Après Les Misérables sur fond de violence d'une cité au bord de l'embrasement, le second volet de cette trilogie explore les cœurs plus que les coups. La rébellion face à l'indignité monte comme une rivière que les torrents gonflent. Elle est le constat d'un discours impossible entre la base, enfants d'émigrés, français des campagnes et personnalités politiques. Nous sommes d'accord avec Ladj Ly refusant le terme de « cinéma de banlieue ». Comme le dit la jeune héroïne Haby Keita, « Je suis une Française d'aujourd'hui. » Nous pourrions rajouter « et d'ici ». C'est à travers ces personnages que le film déploie son discours sur une population oubliée. Rien ne prédispose toutes ces âmes à se révolter. Elles survivent tant bien que mal, souvent propriétaire de leur appartement. Haby Keita, jeune stagiaire à la mairie, militante associative, comprend que le temps des violences ne sert à rien.
Le combat est désormais sur le terrain politique en s'organisant face à l'adversaire. C'est le deuxième film qui traite de la question après
Avant que les flammes ne s'éteignent. C'est bien plus un combat de classe, des pauvres contre les riches avec des politiques aveugles, situation humiliante. Pierre Forges, le maire, se montre incompétent, incapable d'ouvrir le dialogue. Il échappe même à sa famille politique en devenant de plus en plus réactionnaire. Les images appelant l’émotion et les personnages bien construits dont certains rappellent l'univers du western, s'attachent plus à une vue d'ensemble qu’à des figures particulières. C'est moins pénétrer l'intime que montrer la montée d'une vague que rien ne pourra arrêter. Elle prend racine au plus profond des traumatismes de notre société.
Les femmes représentent la voie de la sagesse face à des hommes emportés par la violence ou pire, résignés. Anta Diaw, remarquable, compose un rôle digne des héroïnes de Sophocle dans une tragédie du quotidien. C'est une actrice à suivre, qui n'a pas fini de nous étonner. Pour conclure, cet examen pointant les enjeux de la colère enflammant notre société mérite que l'on s'interroge plus profondément sur les causes et les réponses inappropriées. Il serait stupide de se comporter comme Pierre Forges, le maire du film, aveugle et sourd à un monde qui réclame juste le droit de vivre et de la dignité. Ladj Ly continue avec justesse, sous un autre angle, à questionner les mêmes thématiques que l'on retrouvera sans doute dans le dernier volet de sa trilogie.
Patrick Van Langhenhoven
Note du support : n/a
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Titre original : Bâtiment 5
Titre de travail : Les Indésirables3
Réalisation : Ladj Ly
Scénario : Giordano Gederlini et Ladj Ly
Musique : Pink Noise
Décor: Karim Lagati
Costumes : Noemie Veissier
Photographie : Julien Poupard
Son : Matthieu Autin, Marco Casanova, Guillaume D'Ham et Gautier Isern
Montage : Flora Volpelière
Production : Toufik Ayadi et Christophe Barral
Production exécutive : Laurène Ladoge
Sociétés de production : SRAB Films ; France 2 Cinéma et Lyly Films (coproductions françaises) ; La Compagnie Cinématographique et Panache Productions (coproductions belges)
Sociétés de distribution : Le Pacte (France) ; Filmcoopi (Suisse romande)
Pays de production : Drapeau de la France France
Langue originale : français
Format : couleur – 2.39:1 (Scope) – son 5.1
Genre : drame
Durée : 101 minutes
Dates de sortie : 6 décembre 2023
Distribution Anta Diaw : Haby Keita
Alexis Manenti : Pierre Forges, le maire
Aristote Luyindula : Blaz
Steve Tientcheu : Roger Roche, le premier adjoint au maire
Aurélia Petit : Nathalie Forges
Jeanne Balibar : Agnès Millas
Judy Al Rashi : Tania
Mohamam Al Rashi : Elias
Djénéba Diallo : Tanti
Bass Dhem : Bakari
Stefan Godin : le commandant CRS
François Pérache : le maître Pelletier
Christophe Vandevelde : un brigadier CRS
Stephane Mercoyrol : un agent de la préfecture