« L’oiseau est naturellement la chose la plus joyeuse au monde. Jamais tout à fait silencieux, il murmure sa vie au ciel ».
Les usines de fer dressent leurs silhouettes, se reflétant sur le Mississippi. Nous sommes loin de la description de Jean-Jacques Audubon au 19ème siècle. « Birds of America » remonte le fleuve sur les pas de cet écologiste avant l’heure. Il consacre sa vie à un projet plus grand que lui : repérer, observer, peindre, décrire tous les oiseaux du continent nord-américain. Défilent les magnifiques gravures, peintures du peuple à plumes par le premier ornithologue pratique d’Amérique. C’est ainsi qu’il aimait à se nommer dans ce long périple en bateau à vapeur, canoë ; la dernière gravure sort en 1839. Bien avant Thoreau il prône le respect de la nature et des Amérindiens. Grâce à eux, il peut saisir les derniers volatiles que l’expansion menée par Thomas Jefferson et reprise par les industriels, efface de la planète.
« La nature elle-même disparait et la cupidité de l’homme éliminera bientôt du Labrador non seulement l’homme, mais tout être vivant », note Jean-Jacques Audubon dans son journal en 1833.
Heureusement Theodore Roosevelt crée de nombreux parcs et réserves. La voix nous raconte ce long voyage d’Audubon et ses découvertes, pendant que les images nous montrent le résultat d’une expansion sauvage et non contrôlée. C’est un paradoxe, la fin du paradis des pionniers pensant que Dieu leur avait donné ses terres parce qu’elle leur ressemblait. Après le gentilhomme des premiers jours, c’est le paysan défricheur et débrouillard en harmonie avec la terre que l’on valorise. Il laissera plus tard la place à l’industriel destructeur. Ce voyage d’un homme dans un paradis qui s’efface peu à peu trouve un écho dans notre présent. Les peuples premiers, les Amérindiens, racontent la perte d’un monde pas si lointain. Une femme décrit les maisons et prairies où vivait son peuple, devenues marécage.
« Si toutes les bêtes disparaissaient, l’homme mourrait d’une grande solitude de l’esprit » (Chef amérindien).
Jean-Jacques Audubon révolutionne les codes académiques de la peinture animalière de l’époque. Ses gravures représentent le peuple à plumes dans toute sa diversité, dans des pauses réalistes. Certains remettent en cause ses couleurs pour découvrir qu’il ne faisait que représenter ce que son regard lui dévoile. C’est toute la magie du vivant prêt à prendre son envol qui marque comme des têtes de chapitre, le film. Les paysages nous rappellent l’urgence d’agir et d’un retour en harmonie avec la nature. C’est un voyage dans cette Amérique des oubliés, des délaissés, afro-américains, peuple premier, pauvres exilés sur des terres impropres. Une femme raconte qu’aucun arbre ne pousse sur ce sol malade. Seules les maladies fondent leur nid. Le documentaire, à l’heure d’une prise de conscience primordiale pour notre survie, devient testament. Nombre de ces oiseaux ne sont plus que des images figées, des morceaux de vieux films d’archives. Le cas du Pic épeiche de Jade, devenu un des emblèmes de l’Amérique, a aujourd’hui disparu. « Birds of America » s’achève au cœur des villes avec les fresques des oiseaux d’Audubon sur les murs d’un quartier de New-York.
« Ce n’est pas l’homme qui a tissé la trame de la vie : il en est seulement un fil. Tout ce qu’il fait à la trame, il le fait à lui-même » (Chef amérindien).
C’est un magnifique voyage à ne pas manquer pour nous rappeler que demain est entre nos mains. Alors qu’aux Etats-Unis Jean-Jacques Audubon possède une place importante et reconnue, avec une fondation pour l’écologie portant son nom très actif, chez nous, il reste juste un nom de naturaliste dans nos livres d’histoire. A l’heure des remises en cause, il serait bon de lui redonner toute sa place.
Patrick Van Langhenhoven
Titre : Birds of America
Réalisateur et scénariste : Jacques Lœuille
Productrice : Ariane Métais
Voix-off française : Jean-François Sivadier
Directeur de la photographie : Jacques Lœuille
Chef opérateur son : Ariane Métais
Directrice de production et post-production : Camille Bouloc
Premier assistant-réalisateur : Paul Carpenter
Chefs monteurs : Jacques Lœuille et Isabelle Manquillet
Conseillère artistique : Pauline Gaillard
Assistante monteur :Ann-Sophie Wieder
Monteur son / mixeur : Christian Cartier
Recorder : Médéric Corroyer
Étalonneur : Baptiste Evrard
Graphiste et effets visuels : Mathieu Decarli
Ingénieur du son enregistrement voix-off : Alexandra Carr-Brown Colcy
Compositrice musique originale : Nigji Sanges
Orchestration, direction et interprétation musicale :Nigji Sanges