La France est plus réputée pour son cinéma d’auteur que pour ses comédies. Pourtant certains réalisateurs tendent à développer un genre se diversifiant et en renouvellement récent. Déjà présent sur la scène française depuis un petit bout de temps avec ses réussis Changement d’adresse ou encore L’art d’aimer, Emmanuel Mouret propose, dans la lignée des grands auteurs réalisateurs américains, une comédie sur l’attirance, les questionnements sur ce que l’on a et ce que l’on désire…
Pas toujours en verve précédemment, où il délaissait parfois l’analyse pour le gag, Caprice est une belle œuvre, accessible et non moins riche, encore bancale par moments. Mouret reprend ici ses thèmes de prédilection, avec un marivaudage se basant sur le personnage joué par ses soins, Clément Dussaut, quarantenaire tiraillé.
Ce film livre véritablement un témoignage sur non pas l’amour, mais les amours et leurs différents cycles vus à travers des personnages atypiques aux envies et besoins différents. Quatre protagonistes mènent cette heure quarante de comédie dans un Paris à la Woody Allen, sans les artifices et les clichés. Une véritable sincérité se fait sentir – le fait de se mettre en scène peut en être une preuve – et avec un côté « home made ». Le professionnalisme et la maîtrise ne sont pas en cause dans cette remarque, mais plutôt la façon de traiter cette histoire, en simplicité, sans être trop bavard comme l’aurait été une comédie américaine contemporaine à ce sujet, elle reste néanmoins très écrite et les situations comiques habilement amenées.
Les influences du réalisateur sont visibles – on pense à Lubitsch entre autres - et un comique rare et intelligent se retrouve chez ce grand personnage maladroit. Un humour, à la fois absurde et fin : oui, cet humour n’est pas mort et les lourdeurs de certaines comédies françaises campées par les mêmes acteurs que l’on se passera de citer sont évitées, faisant éprouver au contraire le plaisir simple de rire dans des scènes presque banales. La scène du vase où Clément s’emmêle les pinceaux est un exemple parfait de ce mimétisme et cette légèreté simple.
Le film tient sur l’histoire de Clément, amoureux transis d’une comédienne. Représentant l’inaccessible il voit toutes ses pièces et la fantasme secrètement. La question du fantasme aurait pu sembler déjà vue mais est amenée avec sobriété. Mouret remet en scène le désir de l’autre, ce que l’on possède et finalement ce que l’on souhaiterait posséder. Ce décalage intéressant et dilemme majeur de l’amour qu’est l’alliage avoir/désirer. Quand Clément fantasme sur Alicia, cette figure féminine de mère parfaite, passe une Caprice, tourbillon juvénile de passion. Il idéalise l’une inaccessible – mais qu’il atteindra – quand l’autre est à son crochet et l’idéalise, lui. Ces deux figures féminines travaillées représentent le choix de la stabilité ou de cette folie, que ça soit à quarante ans ou même à vingt. Et à côté de ce trio, le meilleur ami de Clément, Thomas, est lui aussi dans cette quête, et symbolise des désirs pouvant entrer en collision.
Ce sont des anti-héros et même une célébrité à la beauté revendiquée n’est pas une peste insupportable séduisant à tout-va, loin des clichés que le récit aurait pu penser. Laurent Stocker et Emmanuel Mouret ont quelque chose d’empathique, de vrai. Les quatre personnages ont des rôles atypiques et servent l’œuvre dans sa vision des amours. Entouré de la fougue et l’attrait d’Anaïs Demoustier rajeunie – trop ? - mais toujours réjouissante depuis quelques temps ; de Virgine Effira en célébrité modeste au charme mature, et à la coupe d’une Catherine Deneuve avec l’expérience et la magie en moins ; et enfin de Laurent Stocker en monsieur-tout-le-monde, rêvant rationnellement d’une vie meilleure. Le quatuor s’accorde et se complète comme les relations se font et se distendent.
Dans son Caprice, qui n’en est pas une, Emmanuel Mouret rend efficace une multitude de situations jouées avec une maîtrise et une justesse du rythme. Cette comédie est, quoique l’on en dise, au moins plaisante, au pire pas assez aboutie. Le manque de cette comédie coïncide sûrement avec la fin peut-être trop timide, fin ouverte qui pourtant ne tombe pas en adéquation avec le reste du film. Là où Mouret semblait voir juste, tant dans le rythme que dans les personnages et les gags, il ne se lâche pas pour trouver une issue à son récit, comme s’il ne voulait pas trop s’engager, dans ce qui pourrait être un parti pris, on ressent un manque. Et l’ampleur du film en pâtit, laissant le goût partagé d’un marivaudage réjouissant malgré tout.
Clément SIMON
Titre : Caprice
Réalisation : Emmanuel Mouret
Scénario : Emmanuel Mouret
Musique : Giovanni Mirabassi
Photographie : Laurent Desmet
Montage : Martial Salomon
Costumes : Charlotte Vaysse
Décors : David Faivre
Producteur : Frédéric Niedermayer
Production : Moby Dick Films, Arte France Cinéma et Orange Cinéma Séries
Distribution : Pyramide Distribution
Pays d’origine : France
Genre : Comédie romantique
Durée : 100 mn
Distribution :
Virginie Efira : Alicia Bardery
Anaïs Demoustier : Caprice
Laurent Stocker : Clément
Emmanuel Mouret : Clément Dussaut
Thomas Blanchard : Jean
Mathilde Warnier : Virginie
Olivier Cruveiller : Maurice
Botum Dupuis : Christie
Néo Rouleau : Jacky
Léo Lorléac'h : Victor