Laurent Cantet construit une filmographie autour de la société qu’il examine sous toutes les coutures. C’est pourtant en 2008 que le grand public le remarque avec la Palme d’or pour Entre les murs. Ici, il s’inspire de l’affaire véridique de Mehdi Meklat, celle d’un jeune écrivain prometteur face à la révélation de tweets reflétant une face plus sombre de sa personnalité. Nous suivons la descente et l’abandon de ses amis, de sa maison d’édition, suite à la découverte de messages haineux. Au cœur du récit, nous retrouvons l’erreur de jeunesse. C’est la notion d’humour, comme disait Desproges : « On peut rire de tout, mais pas forcément avec tout le monde ». C’est l’utilisation des réseaux sociaux et la trace qu’ils laissent. Elle peut, comme avec Arthur Rambo, ressurgir à tout moment et compromettre le présent.

Karim devra remonter la route de son passé, retourner sur les terres de l’enfance pour comprendre l’homme qu’il est devenu. C’est une route initiatique, le confrontant à son double pernicieux, mais pas forcément diabolique. Il y a peut-être un jeu dangereux à provoquer l’opprobre pour mieux placer la société face à ses démons. C’est l’exercice délicat du funambule, en équilibre sur la ligne, pouvant chuter à tout moment. Tout le monde n’est pas Desproges, Coluche, etc. L’écrivain au regard perspicace sur son monde s’annihile devant le démon de sa jeunesse. Toute la question est de savoir ce que pense Karim. Arthur Rambo est-il son vrai visage ? On ne peut jouer avec le feu sans finir par se brûler. On ne peut jouer avec les mots sans en livrer la clef.

C’est cette descente qu’explore Laurent Cantet jusque dans les tréfonds de l’âme. Il faudra du temps à Karim pour faire oublier Arthur. La tension de la mise en scène développe cette atmosphère de plus en plus resserrée sur le héros. Il questionne la bonne foi d’un jeune homme qui finira par être abandonné de tous. Rabah Naït Oufella, jeune acteur d’Entre les murs compose un personnage émouvant que l’on a du mal à condamner. Le pari est réussi et pose une question importante sur la société, celle du poids des mots et du choc des photos pour reprendre un slogan de notre temps.

Patrick Van Langhenhoven

Titre original : Arthur Rambo

    Réalisation : Laurent Cantet

    Scénario : Fanny Burdino, Laurent Cantet et Samuel Doux

    Musique : Chloé Thévenin

    Décors : Pascale Consigny

    Costumes : Marie Le Garrec

    Photographie : Pierre Milon

    Son : Julien Sicart (ingénieur) ; Valérie Deloof et Agnès Ravez (montage)

    Montage : Mathilde Muyard

    Production : Marie-Ange Luciani

    Sociétés de production : Les Films de Pierre ; France 2 Cinéma et Memento Production (coproductions)

    Société de distribution : Memento Distribution

    Pays de production : France

    Langue originale : français

    Format : couleur

    Genre : drame

    Durée : 87 minutes

    Dates de sortie : 2 février 2022

Distribution

    Rabah Nait Oufella : Karim D.

    Antoine Reinartz : Nicolas

    Sofian Khammes : Rachid

    Bilel Chegrani : Farid

    Sarah Henochsberg : Léa

    Hélène Alexandridis : Louise de Blossière, éditrice

    Chouaïb Arif : Driss

    Malika Zerrouki : la mère

    Anne Alvaro : l'écrivaine

    Anaël Snoek : Clio

    Zineb Triki : Eva Louise

    Grégoire Bonnet : Loïc

    Jennifer Decker : Servane