Paul et Myriam, petit couple sympathique, s’occupent de leurs deux enfants avec amour et tendresse. Il est temps pour Myriam de reprendre le chemin du travail, les enfants, ça vous dévore, petits monstres d’amour assoiffés, jamais rassasiés d’amour. Il faut trouver une nounou pour garder ces petits anges au foyer. La sélection s’arrête, comme la roue de la bonne fortune, sur Louise, la nounou idéale, charmeuse, charmante, aimant déjà les bambins de tout son cœur. C’est donc le cœur libre et la conscience tranquille que nos tourtereaux reprennent le chemin du travail. Les jours passent et se ressemblent, partir tôt le matin, abandonner en de bonnes mains leur progéniture. Louise dorlote ces petits comme s’ils étaient les siens, les emmène au jardin, attend Mila, la plus grande, à la sortie de l’école. Tout va pour le mieux. On emmène la nounou en vacances dans un grand élan de solidarité et de reconnaissance. Pourtant, le jardin du bonheur se fissure. Il est temps de changer de nounou, trop de failles dans le mur de la confiance. La nounou était presque parfaite…
Lucie Borleteau propose un nouveau portrait de femme, plus sombre, après Fidélio, l’odyssée d’Alice. Elle adapte le roman à l’ouverture inquiétante, Chanson douce, de Leïla Slimani. Elle choisit de prendre le chemin ordinaire d’un petit couple au bonheur parfait pour finir sur le drame. Elle suit, dans une première partie, cette famille idéale dans son bonheur sans accroc. Tout file pour le mieux, pas de conflit, quelques stress dus aux enfants comme dans toutes les familles. Le spectateur habitué au cinéma américain attend la petite part d’ombre qui se glisse dans cette vie sans problème. Lucie Borleteau se place dans les pas de Sautet, Brizé, ce cinéma qui analyse le temps qui passe comme un printemps précoce. L’arrivée de Louise ne trouble pas plus le jeu dans sa première partie.
La nounou est parfaite. Peu à peu se glissent dans les ombres des moments de doute. Elle apparaît un peu sévère, aux idées bien arrêtées mais qui ne sèment pas le trouble dans ce petit couple qui ne voit rien. Aveuglé par la perfection, il met les couacs sur un autre compte. Karin Viard nous offre une autre facette de son talent dans cette femme que nous découvrirons plus inquiétante au fur et à mesure du récit. Elle distille par petites touches des pistes troublantes qui enflent peu à peu. Nous comprendrons que Louise n’a plus d’autre horizon dans sa vie que ces deux enfants. Sans eux, elle n’est plus rien. La question de la folie viendra se glisser dans le récit sans connaitre sa part de réalité. Elle n’existe plus dans cette vie de misère qui est la sienne.
Un peu d’onirisme troublera le spectateur, avec une séquence de pieuvre aux bras tentaculaires très symbolique. En face, Leïla Bekhti et Antoine Reinartz forment un couple parfait dans un jeu tout en finesse. Pour clore son récit, à l’inverse du roman très descriptif, la réalisatrice choisit le non-dit. Une bonne idée, elle laisse la place à nos fantasmes les plus horribles face à l’inconcevable. Il faudra accepter le cheminement ordinaire qui bascule dans l’horreur pour le savourer complètement. Les lecteurs du roman seront surpris par le choix de la réalisatrice de ne pas suivre la trame du livre.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : Chanson douce
Réalisation : Lucie Borleteau
Scénario : Lucie Borleteau et Jérémie Elkaïm, d'après le roman Chanson douce de Leïla Slimani
Décors : Samuel Deshors
Costumes : Dorothée Guiraud
Photographie : Alexis Kavyrchine
Montage : Laurence Briaud
Musique : Pierre Desprats
Production : Pascal Caucheteux, Nathalie Gastaldo, Philippe Godeau et Grégoire Sorlat
Sociétés de production : Why Not Productions et Pan-Européenne, avec la participation de Canal+, Ciné+ et France 3 Cinéma
Société de distribution : Studio Canal (France)
Budget : n/a
Pays d'origine : France
Langue originale : français
Format : couleur
Genre : drame
Date de sortie : 27 novembre 2019
Distribution
Karin Viard : Louise
Leïla Bekhti : Myriam
Antoine Reinartz : Paul
Noëlle Renaude : Sylvie