Jojo, 16 ans, quitte le foyer paternel pour fuir sa marâtre et vivre son indépendance. Il loue une petite chambre de bonne sous les toits. De temps en temps, il monte sur ces derniers pour admirer Paris. Le môme se la joue déjà adulte, forte tête prête à donner des poings à la moindre vexation. Derrière ses allures de petite frappe en plein quartier de Pigalle, il reste un gamin de Paris. C’est tout un poème dit la chanson. Il en pince pour Jenny Dorr, la strip-teaseuse, sur le même palier. Il lorgne à travers un trou dans le mur ses formes harmonieuses quand elle se déshabille. Il sympathise avec l’artiste sous les toits, comme il se doit. Ignore le regard amoureux de la petite Marietta de la famille italienne qui, de temps en temps, l’invite à partager sa pitance. Julius, un autre voisin, le branche avec un marchand de journaux pour un maigre salaire. Il sympathise avec Dicky, un ancien boxeur qui charme la belle Jenny, au grand dam du pauvre cœur du petit. Jojo oublie, dans ce monde où il cherche sa place, qu’il n’est qu’un enfant. Les trahisons des adultes finiront par lui ouvrir les yeux aux portes du drame.
Allez savoir pourquoi, la Nouvelle Vague et ses jeunes réalisateurs anticonformistes fustigeaient l’œuvre de Julien Duvivier. Pourtant, c’est peut-être l’un de ceux qui est les plus proches de cette révolution du cinéma. Il n’hésite pas à utiliser des acteurs inconnus, tourner en extérieur, saisir l’instantané d’une époque et un vent de liberté. Il est curieux des nouvelles technologies qu’il n’hésite pas à utiliser. Il voit la majorité des films, pièces de théâtre, lit énormément, dans une boulimie culturelle qui nourrira ses projets. Il tourne Boulevard en 1960 et emprunte à François Truffaut l’acteur des 400 coups, Jean-Pierre Léaud qu’il découvre à Cannes en tant que membre du Jury. Pierre Mondy remplace Belmondo pressenti pour le rôle de Dicky. C’est le 66e film sur 71 d’une riche carrière, protéiforme, nous laissant plusieurs chefs-d’œuvre, La belle équipe, La Bandera, La fin du jour, Panique, Pépé le Moko, Le petit monde de Don Camillo, le Golem…
Il adapte un roman de Robert Sabatier, qu’il arrange à sa sauce. L’œuvre de Julien Duvivier aime les hommes au destin tragique, broyés par une société d’une grande noirceur. Jojo est une figure plus jeune de ces hommes hantés par un certain mal de vivre. Le gamin se la joue costaud des Batignolles, se prenant pour un adulte, alors qu’il n’est encore qu’un enfant. Nous retrouvons les toits, comme souvent chez Julien Duvivier. C’est un lieu entre le ciel et le monde d’en bas, dans cet univers pessimiste. Les héros semblent plutôt attirés par la chute. Jojo est une exception à la règle. Rejeté de tous, ce sont ces figures dans lesquelles il ne se reconnaît pas qui le sauveront. La relation au père est aussi une figure fréquente chez lui, qu’on retrouve chez Jojo.
Plus que la place Clichy, c’est Pigalle et Montmartre qu’il explore avec délice. Boulevard est un film entre deux, nous dit la critique des bonus. Il est encore attaché au tournage en studio et un certain classicisme mais déjà emprunte les codes de la Nouvelle Vague. Julien Duvivier répond sans doute à cette jeunesse, avide de mettre à bas le cinéma de papa, en dénonçant bien en avance ses excès. L’intérêt de Boulevard c’est le regard porté avec justesse et amour sur les humbles, loin du Pigalle des gangsters. Il soigne la psychologie de ses personnages, proches de la réalité. Il met en lumière ce petit immeuble de la place de Clichy et la vie des locataires des étages supérieurs, là où sont juchées les mansardes. Boulevard nous prouve, une fois de plus, que Julien Duvivier est bien loin du cinéma de papa.
Patrick Van Langhenhoven
Support vidéo : 1.66 • N&B • 102 min
Langues Audio : Français Dolby Digital Mono 2.0
Sous-titres : Anglais / Sourds et malentendants
Edition : Pathé
Bonus :
Julien Duvivier, courte biographie (6 min),
Boulevard, un film entre deux époques (9 min),
Une adaptation moins fidèle qu’elle n’en a l’air (11 min)
Titre : Boulevard
Réalisation : Julien Duvivier
Premier assistant réalisateur : Robert Gendre
Scénario : d'après le roman de Robert Sabatier (éditions Albin Michel)
Adaptation : René Barjavel et Julien Duvivier
Dialogues : René Barjavel
Photographie : Roger Dormoy
Cadreur : Robert Schneider
Montage : Paul Cayatte
Musique : Jean Yatove
Chanson chantée par Jean-Claude Pascal, sur des paroles de Jean Dréjac
Décors : Robert Bouladoux, assisté de Georges Richard et Jean Taillandier
Son : Antoine Archimbaud
Scripte girl : Denise Morlot
Ensemblier : Fernand Chauviret
Maquillage : Jeannine Lankshear
Régisseur : Paulette Boréal
Administrateur : Marcel Bligny
Producteur : Lucien Viard
Directeurs de production : Paulette Boréal et Paul Joly
Assistant de production : Bernard Lapeyre
Secrétaire de production : Yvonne Eblagon
Société de production : Orex Films - Société française Théâtre et Cinéma
Société de distribution : Consortium Pathé
Tournage dans les studios de Boulogne
Société Optiphone
Laboratoire Franay de Saint-Cloud
Effets spéciaux : LAX
Pays de production : Drapeau de la France France
Métrage : (2 600 mètres)
Format : Noir et blanc — 35 mm — 1,37:1 — Son : Mono (Western Electric)
Genre : Comédie dramatique
Durée : 95 minutes (1 h 35)
Date de sortie : 30 novembre 1960
Date sortie vidéo : 26 juin 2024
Distribution
Jean-Pierre Léaud : Georges Castagnier dit « Jojo », adolescent désœuvré
Monique Brienne : Marietta Benazzi, la jeune italienne
Pierre Mondy : Dicky, l'ancien boxeur
Magali Noël : Jenny Dorr, l'artiste chorégraphique
Jacques Duby : Giuseppe Amato, le peintre
Pierre Frag : Julius Rosenthal, le camelot
Pierre Mirat : M. Benazzi, le père de Marietta (non crédité)
Hélène Tossy : Mme Benazzi, la mère de Marietta
Bibi Morat : Pietro Bennazzi, le petit frère de Marietta
Albert Michel : Gaston Duriez
Maryse Martin : Mme Duriez
Mag-Avril : la vieille Joséphine
Julien Verdier : M. Jean Castagnier, le père de Jojo, cafetier
Anne Béquet : Marie Castagnier, la belle-mère de Jojo
Robert Dalban : le forain, animateur de boxe
Bob Ingarao : Louis Arnavon, un boxeur
Alexandre Rignault : le manager de boxe
Raoul Delfosse : le serveur de la buvette
Aram Stéphan : Hauser, l'imprimeur
Robert Pizani : Paulo, le sculpteur
Gérard Fallec : Roger, un jeune amoureux de Marietta
Jean-Louis Le Goff : le policier en civil qui poursuit Jojo
Georges Adet : Mr Arthur
Marcelly : le clown
Jean-Marie Amato : le clochard qui ramasse les pièces
Simone Max : une passante
Nina Myral : la concierge
Dominique Davray : Catherine, une entraîneuse éméchée
Hubert Noël : le maquereau
Paul Uny : le militaire
Jean Luisi : le corse qui déclenche la bagarre
Jacques Herlin : le garçon du café où a lieu la bagarre
Louis Viret : le présentateur des strip-teaseuses
Jean Minisini : un boxeur
Betty Beckers : une danseuse
Alain Beach
Claudine Berg
Jacques Bézard
Lucien Camiret
Clara Clark
Amy Collin
Christine Darnay
Noël Darzal
Sylvain Edy
Gabriel Gobin (non crédité)
Lydia Rogier