16 ans

___

Un film de Philippe Lioret ,
Avec Sabrina Levoye, Teïlo Azaïs, Jean-Pierre Lorit ,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h34
France

En Bref

C'est l'histoire d'un amour si grand, si beau qu'il transcende tout. Ce sont deux regards à la rentrée en Seconde qui se croisent et ne se lâchent plus. Nora appartient au milieu populaire et Léo à la petite bourgeoisie. Il n'y a pas de lutte des classes pour ces deux cœurs qui vibrent à l'unisson. Plongés dans leur bulle, ils ne voient pas le monde autour d'eux. Ils ignorent les obstacles qu'il place sur leur route pour briser cet amour impossible. Lorsque le frère de Nora est accusé de vol et viré fr son poste par le père de Léo, rien ne va plus. La roulette tourne et la petite boule ne s'arrêtera pas sur le rouge mais sur le noir du désespoir. Leur amour résistera-t-il au chaos extérieur, à cette tempête qui enfle et fait tout pour briser ces deux roseaux enlacés.

Cette histoire vous en rappelle sûrement une autre, celle des Capulet et des Montaigu. D'un jeune Roméo et d'une Juliette épris d'un amour fou. Ce sont deux jeunes amoureux assis sur un banc public à une station de bus qui inspirent cette version moderne à Philippe Lioret. Ce sont deux amoureux qui pleurent chaque soir, brisés par la haine de leur famille. De William Shakespeare à Philippe Lioret, cette romance est universelle, nous rappelant que l'amour, même dans la mort, déplace bien plus que les montagnes. Le réalisateur modernise le récit, le travaille à l'épure en se concentrant dans ces maelströms sur les deux amants. Ce sont eux le cœur de notre histoire, du premier regard au drame final. Comment le social, la différence de classes, la discrimination, la famille des thématiques chères au réalisateur brisent les âmes des jeunes amoureux. C'est un enchainement de circonstances, comme une chaine aux maillons du hasard, qui en est la cause.

Presque un conte, une de ces chansons en dents de scie. De l'accusation de vol au renvoi d'un personnage important, tout s'emboite comme l’intérieur d’une poupée russe. Le frère de Nora en veut au père de Léo, chacun cherchant à préserver sa dignité, son honneur. Dans ce chaos, des figures loin de la colère tentent de préserver la vérité, comme le père de Nora. Nora et Léo, nos Roméo et Juliette modernes, en paieront le prix fort. Dans ce monde de l'argent roi, l'amour n'a plus guère sa place. Les traditions, la place que l'on occupe dans la société, celle qu'on vous donne et vous reprend, deviennent le chemin de croix de cette histoire. La caméra reste sur nos deux amants, centrés sur ce balbutiement, ce vent léger devenant tempête de l'amour. Comment, du regard aux corps enlacés, la petite musique des sentiments ignore le reste du monde.

Il existe peu de transpositions modernes de l'œuvre de William Shakespeare, West Side Story, Roméo + Juliette de Baz Luhrmann et peut-être une version oubliée du cinéma indépendant américain. La tragédie devient baroque chez Baz Luhrmann et dansée chez Steven Spielberg ainsi que chez Robert Wise. On pourra rajouter celle plus romantique de Franco Zeffirelli (1968). Philippe Lioret nous propose une version plus épurée, jusque dans les dialogues, centrée sur les deux jeunes gens. Le jeu minimaliste des deux comédiens, Sabrina Levoye et Teïlo Azaïs, remarquables, tient à l'essentiel. C'est le cœur de ce battement déjà romantique qui devient plus baroque dans les autres versions. Celle-ci se rapproche sans doute plus de celle de Zeffirelli si on enlève son romantisme angélique. Nous pourrons conclure sur cette évidence que les histoires d'amour finissent mal (en général) comme le dit la chanson mais qu’elles sont aussi éternelles.

Patrick Van Langhenhoven