1962, le Mali au cœur de la chaleur tropicale découvre les joies de l’indépendance, le twist et les balbutiements du socialisme. Le président Modibo Keïta conduit cette jeune nation vers un nouvel espoir plein de promesses. C‘est dans ce paysage que s’inscrit l’histoire de Samba et de Lara, une jeune fille mariée de force. Samba est un jeune bourgeois qui choisit de suivre les nouveaux dirigeants dans le socialisme naissant. Son père est un commerçant important de la ville qui dirige plusieurs entreprises. Il ne voit pas forcément d’un bon œil ce socialisme qui lui impose des règles loin de l’économie libérale. Samba part en tournée de propagande dans le pays bambara. Il rencontre Lara dans un petit village réfractaire à la nouvelle politique. Dans les villes et surtout dans le cœur de la jeunesse, ce nouvel horizon trouve facilement sa place. Il est moins évident auprès des anciens, des commerçants et des villages de l’intérieur. Samba emmène la jeune fille à la ville, la cache et, sous le vent de la jeunesse, en tombe amoureux. Cette histoire d’amour s’inscrit sur le fond d’utopie socialiste du jeune pays. Ils devront surmonter beaucoup d’obstacles sans être certains de réussir en amour comme en politique.
Pour certains, cette incursion au Mali de Robert Guédiguian pourrait paraître étrange. Pour ceux qui le suivent depuis le début, il n’en est rien. Nous retrouvons les thèmes chers à notre réalisateur, la communauté, les idées de gauche et l’amour. Nous le retrouvons à travers ces deux utopies, celle d’un socialisme à l’africaine et une histoire d’amour contrariée par les traditions. Il est peut-être parti rechercher ailleurs ce vent de folie, cette fraicheur des premiers jours en politique comme en amour. Loin de Marseille et pourtant si proche, il retrouve les arcs-en-ciel de couleurs et la lumière de ses premiers films. Il choisit le chemin de la légèreté et de la facilité sans encombrer son histoire de chemins de traverse. Il montre bien l’engouement, l’espérance d’une jeunesse tiraillée entre le passé et le présent prometteur.
La journée, on fait de la propagande et le soir, on se saoule aux airs français du twist et des yé-yés. Le film s’achève sur la couverture d’un Salut les copains sauvé du pillage avec un couple en couverture. Entre-temps, nous pénétrons au cœur des villages perdus aux coutumes bien tenaces, le mariage forcé, la polygamie. Derrière cette image, il montre le chemin parcouru par les idées d’un monde solidaire et libre. Dans ce pays, on pourra s’aimer, parler librement, faire du commerce sans exploiter les humains. C’est toute l’âme de l’utopie socialiste confrontée à la réalité, fracassée par l’humain, qu’il souligne. Les commerçants ne sont peut-être pas différents des nouveaux seigneurs qui, très vite, utilisent les idées nouvelles dans leurs propres intérêts. Samba finira par être expulsé du parti parce qu’il refuse de céder.
Cette simplicité du récit, un homme, une femme, chabadabada, dénonce, entre les lignes, la mort d’un rêve. Cette aube pleine de promesses se brise sur la falaise des traditions. Il est parfois bon de rappeler, à l’heure des choix, que les choses les plus simples ne sont pas mortes. Revenir à la source, c’est nous ramener au rêve des premières heures. Quand tout était possible, quand le monde pouvait choisir, comme ces paysans, de s’unir pour cultiver le champ. Les utopies ne sont pas mortes, elles manquent juste de porteurs. L’histoire d’amour vient se greffer sur ce terreau comme un miroir, un écho. Il s'inspire des photos de Malick Sidibé en noir et blanc pour montrer cette jeunesses en pleine révolution. C’est si bon de voir que, de film en film, comme Samba, Robert Guédiguian reste fidèle à Dernier été, sonpremier film sorti en 1981. C’était bien avant la reconnaissance du grand public avec Marius et Jeannette en 1997. Il ne vous reste plus qu’à entrer sur la piste de danse pour ce joli Twist à Bamako.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus:
Entretien avec Robert Guédiguian
- Scènes coupées
- Bande annonce
Titre original : Twist à Bamako
Réalisation : Robert Guédiguian
Scénario : Robert Guédiguian et Gilles Taurand
Musique : Olivier Alary et Johannes Malfatti
Décors : Mahamoudou Papa Kouyaté et Oumar Sall
Costumes : Anne-Marie Giacalone, Mame Fagueye Ba et Abdou Lahad Guèye
Photographie : Pierre Milon
Son : Laurent Lafran
Montage : Bernard Sasia
Producteurs : Marc Bordure, Angèle Diabang Brener, Robert Guédiguian et Yanick Létourneau
Sociétés de production : Agat Films & Cie - Ex Nihilo, France 3 Cinéma, Périphéria, Karoninka, Canal+ International et Bibi Films
Société de distribution : Diaphana
Pays de production : France, Canada, Italie et Sénégal
Langue originale : français
Format : couleur — 2,35:1
Genre : Drame historique
Durée : 129 minutes
Dates de sortie : 5 janvier 2022
Distribution
Alice Da Luz : Lara
Stéphane Bak : Samba
Issaka Sawadogo
Saabo Balde
Ahmed Dramé
Bakary Diombera
Ben Sultan
Alassane Gueye
Diouc Koma : Namori