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affiche Victor Young Perez

Victor Young Perez

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Un film de Jacques Ouaniche,
Avec Brahim Asloum, Steve Suissa, Isabella Orsini, Patrick Bouchitey,

Genre : Biographique
Durée : 1h50
France

En Bref

Premier long métrage de Jacques Ouaniche qui était jusqu'à présent connu en tant que producteur (de la série Maison Close notamment ou encore de L'esquive, le premier long métrage d'Abdellatif Kechiche,) Victor Young Perez est un biopic prometteur sur le papier mais malheureusement très décevant à l'image. Retour sur le propos et explications.

Jacques Ouaniche met en scène la vie de Victor Young Perez un tunisien de confession juive, célèbre champion du monde de la catégorie poids mouches, qui fût déporté dans le camp

d'Auschwitz en 1943 suite à une dénonciation alors qu'il résidait en France. Le camp dans lequel il fut affecté avais la particularité d'être dirigé par un commandant fan de boxe qui le fit combattre à plusieurs reprises (dans la réalité historique, nous ne le voyons combattre qu'une seule fois dans le film) contre des SS devant une foule de déportés et avec pour décor morbide la sombre fumée des fours crématoires. Victor Young Perez fit preuve d'une détermination et d'une rage de vivre à toute épreuve, il sortît vivant des camps. Cependant, il fût tragiquement fusillé durant une marche de la mort en 1945.

Avec ce film, Jacques Ouaniche s'attaque à un sujet lourd et au fort potentiel émotionnel. Le parcours de Victor Young Perez aborde de deux sujets : la boxe et la seconde Guerre mondiale, maintes fois traités au cinéma y compris par les plus grands cinéastes. L'originalité et la force de cette histoire réside dans le fait qu'elle combine ces deux sujets incarnés qui plus est par un héros tunisien et juif. Bref, beaucoup de possibilités s'offraient au réalisateur pour traiter cette histoire de façon inédite et apporter un peu de renouveau au panel de films traitants de la tragique seconde guerre mondiale.


Victor Young Perez apparaît au premier abord comme une grosse production, l'image est soignée même si l'on peut lui reprocher une esthétique un peu vieillotte due certainement au désir de Jacques Ouaniche de se rapprocher de l'esthétique des films des années 30-40 donnant aux images une couleur jaunâtre. Les moyens déployés sont manifestement importants et pourtant, cela ne suffit pas à sauver le film d'une platitude et d'un amateurisme déconcertants.

Ces défauts sont avant tout dus au manque cruel d'imagination déployé par Jacques Ouaniche pour raconter cette histoire. Je ne doute pas de ses bonnes intentions et de la réelle envie de toute l'équipe du film de mettre en lumière l'émouvante histoire de ce boxer plein de courage mais le résultat est décevant.

L'intrigue suit un chemin tout tracé et les scènes de combats suivent le même schéma interdisant tout effet de surprise. Tout est préparé, pré-maché pour le spectateur, rendant le tout peu intéressant. La musique quasi-constante nous souligne à outrance le potentiel dramatique des scènes et rend les interactions entre les personnages niaises et convenues. Quant aux effets de mise en scène, ils sont du même acabit et témoignent d'un manque cruel d'idées narratives et d'originalité. Beaucoup de défauts pour un seul film mais cela ne s'arrête pas là...

On aurait pu simplement reprocher au réalisateur ses choix de mise en scène mais soulever la belle partition des acteurs car la plus mauvaise des histoires est parfois sublimée par le talent d'interprétations de ces derniers... ce n'est encore une fois pas le cas ici.

Malgré son évidente implication et le fait qu'il s'agisse de son premier passage devant  la caméra, Brahim Asloum (médaillé olympique de boxe) ne parvient pas à tirer toute la puissance de son personnage. Charismatique à l'image, il reste maladroit dans ses répliques qui ne sonnent pas vraies et de ce fait participent au sentiment de lourdeur dans lequel baigne tout le film.

Mais si l'on peut pardonner à Brahim Asloum (qui sait rester néanmoins touchant) son manque de professionnalisme, on se rend vite compte qu'au vue du reste du casting, il est celui qui tire le mieux son épingle du jeu. Isabella Orsini, l’interprète de Mireille Balin, la compagne de Victor Young Perez, ne parvient qu'à se rendre agaçante et son personnage manque réellement de profondeur. Steve Suissa joue quant à lui le frère aîné de Victor et offre une interprétation niaise uniquement destinée à faire de cette relation fraternelle un autre vecteur d'émotion. Raté.

Le film aurait sûrement gagné à se concentrer plus sur les liens de Perez avec son pays d'origine, la Tunisie, et de peut-être développer les questions d'appartenance et de religion (comment était perçu un juif tunisien à l'époque ? Comment sa carrière brillante en France était-elle ressentie par sa famille restée à Tunis ? ) et se concentrer sur son passage dans les camps (comment ce champion était-il traité ?) surtout lorsque l'on sait qu'il a côtoyé entre autres Primo Lévi... plutôt que de se focaliser sur des sujets plus communs (ses relations avec Mireille Balin ou encore avec son frère) et moins en lien avec la partie historique.

Il est sans doute plus pertinent de lire ce qui a été écrit sur le courageux Victor Young Perez que de se rendre dans les salles obscures pour voir l'essai manqué de Jacques Ouaniche.

Sarah Lehu

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