Ali & Ava
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En Bref
Il suffit d’un jour de pluie pour que la vie d’Ava et Ali change. Assistante scolaire, elle s’occupe d’une petite fille pleine de vie. Ava habite les quartiers déshérités d’une petite ville du Yorkshire. Elle craint que son fils ne suive les pas trempés dans la violence de son père. Le reste du temps, la solitude l’accompagne. Ali est pakistanais et certains coins de la ville, comme le quartier d’Ava, lui sont interdits. Il n’a pas encore annoncé à sa famille que sa femme le quitte. Dans ce milieu écrasé par le poids des traditions, il n’est pas bon de divorcer. La vie ne leur fait pas de cadeau, et cette rencontre sous un ciel de pluie pourrait bien déboucher sur le printemps. Ils vont devoir s’apprivoiser, se reconnaître dans la valse du temps. Accepter leur spleen, la fougue débordante de certains jours d’Ali. Le hasard le sait bien, ces deux écorchés méritent un cadeau du destin. Il ne se fera pas sans douleur, mais le cœur a toujours raison, dit le poète.
La réalisatrice Clio Barnard s’inscrit dans le cinéma social anglais, entre Ken Loach et Stephen Frears à ses des débuts. C’est un portrait des déshérités, ceux que le Royaume Uni laisse sur le bord de la route dans ce monde libéral. Ils sont marqués par un chemin de douleur et de conventions que l’on ne brise pas si aisément. C’est aussi la différence, la discrimination sous toutes ses formes et la folie. Ali s’embrase, s’élance, danse sur le toit de sa voiture pour oublier la nuit. Ava est une femme que la violence a mise à terre. Elle se replie sur elle-même, craint que son fils ne devienne, à l’image de son père, un salopard de plus. Le cœur du film, ce sont les blessures des uns et des autres qui finissent par creuser nos tombes.
Elles peuvent aussi nous aider à trouver, au fond de cette pluie d’orage, la lumière d’un petit matin tranquille. C’est une quête de l’âme, un chemin du Petit Prince et du renard qui s’apprivoisent. Peu à peu, ils finissent par se reconnaitre car ils comprennent qu’ensemble ils auront plus de chance pour affronter la dureté du monde. Ils finiront par refermer les blessures, dire les non-dits et taire leur violence. Clio Bernard, après l’excellent Géant égoïste en 2013 et Dark River en 2018, fait preuve d’un don pour saisir ces égarés. Elle construit un cinéma plus social, peut-être moins revendicateur, mettant en lumière ces oubliés de la société. Que ce soit la jeune fille de Dark River avec sa ferme, les gamins du Géant égoïste ou Ali et Ava, les personnages oscillent entre la révolte, la violence et l’acceptation d’un destin sans horizon.
Ils finissent toujours par transcender l’avenir noir qu’on leur promet. Ils se redressent, font face, et affrontent la vie, du pire au meilleur. La mise en scène est à fleur de peau, de corps. La caméra les effleure, les caresse et plonge dans leurs abysses. La ville reste un décor lointain, Clio Barnard se concentre sur l’humain avant tout. Avec ce troisième film, elle confirme non seulement son talent mais aussi que la relève de Ken Loach est assurée. Que rien ne nous destine à une vie de damné dans un quartier de damnés.
Patrick Van Langhenhoven
Réalisation et scénario : Clio Barnard
Décors : Celina Norris
Costumes : Sophie O'Neill
Photographie : Ole Bratt Birkeland
Montage : Maya Maffioli
Musique : Harry Escott
Pays de production : Royaume-Uni
Format : couleurs - 35 mm
Genre : drame
Durée : 95 minutes
Date de sortie : 11 juillet 2021 (Festival de Cannes 2021)
Distribution
Adeel Akhtar : Ali
Claire Rushbrook : Ava
Ellora Torchia : Runa
Shaun Thomas : Callum
Natalie Gavin : Dawn
Mona Goodwin : Michelle
