Tout se déroulait dans le meilleur des mondes possible quand vous êtes sur une planète à des millions de kilomètres de chez vous. Sur Mars l’expédition procède à son travail quotidien, récupérer des échantillons, faire des analyses, bref la vie rêvée d’un scientifique. Une mauvaise tempête bouscule la mécanique de la mission, il devient trop dangereux de rester sur l’astre rouge. Le retour est imminent et l’équipe embarque dans le vaisseau avec le regret d’une tâche inaccomplie. Le retour se fait le cœur triste et l’âme meurtrie. Mark Watney le biologiste trouve la mort dans la fuite. Le vaisseau trace sa route vers la Terre.
Pendant ce temps, la Nasa n’envisage pas de revenir récupérer le corps et annonce la mort de Mark au champ des découvertes. Pourtant là-bas, dans le silence de l’espace où personne ne vous entend crier, la vie bouge. Mark, par un coup de dés du hasard ou de Dieu, a survécu à la tempête. Blessé, il revient à la base. La liste des tâches pour survivre est longue et s’égrène comme le chrono d’un dieu malicieux. Dans l’ordre, il doit découvrir le moyen de planter suffisamment de patates pour survivre pendant quatre ans. Deux obstacles importants se posent à lui, l’eau et le sol de mars pas très propice à la culture. Il n’est pas facile de transformer une terre aride en Eden. Une fois cette équation résolue, il doit communiquer avec la Nasa. Cette dernière se trouve bien embêtée.
Le cas de Mark est six pieds sous terre. Comment annoncer sa résurrection à la Terre entière ? Les petits inconvénients ne font que commencer, la liste s’allonge de jour en jour. Il faut pas mal de chance et surtout beaucoup puiser dans ses propres neurones pour survivre. Une fois la vie sur Mars orchestrée au mieux pour notre homme, il demeure la grande question existentielle. Comment rapatrier le soldat perdu sur la petite planète bleue ? Faut-il annoncer à ses camarades l’effet Lazare sur Mark ? La tempête n’en a pas fini de bousculer tous ces cerveaux brillants et plus le temps passe, plus les options de retour s’estompent dans le chant de la galaxie.
Ridley Scott aime confronter l’homme à un milieu hostile, Alien, 1492, Lame de Fond, La chute du Faucon noir, le sujet se retrouve dans presque tous ses films. Il n’est donc pas étonnant que le livre d’Andy Weir Seul sur Mars retienne son attention. Le projet est né sous forme de feuilleton que l’écrivain transforme rapidement en roman sous la poussée des lecteurs. Le cinéma devait forcément s’en emparer. Ridley Scott révolutionne la science-fiction dans les années 80 avec Alien en 1979, et le magnifique Blade Runner en 1982. Il apportait un ton plus sombre, plus noir, comme Nolan le fera pour les super héros. Seul sur Mars s’émancipe de la noirceur du récit pour devenir plus ironique dans son ton et son regard porté sur notre société.
Derrière la question de la survie, des rapports plus complexes apparaissent au-delà des aspects techniques à résoudre. Il soulève une question morale : faut-il le dire à l’équipage de retour sous peine de les meurtrir. Comme dans La chute du Faucon noir la question du soldat abandonné en terre ennemie se pose. Revenir à la base ou repartir le chercher. Le film s’interroge sur le poids d’une vie. Une de fois de plus, les institutions sont partagées sur la marche à suivre. C’est la solidarité entre les peuples qui aura gain de cause, mais je n’en dirai pas plus. Nous retrouvons le bon vieux principe de la littérature de science-fiction, ce n'est pas la technologie qui sauve l'homme, mais sa capacité à inventer. Nous pensons à un vieux film de 1972 Silence Running, un botaniste lui aussi au milieu de ses plantes et une terre en survie. Seul sur Mars pose la question des voyages de longue durée et des imprévus, il nous prépare à la catastrophe imminente quand la réalité dépassera la fiction.
Sur ce sujet assez simple, Ridley Scott entraine le spectateur sans temps mort, jouant sur trois axes différents pour faire rebondir le suspense. Mark Watney avec ses patates et ses engins hyper perfectionnés ne manque pas d’une certaine ironie pour affronter l’épreuve. Il s’enregistre en vidéo dans une espèce de blog martien qui n’est pas sans rappeler les vidéos virales de Chris Hadfield de la station spatiale internationale. Le réalisateur s’amuse même à glisser une BO disco accompagnant notre pauvre astronaute. Le commandant aurait-il de mauvais goûts musicaux. Ironique, au final, sur le générique, il glisse I Will Survive de Gloria Gaynor. La Nasa représente la caution scientifique. Il ne nous noie pas sous un déluge de termes complexes. Parfois on pense à Apollo 13 et comment faire rentrer un carré dans un rond. Enfin le groupe d’astronautes de retour ressemble à la section de La chute du Faucon noir, faut-il suivre les ordres ou en décider autrement ?
Forcément, nous comparons Seul sur Mars, à Apollo 13, Gravity, Interstellar voire Seul au monde. S’il possède des points communs avec eux, il reste une variation plus légère que l’on retrouve dans le roman. Alors que la mort planait assez souvent sur les autres récits, c’est presque une ode à la vie et à l’espérance. Le ton de ce film de survie, où il faut surmonter chaque obstacle pour arriver à la case vie, est plus optimiste. Habituellement l’espoir n’apparaît qu’en fond ou comme une lueur finale chez Ridley Scott. Il marque peut-être un point de rupture avec le passé. En cela le prochain Alien : Paradise Lost, nous dira si notre hypothèse était la bonne.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : The Martian
Titre français : Seul sur Mars
Réalisation : Ridley Scott
Scénario : Drew Goddard, d'après le roman Seul sur Mars (The Martian) d'Andy Weir1,2
Direction artistique : Mónika Esztán et Matt Wynne
Décors : Arthur Max
Costumes : Janty Yates
Photographie : Dariusz Wolski
Montage : Pietro Scalia
Musique : Harry Gregson-Williams
Production : Mark Huffam, Simon Kinberg, Michael Schaefer, Ridley Scott et Aditya Sood
Sociétés de production : Kinberg Genre et Scott Free Productions ; International Traders, Mid Atlantic Films et 20th Century Fox (coproductions)
Sociétés de distribution : 20th Century Fox (États-Unis) ; 20th Century Fox France (France)
Pays d’origine : États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur
Genre : science-fiction
Durée : 141 minutes
Dates de sortie : 21 octobre 2015
Distribution
Matt Damon (VF : Damien Boisseau) : Mark Watney
Jessica Chastain : Melissa Lewis
Kristen Wiig (VF : Marie Diot) : Annie Montrose
Jeff Daniels : Teddy Sanders
Sebastian Stan : Dr Chris Beck
Naomi Scott : Ryoko
Kate Mara (VF : Julie Cavanna) : Beth Johanssen
Sean Bean (VF : Loïc Houdré) : Mitch Henderson
Michael Peña : le major Rick Martinez
Mackenzie Davis : Mindy Park
Aksel Hennie (VF : Yann Guillemot) : Alex Vogel
Chiwetel Ejiofor : Venkat Kapoor
Donald Glover : Rich Purnell
Jonathan Aris (VF : Thierry D'Armor) : Brendan Hatch
Mark O'Neal : Guidance