Un vrai faussaire

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Un film de Jean-Luc Leon ,
Avec Guy Ribes,

Genre : Documentaire
Durée : 1h30
France

En Bref

Guy Ribes, 65 piges, ne manque pas de gouaille ni de talent au point que l’on se demande dans ce portrait qui manipule qui. Il refourgue pendant plus de trente ans sur le marché de l’art des œuvres des grands maitres. Il travaille à la façon de Chagall, Picasso, Dalí, Léger, Bonnard, Modigliani, Renoir, Laurencin, Braque, Vlaminck ou Matisse. « J’ai tout appris en imitant les plus grands. Je les aimais, je voulais me comparer à eux, par orgueil puis par jeu. J’ai bien essayé d’adapter mon œuvre à celle de Picasso, mais c’était impossible. Les gens préféraient mes toiles inspirées des grands maîtres. C’était plus facile de réaliser des imitations que de peindre pour des gens qui se détournaient de mes œuvres.»

Arnaqueur de génie ou peintre au talent démesuré, manipulé comme il le dit, nous n’en saurons jamais rien. Le doute persiste même dans le parcours de l’homme né dans une maison close, l'hôtel du Cheval blanc que tenaient ses parents proxénètes. Fasciné par le dessin, c’est dans un atelier de soierie à Lyon qu’il fait ses premier pas. C’est sa rencontre avec un marchand de tableaux qui voit l’opportunité du don de copie de notre peintre que commence sa carrière de copiste. Il sera arrêté en 2005 et condamné en 2010 par le tribunal de Créteil pour contrefaçon en bande organisée. L’expert Gilles Perrault dira : « Je suis déjà intervenu dans beaucoup de dossiers de ce genre, mais je n’ai encore jamais vu un faussaire avec une telle palette d’artistes. Si Picasso était encore vivant, il l’embaucherait.» Il dévoile plus de 350 œuvres, il en existe beaucoup d’autres accrochées au mur des particuliers ou dans les musées.

Jean-Luc Léon réalise un excellent documentaire où toute la personnalité du faussaire manipulateur prend sa démesure. Entre ce qu’il livre, sincère, ou dissimule, invente, transforme la vérité. Il ressemble à ces bateleurs, camelots des rues prêts à vous vendre n’importe quoi. Le réalisateur, sincère dans sa démarche, ne semble pas dupe du jeu de Guy Ribes. Personnages de roman ou de cinéma, nous ne saurons jamais quelle figure il s’amuse à nous livrer. Il se prête au jeu, expliquant ses techniques, dévoilant une part de ses secrets tout en contant sa vie. Il nous dévoile tout l’art du copiste fabriquant ses faux Matisse et créant ses similis Fernand Léger. C’est dans la langue des faubourgs parisiens nous ramenant aux maisons closes de son enfance au Paris des petites dames de vertus.

Le verbe est volubile, il vole comme le pinceau sur la toile avec une facilité fascinante. La force du documentaire reste sa vérité saisie dans l’instant, sans tricherie, laissant à son protagoniste le soin de donner le ton. Forcément, Un vrai faussaire titre du documentaire nous interroge sur le faux. Celui-ci ne serait peut-être pas que dans les tableaux. Entrecoupant les témoignages de l’inspecteur qui l’a arrêté, des experts, deux portraits semblent prendre vie. C’est la réalité que le spectateur exhumera de ce que lui livre le film en lisant entre les lignes ou celui proposé, réinventé, copié par Guy Ribes. Mythomane sans aucun doute, le type ressemble à ces figures que le cinéma adore, les croyants loin de la réalité. Parfois la fiction dépasse tout ce que nous imaginons. On reprochera un peu de complaisance envers son sujet de la part du réalisateur, mais il n’est pas facile de ne pas se laisser prendre au piège de ce maitre menteur. Je l’ai pensé tout droit sorti d’un roman d’Alphonse Boudard, allez savoir!

Patrick Van Langhenhoven