Nous sommes en Afrique du Sud dans le futur où la première police robotique voit le jour et protège le citoyen dans les rues de Johannesburg. Chappie se prénommait Scout 22 et passait son temps à l’atelier mécanique pour une remise en état. Le pauvre robot manquait de chance et lors des missions de surveillance ou d’intervention de la police mécanique, les mécréants le dézinguaient en premier. Cette scoumoune change son avenir quand le créateur décide de tester sur lui la conscience. Il se retrouve doté de la possibilité d’apprendre, de comprendre, peut-être même d’avoir une âme. Kidnappé par un couple de braqueurs, il commence son apprentissage, nouvelle étape de l’évolution.
Yolandi trouve dans Chappie l’enfant qui lui manquait, elle lui apporte toute la douceur d’une mère. Hippo son nouveau père l’utilise dans des mauvais coups. Dans l’ombre, Vincent, un autre ingénieur, refuse de voir la machine devenir le prochain chainon de notre humanité. Pour lui, la machine ne peut penser, agir de sa propre volonté. Elle doit rester sous le contrôle de l’homme. Chappie, petit robot naïf qui apprend vite, devra trouver le chemin de sa propre conscience. Quelle sera la prochaine étape de l’humanité, un homme Dieu créateur ou une machine dotée d’une âme ?
« Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? » Lamartine
Neill Blomkamp continue d’interroger notre société sur son devenir en prenant pour terrain de jeu la S.F. Après District 9, une métaphore sur l’Apartheid, Elysium la différence de classes, la maladie et l’immortalité, Chappie nous interroge sur la conscience de la machine. Pourrait-elle s’affranchir de son créateur et penser par elle-même ? Chappie comprend qu’il possède des parents et un créateur comme une bonne partie de l’humanité. Il devient de plus en plus humain et finit par s’interroger sur la dernière question essentielle, la mort. Ces derniers, pour se protéger, inventent une police robotique plus fiable et plus économique, les scouts. Le réalisateur explique : « On ne peut ni discuter, ni négocier avec eux, ils sont intransigeants. » Deux notions différentes s’affrontent. Déon pense que la machine peut évoluer et se doter d’une conscience, Vincent qu’elle doit rester sous le contrôle de l’homme.
Déon n’hésite pas à franchir le pas en dotant Scout 22 d’une conscience, de la faculté d’apprendre et de s’émanciper. Il devient Chappie, le premier chainon d’une humanité nouvelle. Ce sont ses kidnappeurs, des voyous sympathiques, qui lui donnent ses premiers enseignements. D’un côté, la voie de la douceur et de la non-violence, de l’art et de l’indépendance avec Yolandi. Il est intéressant que ce soit une femme qui voie en Chappie un enfant et non plus une machine. Elle le guide vers son émancipation, son libre arbitre. À l’inverse, Hippo voit en lui un moyen de devenir intouchable et de réussir tous ses mauvais coups. Le bien et le mal, une autre notion de notre humanité, faire la différence entre ce qui est bon ou mauvais. Il est d’un côté un gangster avec son père et de l’autre, peintre ou philosophant sur la vie avec sa mère. Le réalisateur pose la question de la conscience et forcément de l’âme et plus loin, de Dieu. Chappie comprend qu’il possède des parents et un créateur comme une bonne partie de l’humanité.
Il devient de plus en plus humain et finit par s’interroger sur la dernière question essentielle, la mort. En trouvant sa réponse, il devient le prochain d’une humanité plus morale, plus spirituelle, l’idéal du meilleur des mondes possibles. Neill Blomkamp déclare : « L’idée était de donner à quelque chose d’aussi peu humain qu’un robot – un robot policier, qui plus est – toutes les caractéristiques humaines, au point qu’il devienne encore plus humain que les personnages de chair et d’os. C’est toute l’ironie du film, car ce robot doué de conscience fait peu à peu preuve de plus de morale, d’éthique et de scrupules que les êtres humains. » La force du film, derrière le divertissement, reste de nous interroger sur toutes les grandes questions touchant à la machine. D’un côté pour Déon, elle représente le prochain pas, l’homme libéré du mal. Pour Vincent Moore, une machine dotée d’une conscience artificielle signe la fin de l’humanité.
C’est l’homme se prenant pour Dieu. Il finit forcément par nier son créateur. Ce sont bien deux conceptions, deux visions du monde qui s’affrontent. Dans une seconde lecture, le spectateur curieux trouvera toutes les questions relatives à ce grand dilemme de l’humanité. Est-ce que nous ne voyons la progression de l’intelligence artificielle que comme une émancipation de la créature vis-à-vis de son Dieu ? C’est peut-être tout simplement la naissance d’une autre forme d’existence. Cette question interroge sur l’identité de la conscience et de l’âme ? Elle ne peut être que d’essence divine pour certains. Il faudrait déjà définir la notion de conscience, est-ce la possibilité de déterminer le bien et le mal comme le disent certains philosophes ?
Le Larousse nous dit : « Connaissance, intuitive ou réflexive immédiate, que chacun a de son existence et de celle du monde extérieur. Représentation mentale claire de l'existence, de la réalité de telle ou telle chose.” Pour la machine c’est de s’affranchir de son créateur et de penser par elle-même. La fin du film en ce sens est assez significative. À la question du poète, le réalisateur répond à sa façon avec Chappie.
Patrick Van langhenhoven
Bonus BR :
Copie digitale offerte au format UltraViolet
Mastérisé en 4K
"Nous sommes Tetravaal" : interviews des acteurs
Fin alternative
"Making Chappie" : 8 featurettes sur les coulisses du tournage (73')
Scène inédite en version longue
L'art de Chappie : galerie photo
Bonus DVD
"Nous sommes Tetravaal" : interviews des acteurs
CinéRégion : Chappie, un nouveau film de Science-fiction ?
Neill Blomkamp : Tout d'abord, je voulais dire que District 9 n'avait pas été pensé à la base comme un film futuriste, mais c'est vrai que la vie de tous les jours à Johannesburg est tellement différente pour vous que cela pouvait laisser penser cela. Mais pour moi, nous étions à dix ans à peu près de l'époque à laquelle nous vivions. En revanche pour Chappie dans ma tête c'était à peu près 5 ans dans l'avenir. Je crois qu'il faut être un peu réaliste et il est fort possible, si les gouvernements le veulent, que dans cinq ans il y ait des robots circulant dans la rue. Pour moi le but de la science-fiction est de déformer légèrement la réalité afin de justement parler des idées, des thèmes qui m'intéressent.
C.R. - Le film trouve une forme d'immortalité et je voulais savoir si cette forme d'immortalité tenterait Sigourney par exemple ?
Sigourney Weawer : Oui je suis assez prête à devenir un robot, c'est tentant ça me permettrait de suivre et d'épier ma fille (rires). C'est aussi l'idée de vivre pour toujours, mais ça je ne suis pas totalement sûre. Si j'étais un robot je ne pourrais sûrement pas par exemple apprécier votre délicieuse nourriture donc à y réfléchir je crois que je ne préférerais pas.
C.R. - Est-ce que pour vous la science-fiction est toujours un moyen de parler de la société sud-africaine ? Et est-ce que le personnage de Deon est un clin d'œil à Deon Meyer qui parle lui aussi de la société sud-africaine dans ses polars ?
N.B. : Au départ je ne voulais pas que l'action de Chappie se déroule à Johannesburg, car je souhaitais vraiment quitter l'univers de District 9 et j'avais même fait une première mouture du scénario qui se passait aux USA. Mais finalement, ça n'allait pas, ça faisait forcé alors j'ai décidé que finalement Johannesburg se prêtait et rejoignait les thèmes que je voulais traiter. C'est-à-dire ceux de la conscience, de pouvoir ressortir des choses, d'avoir une âme et qu'est-ce que cela signifie.
Au début je ne voulais pas que cette histoire soit alourdie par le contexte sud-africain, mais en même temps j'ai reconnu que Johannesburg m'aidait à développer ceci. Au départ nous naissons purs, loin de toute corruption, mais mon côté semi-pessimiste qui me fait penser que le monde est extrêmement violent collait mieux avec cette ville.
C.R. – Pouvez-vous me parler du casting de Ninja Tune ?
N.B. : En fait, j'ai commencé à écouter leur musique en 2010 et j'ai tout de suite trouvé qu'il y avait quelque chose de captivant dans cette dernière. Ils dépassaient déjà ce que faisaient des artistes, ils contrôlaient leur art et tous les visuels qui entouraient leurs groupes. À cette époque-là, j'étais en plein dans l'écriture où il y avait plein de robots et je me suis dit que je voulais faire un film sur ce qu'est l'essence même de la conscience. Je me suis dit, mais si c'était eux qui élevaient un tout jeune enfant qui à la fois était un robot...leur présence fait partie intégrante du film. Leur bizarrerie était le contenant essentiel du film et je voulais vraiment garder ça. Je les ai d'ailleurs laissés créer leur univers, leurs repères, leurs vêtements... la seule chose que je leur ai dite, c'est les choses dont je ne voulais pas du tout.
C.R. : Il n'y a que deux femmes dans le film : une qui est dirigeante d'entreprise et l'autre apprend la conscience à son enfant alors que les hommes se battent ou jouent aux jeux vidéos... est-ce que c'est votre vision des femmes versus hommes ?
N.B. : C'est vrai que je n'avais jamais pensé en ces termes, mais pour répondre à votre question c'est vrai que je voulais que le robot possède davantage de caractéristiques humaines que les humains eux-mêmes. Lorsque je montrais le côté maternel de la maman qui d'ailleurs est opposée à l'intelligence artificielle, mais nous y reviendrons.... C'est vrai que dans ma vision des choses et du film je pense que beaucoup de mauvaises choses sont le fait des humains et je pense qu'un monde où il y aurait plus de femmes que d'hommes serait probablement un monde meilleur en quelque sorte. »
S.W. : J’aime beaucoup que dans les films de Neil il y ait à chaque fois panel extraordinaire des émotions humaines. Par exemple dans Distric 9 cet affreux beau-père... Ce qui était génial ici avec Dev Patel, c'est que c'est vraiment un acteur subtil et merveilleux et j'aimerais que les jeunes aillent voir ce film parce que les choses qu'il dit à Chappie sont essentielles et représentent l'espoir que l'esprit humain perdure et que le monde devienne meilleur. Il dit à Chappie « ne laisse personne te dire que ce que tu veux faire est impossible ». Je ne sais pas ce que serait le monde si il y avait plus de femmes que d'hommes, mais je crois que dans le cas de Michelle, elle est vraiment prise dans le piège qu'est l'organigramme des grandes corporations et alors elle ne comprend pas qu'un robot puisse avoir une conscience et ressentir des choses... ce qui d'ailleurs est pour moi en contradiction avec un esprit d'entrepreneur de bizness, mais j'imagine qu'effectivement que sa boîte ne voit pas l'utilité de ça tout de suite.
C.R. - Ces films parlent de l'acceptation de la différence. Mettrez-vous cette thématique dans le prochain Alien et Sigourney Weaver fera-t-elle partie du projet ?
N.B. : Je ne veux pas trop en dire, vous l'avez compris, car pour la première fois je vais dans un monde que je n'ai pas crée et, qui plus est, avec une telle icône ! Je dois dire aussi que je suis un très grand fan des deux premiers Alien donc c'est vers là que je me tourne....
S.W. : Il n'y a pas de réalisateur au monde avec qui j'aimerais davantage tourner Alien 5 donc pour moi c'est un rêve qui devient réalité. Ce qui est très intéressant c'est l'idée née d'un processus très organique qui a eu lieu durant le tournage et c'est une très belle façon de créer un film qui soit intéressant. Je suis très heureuse à l'idée de participer à son projet.
CR - Question hors contexte : Qu'est-ce qui vous a fait particulièrement plaisir dans le palmarès des Oscars 2015 ?
S.W. : En fait c'est vrai qu'il y a des choses que j'ai regrettées et que je n'aime pas comme la notion de gagnant parce que j'ai regardé et admiré beaucoup des films qui étaient nommés. Bien sûr c'est merveilleux lorsque l'on rend hommage à telle ou telle personne, mais il y a en tant qui sont oubliés...je pense par exemple à Channing Tatum qui est l'âme de Foxcatcher, j'étais également choquée que Ralph Fiennes qui est Grand Budapest Hôtel ne soit pas nommé... mais je dois dire que j'ai été cette année particulièrement impressionnée par les films étrangers nommés. Ils abordent des thématiques complexes et j'aime l'idée que notre industrie devienne de plus en plus globale. J'aime beaucoup cette idée de la globalisation du cinéma.
C.R. - je voudrais revenir sur l'idée de l'intelligence artificielle, on assiste souvent à des débats où des spécialistes disent pour les uns que c'est dangereux, pour les autres que c'est utile. Quel est votre point de vue ?
N.B. : Puisqu'on parle de l'intelligence artificielle il y a effectivement dans le langage des programmateurs l'intelligence artificielle douce « soft » qui, elle, peut-être bénéfique. Il y pourrait y avoir un jour une police robotisée... en même temps dire "est-ce que c'est bien est ce que c'est mal" ce n'est pas le propos en réalité. Si on parle d'une intelligence artificielle extrêmement poussée, c'est à dire des robots qui pourraient créer / penser comme des Hommes, à un niveau purement spirituel je ne suis pas sûr que ça serait possible...si cela arrivait, je crois que l'on deviendrait des outils dans la chaîne de la création. Nous serions simplement une espèce qui a abouti à la création de cette nouvelle forme d'intelligence. Et je crois que ça nous positionnerait comme un tremplin dans l'échelle de l'évolution. »
S.W. : Moi je n'y connais rien, même pas la différence entre le soft et le hard. Mais je crois que c'est à nous de décider ce que nous allons créer et j'aime l'idée que nous ne sommes qu'une petite marche dans l'évolution.
Interview réalisée par Patrick Van Langhenhoven, retranscrite par Sarah Lehu et corrigée par Frédérique Dogué.
Titre original : Chappie
Réalisation : Neill Blomkamp
Scénario : Neill Blomkamp et Terri Tatchell
Direction artistique : Jules Cook
Décors : Jonathan Hely-Hutchinson et Emilia Roux
Costumes : Diana Cilliers
Photographie : Trent Opaloch
Musique : Ryan Amon et Rich Walters
Production : Simon Kinberg
Sociétés de production : Media Rights Capital ; Alpha Core, Simon Kinberg Productions, Sony Pictures Entertainment et TriStar Pictures (coproductions)
Société de distribution : Columbia Pictures
Pays d’origine : États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur
Genre : science-fiction
Distribution
Hugh Jackman : Vincent
Sigourney Weaver
Sharlto Copley : Chappie (voix)
Dev Patel : Deon
Jose Pablo Cantillo : Yankie
Anri du Toit (Die Antwoord) : elle-même
Watkin Tudor Jones (Die Antwoord) : lui-même