Sybille, actrice sur le haut de l’affiche reçoit une excellente nouvelle. Ingrid et Brigitte, deux sœurs productrices, veulent à tout prix adapter son roman autobiographique. Elles souhaitent la rencontrer le plus tôt possible pour démarrer ce projet important pour elle. Bonus, cerise sur le gâteau, pour la réalisation les deux égéries pensent à Sybille dans une première mise en scène. La star se sent pousser des ailes, toucher les portes de la perception, atteindre un rêve qu’elle n’osait imaginer. Premier rendez-vous enthousiaste, signature en bas du contrat, tout le monde se lance dans l’aventure à corps perdu. C’est un peu comme la première histoire d’amour, la plus belle, le cœur s’emballe et s’élance vers le ciel. La première embellie trouve vite sa limite et le retour sur terre risque d’être moins folichon.
La première exigence des deux furies, changeons le lieu. De l’hôpital, nous passons à un haras. Pas de problème sur la machine à écrire, l’intérieur jour-hôpital devient l’intérieur jour d’un Haras puis au gré des caprices des productrices, d’un clandé… La pauvre Sybille ignore que ce n’est que le début. Le scénario se transforme comme le corps d’une femme avant la naissance. Il passe par des variations allant du simple au compliqué. L’actrice, stoïque, emportée par son envie de mise en scène, accepte tout. Elle ne se rend pas compte que les deux furies auraient plus leur place dans un asile que dans la réalité. Elle ne voit pas la tempête qui se lève et bouscule les âmes jusque dans son entourage. Elle tient bon, comme le capitaine rentrant au port. Elle devra bien prendre la décision finale et faire face pour éviter le naufrage. Toute la question est de savoir à quel moment dire non, stop à l’embrasement.
Diane Kurys marquait en 1977 nos cahiers d’écolier avec le film culte Diabolo Menthe. Elle retrouve Sylvie Testud qu’elle avait dirigée dans Sagan. Cette dernière lui confie son roman C’est le métier qui rentre. Elle nous emporte dans une comédie tendre avec des morceaux d’anthologie. Sylvie Testud s’inspire d’une vraie expérience pour en sortir un roman loufoque. Le duo frère et sœur de la réalité devient deux sœurs monstrueuses. Josiane Balasko et Zabou Breitman composent un couple-choc emporté par son envie, sa folie du cinéma. Le spectateur devra faire la part des choses et elle n’est pas facile.
La comédie joue la carte du délire poussé à son extrême quand il s’intéresse à l’univers du cinéma. Josiane Balasko et Zabou Breitman nous offrent des moments délicieux, s’amusant de leurs personnages, les poussant dans leur limite. Hélas, nous sommes toujours dans la réalité. Le film s’empare de situations pour légèrement les romancer. Le spectateur fera le rapprochement avec la série télé Dix pour cent écrite après et qui s’attachait à une agence de talents. Ce n’est pas la première fois que l’envers du décor intéresse le cinéma. Souvenons-nous, le plus romantique, La nuit américaine de Truffaut, le plus cynique, Ça tourne à Manhattan ou Ed Wood de Tim Burton. Le film dévoile les débordements des producteurs, maitres des cordons de la bourse.
Peu à peu, la pauvre Sybille se retrouve dépossédée de son projet qui n’a plus rien à voir avec l’original. Les exigences se font de plus en plus improbables, choix des lieux, des acteurs, de la musique, tout y passe. Le film ne propose même pas un condensé de la réalité qui, pour le novice, semblera exagéré. Il faut se remémorer le pouvoir des producteurs, particulièrement dans le cinéma américain, maitres de toute la chaine de réalisation et distribution. La version complice existe, accompagnant un projet, soutenant le réalisateur auteur dans son cheminement et se gardant bien de tout modifier. La pauvre Sybille tire le mauvais numéro et tombe sur les pires. Tout le monde dans son entourage, à commencer par son agent, lui conseille de s’enfuir avant que le naufrage ne devienne celui du Titanic ! Certains reconnaitront dans la composition light de François-Xavier Demaison un agent célèbre.
Diane Kurys retrouve le ton de la comédie de ses débuts où le rire rencontre la difficulté d’être, de trouver sa place. Toute la partie de la pauvre actrice, dépossédée peu à peu de son projet artistique, prend un ton plus grinçant. C’est aussi le parcours dans les méandres de la création, comment celle-ci finit par nous échapper si on n’y prend garde. À la fin, Sybille, Sylvie dans la réalité, ne s’aperçoit pas que son envie de départ n’est plus que silence. On s’accroche, on tient bon, c’est le premier film, le premier bébé qui verra le jour et on devient aveugle. Arrête ton cinéma ! Choisis la voie de la douceur ! Pour ses détracteurs lui reprochant son côté bon enfant, il faudrait voir à ne pas jouer le couple de producteurs et lui laisser son choix artistique.
Patrick Van Langhenhoven
Titre : Arrête ton cinéma !
Réalisation : Diane Kurys
Scénario : Diane Kurys et Sylvie Testud, d'après le roman C'est le métier qui rentre de Sylvie Testud
Musique : Hugo Gonzalez Pioli et Paolo Buonvino
Montage : Sylvie Gadmer
Photographie : Gilles Henry
Costumes : Éric Pérron
Décors : Tony Egry
Producteur : Diane Kurys et Alexandre Arcady
Producteur exécutif : Catherine Grandjean et Claude Fenioux
Producteur associé : David Grumbach
Production : Alexandre Films
Distribution : BAC Films
Pays d'origine : France
Durée : 90 minutes
Genre : Comédie
Dates de sortie : 13 janvier 2016
Distribution
Sylvie Testud : Sybille
Josiane Balasko : Brigitte
Zabou Breitman : Ingrid
Fred Testot : Adrien
François-Xavier Demaison : Jack
Claire Keim : Julie
Hélène de Fougerolles : Marion
Virginie Hocq : Annabelle
Florence Thomassin : Chacha
Pierre Langlois : le régisseur
Denis Sebbah : le directeur de production
Alban Casterman : Alphonse
Éric Naggar : le distributeur
Aurélia Petit : la réalisatrice
Jean Pommier : le vieux monteur de la Nouvelle Vague
Xing Xing Cheng : Lili
Ophélie Koering : le première assistante du clip
Michel Drucker : lui-même
Patrick Juvet : lui-même