Au sortir de ses études, jeune et encore célibataire, sans attaches, Anders Hvidegaard décide de tenter sa chance au Groenland pour une année en tant qu’instituteur. Dans un ultime échange avec ses parents, on comprend que l’idée de reprendre la ferme familiale ne le séduit pas, même si c’était la tradition depuis huit générations. Son dossier est bon et les candidats ne se bousculent pas. La dame du rectorat danois lui dit, tout sourire, qu’il a toutes les chances d’obtenir un poste dans la capitale Nuuk, où la vie « est la même qu’ici, avec tous les éléments du confort habituel ». Mais Anders se sent prêt à tenter l’aventure de sa vie. Il choisit donc un village reculé, 80 habitants sur la côte est, à Tiniteqilaaq. Lorsqu’il demande à cette même personne s’il doit se former et apprendre à parler le groenlandais, la réponse offusquée de la dame fuse : « surtout pas ! et je sais de quoi je parle, j’ai vécu dix ans là-bas ».
A partir de cette scène, le ton est donné. On tient le cœur du sujet, moment de vie initiatique pour le jeune enseignant mais surtout confrontation de cultures. Si l’accueil est plutôt souriant de prime abord, le contact entre les autochtones et le jeune premier s’avère vite pollué par les sous-entendus.
Anders est plein de bonne volonté et fait preuve d’angélisme, ce qui prouve surtout sa jeunesse et son manque d’expérience. Malgré lui, il est porteur de stéréotypes citadins et très danois qui le font se comporter avec ce qui est interprété comme du dédain par les habitants. Il faut dire que le choc est rude : pas d’eau courante, pas d’électricité et si le chauffage vient à tomber en panne, il y a de quoi se sentir mal. De l’autre côté, la tentation de la méfiance est forte chez ceux qui ont été longtemps colonisés par le Danemark et qui vivent les moindres remarques comme du mépris ou des restes d’humiliation, loin d’être apaisés. Ce qui explique que les Inuits parlent leur langue, parlent de lui et devant lui avec des propos qu’il devine peu amènes.
Le chemin effectué de part et d’autre pour se comprendre et s’apprécier est donc le thème majeur. Ce qui n’exclut pas des images d’une beauté à couper le souffle. Mais avant tout, ce qui importe à Collardey c’est la capacité qu’ont les hommes à abolir les préjugés et les différences en soulignant bien qu’une confiance réciproque ça se construit et ça se mérite.
Cette plongée au plus près du quotidien des Inuits, avec un minimum de scénarisation porte tous ses fruits et on ne peut que se réjouir quand le carton final nous apprend que, parti pour une année, Anders, deux ans plus tard vivait et enseignait encore à Tiniteqilaaq.
Françoise POUL
Titre : Une année polaire
Réalisation : Samuel Collardey
Scénario : Samuel Collardey et Catherine Paillé
Photographie : Samuel Collardey
Son : Vincent Verdoux
Montage : Julien Lacheray
Montage son : Valérie Deloof
Mixage : Julien Roig
Musique : Erwann Chandon
Société de production : Geko Films
Distribution (France) : Ad Vitam Distribution
Pays d'origine : France
Durée : 94 minutes
Date de sortie : 30 mai 2018
Distribution
Anders Hvidegaard : lui-même
Asser Boassen
Thomasine Jonathansen
Gert Jonathansen
Julius B. Nielsen
Tobias Ignatiussen
les habitants de Tiniteqilaaq (Groenland)