas Karakatsanis
Montage : Tatiana S. Riegel
Musique : Nicholas Britell
Production : Andrew Gunn, Marc Platt et Kristin Burr
Producteurs délégués : Emma Stone, Michelle Wright, Jared LeBoff et Glenn Close
Sociétés de production : Walt Disney Pictures, Marc Platt Productions et Gunn Films
Société de distribution : Walt Disney Studios Motion Pictures
Budget : 100 millions de $3
Pays d'origine : États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur
Genre : Comédie dramatique
Durée : 134 minutes
Dates de sortie : 23 juin 2021 (au cinéma)
Distribution
Emma Stone (VF : Élisabeth Ventura ; VQ : Catherine Brunet) : Estella Miller / Cruella d'Enfer (Cruella de Vil en VO)
Billie Gadsdon : Estella à 5 ans
Tipper Seifert-Cleveland (VF : Lévanah Solomon ; VQ : Emma Bao Linh Tourné) : Estella à 12 ans
Emma Thompson (VF : Frédérique Tirmont ; VQ : Élise Bertrand) : la baronne von Hellman
Joel Fry (VF : Eilias Changuel ; VQ : Adrien Bletton) : Jasper Badun
Ziggy Gardner (VF : Isaac Lobé-Lebel ; VQ : Jacob Beaudry) : Jasper, enfant
Paul Walter Hauser (VF : Jérémie Bédrune ; VQ : Martin Rouette) : Horace Badun
Joseph MacDonald (VF : Aloïs Agaësse-Mahieu ; VQ : Raphaël Bleau) : Horace, enfant
Emily Beecham (VF : Julia Boutteville ; VQ : Marie-Laurence Boulet) : Catherine Miller
Kirby Howell-Baptiste (VF : Fily Keita ; VQ : Florence Blain Mbaye) : Anita Darling
Florisa Kamara : Anita, enfant
Mark Strong (VF : Pierre-François Pistorio ; VQ : Patrick Chouinard) : John
John McCrea (VF : Hervé Rey ; VQ : Nicolas Bacon) : Artie
Kayvan Novak (en) (VF : Xavier Fagnon ; VQ : Éric Bruneau) : Roger Dearly
Jamie Demetriou (en) (VF : Thierry D'Armor ; VQ : Alexis Lefebvre) : Gerald
Andrew Leung (VF : Alexandre Bierry ; VQ : Louis-Philippe Berthiaume) : Jeffrey