Cerise a 14 ans, mais elle en paraît 20. Cerise a grandi à côté du périphérique, mais la voilà exilée en Ukraine. Cerise se maquille outrageusement, mais elle a encore des rêves de petite fille. Cerise ne connaît pas son père, pourtant elle doit vivre avec. Cerise ne s’est jamais intéressée qu’à sa petite personne, et la voilà plongée dans une révolution ! Cerise ou les pérégrinations d’une adolescente à la recherche de l’amour absolu… à la recherche d’elle même.
Après Paulette, comédie mi-figue mi-raisin sur la banlieue qui signait la dernière apparition à l’écran de Bernadette Lafont, Jérôme Enrico replonge dans la chronique sociale et familiale avec Cerise. Comme redouté, Cerise ne gomme en rien les défauts de Paulette et va même en rajouter une couche : faiblesses d’écriture, rythme accidenté, direction d’acteurs approximative et montage à la hache. On aboutit alors sur un film assez étrange qui se perd dans plusieurs chemins de travers (le film engagé, la fable adolescente, le film souvenir, la parodie…) sans jamais trouver une identité propre. C’est dommage, d’autant que l’on aperçoit amplement ce qu’aurait pu être Cerise si les pistes avaient été redirigées et les ficelles affinées… Reste son côté improbable avec son « running gag » sur l’obsession de l’adolescente : un chanteur à la Kendji Girac.
Jérôme Enrico poursuit donc avec Cerise les mêmes thèmes découverts dans Paulette, à savoir la fable sentimentale sur fond de conflits sociaux, dans la lignée des films engagés à la Ken Loach (sans atteindre sa justesse de ton). A la différence que, au lieu de se concentrer sur un motif, Enrico va tisser un grand nombre d’intrigues entre elles, jusqu’à s’y perdre et paumer le spectateur avec. Cerise s’amorce dans une chronique adolescente est familiale grossière avec des personnages caricaturés à l’extrême (la mère perdue face à l’ado insupportable, le père inconnu…). Ce premier film dans le film manque cruellement d’aplomb et se voit catapulté en Ukraine sans crier gare et sans jamais vraiment trouver ses marques. A l’image de Cerise, cette ado outrée dont il est bien difficile de s’attacher malgré toute la bonne volonté et le meilleur faciès blasé de Zoé Adjani, charismatique malgré tout – d’autant plus si vous n’êtes pas accoutumés au langage des jeun’s.
Forcée d’habiter chez son père, entrepreneur en Ukraine, Cerise va faire la connaissance d’un club de vieilles amies loufoques. A la comédie adolescente alambiquée, Enrico vient alors propulser une toute autre dimension et prouver son talent pour capter la malice des visages ridés. L’amitié qui va se nouer entre l’ado et les mamies représente la bonne idée du métrage et, à l’occasion de scènes plutôt bien troussées, durant lesquelles leur complicité va se souder à travers la danse, les gestes, la poterie, les magazines féminins ou les hommages à leurs fils décédés en Afghanistan à coup de vodka, le film va basculer vers la tendresse. On se surprend même à en redemander. Malheureusement, Jérôme Enrico ne va pas s’appesantir non plus sur le sujet. Il va préférer battre d’autres pavés, ceux de la corruption et des combats politiques liés à la révolution ukrainienne. Cette thématique est couplée au récit comme un troisième film dans le film, visiblement mal employée (malgré les images d’archive). On peut saluer l’ambition de vouloir faire autre chose, de bousculer la comédie familiale en une chronique ado/politique, mais le résultat est tellement inégal que Cerise ne va fonctionner que par à-coups et former à l’arrivée un film étrange qui manque cruellement d’appui scénaristique. Comme Paulette avant lui, impossible de passer à côté du ronron téléfilmesque de Cerise, qui risque de passer inaperçu dans le tourbillon de sorties de ce début d’année.
Eve BROUSSE
Fiche technique
Titre : Cerise
Réalisation : Jérôme Enrico
Scénario : Jérôme Enrico, Irina Gontchar
Direction artistique :
Décors : Jérémie Sfez
Costumes : Dorothée Lissac
Photographie : Bruno Privat
Son : Jean-Luc Rault-Cheynet, Raphaël Sohier, Bruno Reiland, Thierry Lebon
Montage : Antoine Vareille
Musique : Gisèle Gérard-Tolini
Production : Ilan Goldman, Catherine Morisse-Monceau
Société(s) de production : Gaumont, Légende Films, France 2 Cinéma
Société(s) de distribution : Gaumont
Pays d'origine : France
Langue originale : français (et quelques répliques en anglais)
Format : couleur
Genre : comédie
Distribution
Zoé Adjani-Vallat : Cerise
Jonathan Zaccaï : le père de Cerise
Olivia Côte : Pascale, la mère de Cerise
Tania Vichkova : Nina, la femme de ménage ukrainienne
Mykola Mateshko : Mikita
Emilia Radeva : Tania
Yavor Ralinov : Boris
Pierre Derenne