Les miracles commencent lors de son voyage au couvent de Pescia en Toscane. La jeune fille est marquée par la chute d’une statue de la vierge et des bandits chassés par un signe de Dieu. Les visions et stigmates ne font que commencer, une longue valse de voix et de signes du Seigneur et de sa mère, la vierge Marie. Personne dans la petite ville ne met en doute que le couvent abrite une sainte. L’abbesse, sœur Félicita, ne souhaite pas que la rumeur se propage, mettant celui-ci en première ligne. Nous sommes au XVIIe siècle, la guerre et la peste frappent le monde avec rage. Elles épargnent Pescia et sa sœur miraculée. Dans les couloirs sombres, sous les vieilles pierres, une autre romance joue sa petite musique. Chargée de surveiller Benedetta, la jeune novice Bartolomea éveille d’autres sens que ceux de la prière. Elles sont plus sur les terres de Sapho et Lesbos que celles de Jésus et son Paradis. Des liens plus sexuels se tissent entre les deux corps, appel de la chair et du diable peut-être. Soupçonnant le pire sans le prouver, l’abbesse Félicita en appelle au Nonce du pape. Ce dernier mène une enquête, entre odeur de sainteté et soufre. À l’approche de la peste, qui soutiendra le village, le Nonce et son envie de démon ou sa Sainte marquée par les signes du Tout-Puissant ?
C’est la deuxième production française pour Paul Verhoeven après Elle. Il s’inspire de l’ouvrage Immodest Acts (1986) de Judith C. Brown. Il rajoute le personnage de Bartolomea mais demeure fidèle pour le reste à l’histoire de ce premier cas documenté d’homosexualité féminine en Europe. Le film ne manquera pas de soulever des polémiques, comme souvent avec Paul Verhoeven. Il est profondément marqué par quatre thématiques, violence, sexe, manipulation et ambiguïté. L’interrogation sur la foi apparait parfois dans certains films, en clin d’œil, de Robocop à Elle en passant par Le quatrième homme, Basic instinct. La chair et le sang un siècle avant se rapproche sans aucun doute le plus de Benedetta. C’est d’abord la question de la foi, de la sainteté et des miracles que Paul Verhoeven interroge à travers son personnage principal. Le spectateur se demande ce qui relève de la superstition, de la manipulation et du miracle. Dans son interprétation remarquable, le personnage de Virginie Efira croit en ces signes divins malgré certains artifices.
Ce ne sont que les desseins du Seigneur qui sont, comme on le sait, impénétrables. C’est la confrontation entre ce qui est, ce qui se voit, ce qui se croit et ce que l’on veut bien croire, qui se joue. Ce jeu se fait entre une jeune Benedetta face à l’abbesse Félicita, tout aussi manipulatrice. Le Nonce, Félicita et l’Inquisition jouent un jeu de pouvoir ambigu pour tenir la population sous le signe du Christ. Elle est accusée de faux, de supercherie et de sorcellerie. Elle oppose la transe à ses actes sexuels. Est-ce qu’elle ment, se mutile pour faire croire aux miracles ? Elle est sans doute celle qui reste la plus convaincue d’être désignée par Dieu. Elle représente, de par son comportement, une nouvelle voie que ne souhaite pas voir l’Eglise. C’est donc aussi une question de pouvoir qui se joue à travers son procès plus que de sexualité. La première version s’attardait plus, sous la plume de Gérard Soetman, coscénariste néerlandais, sur la vie de sœur Benedetta.
Paul Verhoeven souhaitait en revanche développer l’aspect lesbien. Le film mélange habilement les deux aspects, jouant de l’innocence et de la perversion comme à son habitude. À partir de quel moment nos actes nous échappent-ils pour prendre une autre direction plus sombre, plus ambiguë, plus perverse, plus sainte (!) ? C’est bien la question que soulèvent la majorité des films du réalisateur. Dans un cinéma frontal, sans concession, souvent caméra à l’épaule, proche de ses personnages, il dérange forcément. Certains crieront au scandale, s’attachant à une première lecture, évitant le fond du sujet qui en révèle bien plus, comme chaque fois, sur notre société. Paul Verhoeven, en interrogeant souvent hier, regarde en réalité aujourd’hui.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus :
Entretien exclusif avec Paul Verhoeven
Titre original : Benedetta
Titre de travail : Sainte Vierge
Réalisation : Paul Verhoeven
Scénario : David Birke et Paul Verhoeven, d'après l'ouvrage historique Sœur Benedetta, entre sainte et lesbienne de Judith C. Brown (1987)
Musique : Anne Dudley
Décors : Katia Wyszkop
Costumes : Pierre-Jean Larroque
Photographie : Jeanne Lapoirie
Son : Jean-Paul Mugel
Montage : Job ter Burg
Production : Saïd Ben Saïd, Jérôme Seydoux et Michel Merkt
Sociétés de production : SBS Productions ; Pathé Films, France 2 Cinéma et France 3 Cinéma (coproductions françaises) ; Topkapi Films (Pays-Bas) et Belga Productions (Belgique)
Sociétés de distribution : Pathé Distribution (France) ; Belga Films (Belgique), Pathé Films AG (Suisse romande)
Budget : 19,83 millions d'euros
Pays de production : France - Pays-Bas - Belgique
Langue originale : français
Format : couleur
Durée : 127 minutes
Genres : drame, biographique, historique, érotique
Dates de sortie : 9 juillet 2021 (Festival de Cannes et sortie nationale)
Classification : interdit aux moins de 12 ans
Dates de sortie vidéo : 17 novembre 2021-11-21
Distribution
Virginie Efira : Benedetta Carlini
Elena Plonka : Benedetta enfant
Charlotte Rampling : mère Felicita
Daphné Patakia : Bartolomea
Lambert Wilson : le nonce
Olivier Rabourdin : Alfonso Cecchi
Louise Chevillotte : sœur Christina
Héloïse Bresc : Christina enfant
Clotilde Courau : Midea Carlini, la mère de Benedetta
David Clavel : Giuliano Carlini, le père de Benedetta
Hervé Pierre : Paolo Ricordati
Guilaine Londez : sœur Jacopa
Lauriane Riquet : sœur Roasanna
Jonathan Couzinié : Jésus-Christ
Nicolas Gaspar : le capitaine des mercenaires
David Clavel : Giuliano Carlini
Justine Bachelet : sœur Juliana
Satya Dusaugey : la mercenaire Dragon