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affiche Victoria

Victoria

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Un film de Justine Triet ,
Avec Virginie Efira, Vincent Lacoste, Melvil Poupaud,

Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h36
États-Unis

En Bref

« Je voudrais comprendre où ça a commencé à merder chimiquement dans ma vie »

 Victoria a de la misère avec la vie, avocate, deux petites filles et du mal à gérer ce petit bonheur. Invitée au mariage d’un ami, elle attend autre chose du type assis à côté qu’une réflexion scientifique sur l’existence. Elle voudrait qu’on la culbute, la bouscule, un peu trop d’alcool et pas assez de mouvement. La belle journée se transforme en une situation improbable dans la vie du jeune couple, une tentative d’agression du marié, avec pour seul témoin le chien de la mariée. C’est un procès avec un soupçon des Plaideurs de Racine sur ce début d’histoire qui semblait si bien commencer. Elle accepte de représenter son ami, mais cela pose quelques problèmes à sa conscience. Pas facile sa vie, les amourettes de pacotille, dealer sur internet, ça ne mène pas vraiment loin. Son existence ne se réduit à pas grand-chose, un mari un ex-écrivain.

Il utilise leur histoire se prenant pour le nouveau Balzac. Il y a bien ce petit gars qui voudrait devenir son assistant et plus. Il suffit que les sentiments qu’il envoie trouvent la route dans le cœur de Victoria. Pour l’instant, il squatte son canapé et l’aide dans ses dossiers. Tout file comme une mauvaise farce qui n’en finit pas. Elle défend la vie des autres alors que la sienne part en vrille. Le spleen prend le pas sur tout, la dépression, les désillusions, tout s’emmêle dans sa tête. Elle commence par avoir des crises d’angoisse, le bonheur fout le camp et laisse la place à la peur de l’avenir. Comme lui dit la voyante, elle tourne en rond. Il faut briser le cercle pour en sortir. Elle a du plaisir mais ne jouit pas de l’existence. Une fois que l’on touche le fond, il n’y a plus qu’à remonter. Que découvre-t-on à la surface, une autre vie sans aucun doute. Il faut juste savoir dire « je t’aime », un petit mot de rien qui en dit beaucoup. Elle ne voit pas le petit bonheur qui finira par s’en aller. Il serait peut-être temps de retrouver la vue et de finir d’être aveugle.


Justine Triet et d’autres jeunes réalisateurs tentent de redonner un souffle à la comédie en évitant de singer les Américains. Ils réinventent un ton nouveau, comme dans un laboratoire d’idées, plongeant dans les racines du passé pour proposer une nouvelle formule. Elle trouve son rire dans les dialogues à la Raymond Devos, sens du jeu de mots, de la formule précise qui vous fait rire jaune. C’est bien la première fois qu’une jeune femme dépressive, perdue au cœur de sa vie nous fait rire. Victoria semble ignorer le mal qui peu à peu la ronge et l’éloigne des autres. Elle traine le gout de rien, de plus, des illusions perdues. C’est une vie qui s’est fait la malle un beau soir pour aller voir ailleurs si le cœur était plus ensoleillé. Le choix du métier d’avocate, la personne qui défend votre existence, n’est peut-être pas si innocent.

Nous avons l’impression que la pauvre ne se voit plus. Elle devient invisible aux autres, mais pire que tout, à elle-même. À la fin, un personnage lui dit : « pourquoi tu as attendu si longtemps pour me voir ? » Elle est trop concentrée à récupérer sa vie, éviter qu’elle ne s’effrite et que la demeure ne s’écroule, rongée de l’intérieur. Comme dans les codes de la comédie classique, le bonheur est sous son nez. Il suffirait de presque rien, d’ouvrir les yeux pour le voir. Ce procès bizarre avec pour seul témoin un chien est la route qui la conduit vers la libération. Elle explore le fond de l’âme humaine de façon moins violente que La bataille de Solferino. Dans le premier, la violence est à l’extérieur, dans Victoria, elle se cache à l’intérieur, dans ce bouillonnement des sentiments et ce spleen qui creuse un sillon de douleur.

Derrière les personnages un peu décalés, comme ce couple qui s’aime, se déteste, ce mari qui réinvente leur histoire, les amants de passage rencontrés sur internet, se cache le sens de la vie. C’est cette parcelle de bonheur perdue après laquelle court Victoria sans jamais la toucher. Peu à peu, le voile se lève et elle comprend le non-sens de son existence. C’est Sam, le seul personnage stable, qui finit par lui ouvrir les yeux. Là aussi, la réalisatrice joue sur le détail, le petit rien qui fait le charme des histoires qui s’ébauchent et éclatent dans le cœur des amants. Derrière la dépression, derrière les illusions perdues apparaît une vérité qui nous touche et nous emporte.

Victoria c’est l’histoire d’une femme qui tombe et se redresse. Virginie Efira et Vincent Lacoste montrent une autre facette de leur talent et trouvent chacun un rôle qui leur permet de grandir et de se dépasser. Justine Triet nous surprend sans cesse en réinventant le genre pour lui faire prendre d’autres directions. Nous pensons à la rencontre de Blake Edwards, Mel Brooks, Billy Wilder, Sacha Guitry et bien d’autres maîtres de la comédie ancienne ou moderne. Dans ce sens, la dernière plaidoirie est un magnifique exercice d’acteur et de mise en scène, à découvrir sans tarder.

 Patrick Van Langhenhoven

Note du support : n/a
Support vidéo : Format 16/9 compatible 4/3, Format cinéma respecté 2.40, Format DVD-9
Langues Audio : Audiodescription (pour malvoyants) Dolby Digital 2.0, 5.1
Sous-titres : aucun
Edition : Le Pacte

Bonus:

  • Making of (21')
  • Scènes coupées (14')
  • Bande-annonce

« Victoria est une comédie qui prend le temps de penser » Virginie Efira

   CR : Avez-vous été surprise que Justine Triet pense à vous pour son deuxième film ?

Virginie Efira : Oui par rapport à ma filmographie, mais non en regard de ce qui l'intéresse et m'intéresse. Nous avons beaucoup de choses à partager. J'avais enfin la possibilité de jouer sérieusement des scènes de comédie. Je ne suis pas douée pour le gag, alors la manière de tourner de Justine Triet me convenait. Même dans l’absurde, je suis profondément et sérieusement dans la scène.

CR : Qu'est-ce qui vous touche dans ce personnage de femme ou fait écho en vous ?

Virginie Efira : Absolument tout car elle a quelque chose de profondément élégant et en même temps de voué à l'échec. Elle ne prend pas en charge sa vulnérabilité et elle essaie de trouver des solutions pour les autres. Elle a un mélange de dureté et d’humour, elle est intelligente.

CR : Justine Triet fait beaucoup de prises pour chercher une forme d'abandon. Cette manière de faire vous convient-elle ?

Virginie Efira : On joue mieux des choses qu'on comprend, quel que soit le rôle. Le travail intervient surtout avant, on réfléchit, on verbalise, on apprend son texte, et on s’abandonne au moment du tournage et on le désacralise. Elle intervient surtout avant. Plus que le personnage, c'est aussi le film qui m'intéresse. J’aime la liberté de celui-là et le fait qu’il n'ait pas un thème en particulier. Le scénario est remarquablement  écrit et c'est une comédie très fine.

CR : Vous avez débuté par la comédie mais maintenant vous donnez l'impression de vous ouvrir vers d'autres registres. Comment voyez-vous l'évolution de votre carrière ?

Virginie Efira : Quand je sortais de La Nouvelle Star, on ne me proposait pas de drame intimiste social. C'était normal : je  venais de la télévision et du divertissement. J’adore la comédie et je trouve que ce genre n'est pas assez pris au sérieux et ne prend pas assez de risques. On ne fait plus de Lubitsch aujourd'hui. Victoria est une comédie qui prend le temps de penser.

Propos recueillis par Patrick Van Langhenhoven et Nathalie Chifflet, corrigés par Françoise Poul.

Titre original : Victoria

    Réalisation et scénario : Justine Triet

    Photographie : Simon Beaufils

    Son : Julien Sicart, Olivier Touche, Simon Apostolou

    Décors : Olivier Meidinger

    Montage : Laurent Sénéchal

    Sociétés de production : Ecce Films / Emmanuel Chaumet

     Coproduction : France 2 Cinéma, et CNC, Canal+, Ciné+, France Télévisions

     Sociétés de distribution : Le Pacte (France)

    Pays d'origine : France

    Durée : 95 minutes

    Date de sortie :  14 septembre 2016

Distribution

     Virginie Efira : Victoria

    Vincent Lacoste : Sam

    Melvil Poupaud : Vincent

    Laurent Poitrenaux : David

    Laure Calamy : Christelle

    Alice Daquet : Eve

    Julie Moulier : Présidente de la cour

    Sabrina Seyvecou

    Marc Ruchmann

    Arthur Mazet : le baby-sitter