Teddy est un garçon rebelle, en marge de la société, peu apprécié des gens du village. Il faut dire que ses interventions intempestives ne lui donnent pas la cote. Il squatte chez son oncle, un vieil homme étrange. Il travaille la nuit dans un salon de massage avec Ghislaine, une patronne fantasque. Le jour, il court la campagne et fait la cour à la jolie Rebecca. La vie déroule son cours sans autres incidents, au cœur de cette campagne française. Pourtant, dans la nuit, la bête rôde. Elle échauffe les esprits et les cœurs des paysans quand elle s’attaque aux troupeaux. Il suffit d’une étincelle pour mettre le village et ses environs en flammes, soulever un vent de colère et d’opprobre. « Mais les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux » Quand Teddy est griffé par la bête et subit une étrange transformation, la vie prend un autre tour. Il se comporte de plus en plus comme un animal et les braves gens n’aiment pas que ! Est-ce l’ultime métamorphose entre l’homme et la bête qui l’attend ? Quelle place l’attend dans ce monde quand le loup est le prédateur le plus haï ?
Après la Nuée c’est au tour des frères Boukherma de marcher dans les pas d’un fantastique social à la française. La symbolique du loup fait écho à la marginalité de Teddy au sein de la société. Comme un effet miroir, l’avancée de la bête dévoreuse, détruisant les troupeaux devient un écho aux actes du jeune homme. La première séquence montre un garçon accroché à ses convictions et à la justice. Il ne trouve pas sa place au sein de la société tout comme sa famille. Il se réinvente un avenir avec la jeune Rebecca. Il trouve un emploi dans le salon de massage de la décalée Ghislaine. Dans ce coin reculé de la France profonde, c’est un regard sur ces braves gens qui « n’aiment pas que. »
La différence, l’originalité n’appartiennent pas à leur monde. Plus ils le rejettent, plus la transformation suite à la griffure s’opère. Manque de moyens, nous dirons plutôt choix de mise en scène. Ludovic et Zoran Boukherma prennent le parti d’en montrer le moins possible. Dans ce sens, le film trouve sa forme anxiogène en s’inscrivant dans un cinéma fantastique jouant sur l’atmosphère. Peu à peu, l’écart entre notre monde bien ordonné et la folie prend de plus en plus de proportions. C’est ce basculement de l’ordinaire dans l’extraordinaire, s’appuyant sur la réalité, qui en crée toute la force. Il repose beaucoup sur la galerie de personnages acteurs et non-acteurs, habitants du village dans leur propre rôle. Anthony Bajon, remarqué dans La prière, confirme sa capacité à endosser des rôles de plus en plus complexes et difficiles.
Noémie Lovsky s’amuse dans la peau de cette patronne de salon de massage particulière. Le loup représente peut-être le refus de la marginalité au cœur de ce monde des campagnes. Il confirme la volonté des deux réalisateurs de bousculer un monde bien ordonné comme dans Willy premier, et leur amour des personnages marginaux. C’est avant tout une fresque sociale, plus que ce bon vieux Loup Garou de Londres, qui attend le spectateur.
Patrick Van Langhenhoven
Titre français : Teddy
Réalisation et scénario : Ludovic et Zoran Boukherma
Direction artistique : Linda Yi
Costumes : Clara René
Photographie : Augustin Barbaroux
Musique : Amaury Chabauty
Pays d'origine : France
Langue originale : français
Format : couleur — 35 mm
Genre : comédie horrifique
Durée : 88 minutes
Dates de sortie : 5 septembre 2020 (Festival du cinéma américain de Deauville 2020) ; 30 juin 2021
Interdit aux moins de 12 ans lors de sa sortie en France
Distribution
Anthony Bajon : Teddy Pruvost
Christine Gautier : Rebecca
Ludovic Torrent : Pépin Lebref
Noémie Lvovsky : Ghislaine
Guillaume Mattera : Benjamin