Notre histoire commence quelque temps avant le 14 juillet dans le quartier de la Bastille, à l’ombre des remparts de la prison du roi. Le peuple gronde, se lève et crie son droit à une autre vie. Dans la clarté de ces jours prometteurs, il est porté par un vent nouveau. La rage et la colère éclatent comme une tempête, la Bastille tombe, les prisonniers ne sont que peu. Qu’importe, le peuple est en colère. Dans notre petite rue sombre, le soleil apparaît enfin quand s’écroule le château de cartes de la prison sordide. C’est la brise des promesses grossissant, le roi à Paris, du pain pour la populace.
S’ensuit une valse de dates, oubliées dans nos cahiers d’écoliers. C’est : le 4 août 1789 : nuit de l’Egalité. C’est la disparition des privilèges, la fin des Ordres et l’égalité de tous devant la Loi, 26 août 1789 : Déclaration des Droits de l’homme, le retour du roi à Paris. L’assemblée s’installe plus près des gueux aux Tuileries. Elle devient un vent mauvais en 1791 sous les canons du Champ de Mars, avec la fuite du roi arrêté à Varennes. Elle est tempête et ouragan en 1792 avec la Déclaration de guerre, les Tuileries croulant sous la fureur du peuple, l’abolition de la royauté, la proclamation de la République. C’est en 1793 que cette première partie s’achève, aux portes de la Terreur avec l’exécution du roi. Elle laisse à Danton cette phrase célèbre : « Tu montreras ma tête au Peuple, elle en vaut la peine ! »
« Louis doit mourir parce qu’il faut que la Patrie vive » (Robespierre)
La Révolution française est une période particulière de notre histoire, comme d’autres qui changent avec les époques et les gouvernements. Dans les années quatre-vingt de nombreux historiens comme Jean-Paul Bertaud s’intéressent à la petite histoire. Ils ouvrent la porte à de nouvelles études loin des grandes figures de la Révolution française. Le cinéma s’empare du sujet par fulgurances, comme pris de frénésie, La nuit de Varennes 1982 Ettore Scola, Les deux orphelines 1921 David Wark Griffith, La Révolution 1989 Robert Enrico, Les Chouans 1988 Philippe de Broca, Danton 1983 Andrzej Wajda, La Marseillaise 1938 Jean Renoir, Les mariés de l’an Deux 1971 Jean-Paul Rappeneau, etc. Pierre Schoeller s’inscrit dans cette longue lignée en choisissant l’angle du peuple et plus particulièrement des femmes. C’est dans une petite rue du quartier de la Bastille que prend naissance le récit, entre un verrier, des lavandières et un SDF de l’époque marqué au fer rouge. Certaines figures restent dans l’ombre comme Danton, Mirabeau, pour laisser le champ libre à Marat, l’ami du peuple, Robespierre l’incontournable et bien d’autres oubliés ou laissés dans l’ombre de l’histoire.
Un peuple et son roi raconte la relation de celui-ci avec la politique et son dirigeant. C’est avec leurs mots et ceux de leurs députés que le cinéaste nous entraine dans ce voyage didactique et bienveillant. Il manque selon nous d’un soupçon de lyrisme d’un peuple qui s’emporte, espère et mugit. C’est peut-être une image d’Épinal que nous portons dans nos racines profondes, une fausse idée ? Les évènements se succèdent comme de nombreux chapitres d’une histoire vue et faite, ne l’oublions pas, par le petit bout de la lorgnette. C’est dans ses faubourgs, sur les bords hurlants d’une nation emportée par ses rêves d’égalité, de fraternité et de liberté, qu’elle se joue avant tout. Dans ce sens, Pierre Schoeller touche juste et nous montre ces va-nu-pieds, ces moins que rien qui porteront et défendront la Révolution. Plus le film avance et plus il maitrise son sujet, s’élance à toucher sur la fin à une liturgie dramatique. Dans la galerie de portraits tracés à la craie sur le pavé, se détache celle du Roi interprété par Laurent Lafitte.
Il donne au personnage ce que d’autres n’avaient su lui insuffler, une étrange sensation de perdition, d’un homme qui n’avait jamais été préparé à être Roi. Il rêvait plus de recherche, de technique, de serrures, de géographie et de mondes nouveaux à découvrir. C’est sur la fin, avec les paroles des députés prononçant leur vote sur la mort ou non, d’un tyran qui n’en était pas un. Un peuple et son roi a le mérite de ramener sur le devant de la scène la parole oubliée de ces hommes et ces femmes qui croyaient en un monde nouveau. Il nous rappelle combien la classe politique est déconnectée de sa base. Il donne la parole aux femmes de l’époque et, malgré un manque de moyens, dresse un beau portrait des rues de la Capitale. Pierre Schoeller s’en sort plutôt bien sur les grands mouvements de foule, se concentrant sur son petit groupe, créant l’illusion. C’est dans certains cadres et idées, jouant souvent avec la lumière comme la rue s’éclairant avec la chute de la Bastille. C’est aussi un hommage à Barry Lyndon avec ses éclairages à la bougie, des figures se découpant sur la lumière du jour rappelant les tableaux de l’époque. Un peuple et son roi est une fresque historique qui devrait ravir petits et grands.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus:
Un peuple et son roi - les coulisses d'une révolution (10')
Titre français : Un peuple et son roi
Réalisation : Pierre Schoeller
Scénario : Pierre Schoeller
Direction musicale : Philippe Schoeller
Direction artistique :
Décors : Thierry François
Costumes : Anaïs Romand
Photographie : Julien Hirsch
Son : Jean-Pierre Duret
Montage : Laurence Briaud
Production : Denis Freyd, Didier Lupfer et Delphine Tomson
Sociétés de production : Archipel 35, Studiocanal, France 3 Cinéma, Les Films du Fleuve
Langue originale : français
Pays d'origine : France
Format : couleurs
Genre : historique
Durée : 121 minutes (2 h 01)
Dates de sortie : 26 septembre 2018
Distribution
Gaspard Ulliel : Basile
Louis Garrel : Maximilien de Robespierre
Adèle Haenel : Françoise
Céline Sallette : Reine Audu
Laurent Lafitte : Louis XVI
Ruggero Barbera : Louis Charles Dauphin de France
Denis Lavant : Jean-Paul Marat
Niels Schneider : Louis Antoine de Saint-Just
Izïa Higelin : Margot
Olivier Gourmet : L'Oncle
Noémie Lvovsky : Solange
Andrzej Chyra : Claude François Lazowski
Johan Libéreau : Tonin
Audrey Bonnet : Femme Landelle
Thibaut Evrard : Stanislas-Marie Maillard
Jean-Marc Roulot : Sectionnaire Lechenard
Grégory Gatignol : Clément l'Effaré
Cosme Castro : Patriote Bastille
Vincent Deniard : Georges Jacques Danton
Jean-Charles Clichet : Jérôme Pétion de Villeneuve
Julia Artamonov : Pauline Léon
Patrick Hauthier : Comte de Virieu
Philippe Chaine : Jean-Denis Lanjuinais
Rodolphe Congé : Emmanuel-Joseph Sieyès
Jean-Pierre Duret : Gamon
Guillaume Marquet : Président Mounier
Pierre-François Garel : Antoine Barnave
John Arnold : Nicolas de Condorcet
Jacques Ledran : Jacques-Guillaume Thouret
Etienne Beydon : Camille Desmoulins
Grégoire Tachnakian : Antoine-François Momoro
Thibault Lacroix : Charles-Zachée-Joseph Varlet
Frédéric Norbert : Évêque de Langres
Maëlia Gentil : Marie-Antoinette
Jacques Lacaze : Bertrand Barère
Benoit Déprez : un sans-culottes