Pas facile de faire sa place en prison. Étienne part du bon pied, plein d’optimisme. Il anime un atelier de théâtre avec des types qui préfèreraient jouer la fille de l’air. Patrick, Alex, Dylan, Moussa et Nabil s’amusent du nouveau professeur. Leur cœur a ses raisons que la raison ignore, comme le dirait Pascal. Au début, Étienne peine à faire passer le courant et encore plus à leur faire jouer une pièce de Samuel Beckett, En attendant Godot. Pourtant, l’histoire de ces deux vagabonds, perdus dans un monde absurde, attendant un type qu’ils ne connaissent pas, devrait plaire. Finalement, il obtient l’attention de ses comédiens amateurs et même un certain succès dans la prison. Un caïd rejoint le groupe, enthousiaste à l’idée de monter sur les planches. Devant cet engouement, Étienne leur propose de jouer la pièce à l’Odéon lors d’une soirée mémorable. Le gratin du monde pénitentiaire sera là, leurs familles aussi, une belle reconnaissance pour des types qu’on ignore le plus souvent. Et croyez-moi, la soirée sera bien mémorable, mais pas forcément comme on l’imagine.
Voici une jolie comédie pour la rentrée d’un scénariste, acteur, devenu réalisateur avec Cessez le feu, un drame autour du traumatisme d’après-guerre en 1923. Dans cette comédie, il s’intéresse de nouveau aux âmes perdues en quête de rédemption. C’est bien la découverte d’une nouvelle voie, à travers la culture, qu’explore le film. Le scénario est basé sur une histoire vraie. Elle amusa beaucoup Samuel Beckett. Il dira « c’est ce qui est arrivé de plus beau à ma pièce. » La fin vous réserve une surprise qui peut être une métaphore de l’envol vers la liberté à travers la pièce. Le choix de celle-ci n’est pas innocent et devient un écho à la condition et aux rêves de ces détenus.
La mise en scène joue la confrontation entre deux univers, celui du théâtre considéré par les taulards comme un monde inaccessible et le leur. Pour eux, cet univers intellectuel est bon pour d’autres. Le rôle d’Étienne est d’ouvrir des portes vers un autre univers et en bonus, les conduire à l’éveil des consciences. C’est le chemin que suit le récit jusqu’à son apothéose finale. Comprendre le monde à travers la culture vous ouvre d’autres voies. Il est temps de s’envoler, libre. Au départ, les deux vagabonds de la pièce sont prisonniers de cette attente d’un Godot que l’on ne connait pas. Il est une figure pleine de promesses, comme l’évasion, la sortie de prison.
C’est un jeu de relations qui se déploie, avec les détenus, le système pénitentiaire, la juge, etc. Le film doit beaucoup à sa direction d’acteurs, remarquable. Kad Merad, tout en retenue, endosse le rôle d’un intermittent du spectacle en quête d’un renouveau. Il accepte pour l’instant des petits boulots secondaires, en espérant remonter sur les planches. La surprise vient de Sofian, Khammes, Kamel, en prison pour fait de grand banditisme et de Pierre Lottin, l’interprète de Jordan, un loser passant sa vie en prison. C’est une belle comédie qui nous rappelle que la culture reste indispensable à l’éveil de l’individu.
Patrick Van Langhenhoven
Titre français : Un triomphe
Réalisation : Emmanuel Courcol
Scénario : Emmanuel Courcol et Thierry de Carbonnières
Décors : Rafael Mathé
Photographie : Yann Maritaud
Montage : Guerric Catala
Musique : Fred Avril
Production : Marc Bordure, Robert Guédiguian
Sociétés de production : Agat Films & Cie - Ex Nihilo
Société de distribution : Memento Distribution (France)
Pays d'origine : France
Langue originale : français
Format : couleur — 2,40:1 — son 5.1
Genre : comédie dramatique
Durée : 106 minutes
Dates de sortie : 28 août 2020 (Festival du film francophone d'Angoulême) 1er septembre 2021
Distribution
Kad Merad : Etienne
David Ayala : Patrick
Lamine Cissokho : Alex
Sofian Khammes : Kamel
Pierre Lottin : Dylan
Wabinlé Nabié : Moussa
Alexandre Medvedev : Boïko
Saïd Benchnafa : Nabil
Marina Hands : Ariane
Laurent Stocker : Stéphane
Mathilde Courcol-Rozès : Nina
Yvon Martin : le chef de détention
Distinctions
Label Festival de Cannes 2020
Festival du film francophone d'Angoulême 2020 :
Valois du public
Valois du meilleur acteur pour Sofian Khammes et Pierre Lottin
Prix du cinéma européen 2020 : Meilleure comédie