Naître dans l’aube évanescente, trouver le chemin d’un nouveau monde, tracer sa route. Pousser, hurler, soupirer et rire aux premières lueurs des pleurs d’un nouveau-né.
Elle accompagne les mères dans leur premier soupir quand vient le désir de la maternité. Dans ce paysage des naissances, des promesses d’arc-en-ciel qui finiront parfois en tempête, la mort vient jouer les trouble-fête. Claire leur consacre sa vie, rien d’autre ne compte que ce métier, plus qu’une vocation, un véritable sacerdoce. Dans ce paysage où rien ne bouge, tout à coup, des événements bousculent la terre des tranquillités. C’est l’arrivée d’une vieille copine de son père sur le retour, avec en sautoir le cancer pour mémoire. Cet amour perdu est en quête d’un amant, son père qui n’est plus.
Les retrouvailles prennent parfois les couleurs du carnaval et des flons-flons du bal ou des cimetières perdus. On échange des propos anodins, on soulève un vent qui ne s’accroche nulle part. Elle dit : « Un corps mort c’est une chose, mais vivant... » Cette Béatrice revenue du fin fond de la mémoire tisse sur la vie sa parabole de soucis et de peurs. « Ma vie n’est pas dure, c’est ma vie » dira Claire « et je l’aime comme elle est ». Il existe un passif entre Béatrice et la jeune fille d’autrefois que Claire voulait juste oublier. C’est le moment que choisit l’amour pour s’inviter au bal. Pour couronner la danse des changements, son fils souhaite changer de voie. Le petit destin farceur n’est pas en reste et rajoute dans le chaudron de la vie d’autres petits changements qui feront peut-être beaucoup pour quelqu’un d’immobile.
Sage femme nous raconte le temps qui passe et ce que l’on construit au fur et à mesure des années qui défilent. Quand la mort arrive, on pointe la liste de ce que l’on voudrait changer, réparer, avant de fermer la porte. Qu’est-ce que l’on fait de sa vie ? Les erreurs, les mauvais choix, les rancœurs creusées par le temps reviennent sur la table. Tout à coup, son quotidien tranquille, bien tracé, est bousculé de toutes parts. Comment retrouver l’équilibre quand les champs troublants de l’existence deviennent les tourbillons du chaos ? Comment celle qui aide à faire jaillir de nouvelles vies en oublie-t-elle la sienne ? Entre les naissances, la clinique qui ferme, son fils en pleine reconstruction, le voisin amoureux, et Béatrice, la part oubliée d’hier qui revient, elle aura beaucoup à faire pour rependre sa route et trouver le sens des jours nouveaux.
Claire a une énorme qualité, elle est pleine de compassion, un défaut, elle mène une petite vie bien orchestrée. Les sages-femmes sont comme des fées au-dessus du berceau. Le film est parti d’un hommage que le réalisateur voulait rendre à cette sage-femme qui lui donna son sang le jour de sa naissance. Il prend pour trame Claire, enfermée dans sa petite vie tranquille, tirée au cordeau, que vient bousculer Béatrice. L’histoire commence mal à cause des passifs laissés par le temps. Très vite cigale et fourmi comprennent qu’elles ont beaucoup à apprendre l’une de l’autre. Sage femme est un conte sur l’existence, entre la mort planant sur les épaules de Béatrice et la vie que les mains magiques de Claire renouvellent chaque jour. C’est comment se comporter quand la mort arrive, qu’elle devient une évidence de la dernière séance. Il n’existe pas de vie meilleure ou moins bonne, juste la sienne.
Béatrice la ramène au temps de ses treize ans quand ils riaient ensemble avec son père. Sage femme évoque tous ces petits riens, ces pas grand-chose, une odeur, un geste, un mot, une chanson, l’illusion d’un monde qui ne mourra jamais car on le porte en nous. C’est toute cette vie qu’on balade dans notre baluchon jusqu’à la dernière étape. Parce que le bonheur tient à peu de choses, la vie mérite d’être aimée. Viendra l’heure du cimetière des éléphants où il faudra s’assoupir pour le dernier soupir. Claire ouvre les yeux, refuse les compromis, l’hôpital paquebot où accoucher n’est plus qu’une question de quelques sous. C’est la vie juste et tendre qu’elle finit par épouser, celle qu’elle donne de par son métier chaque jour. Catherine Frot confirme aux côtés de la légende Deneuve qu’aujourd’hui, les deux femmes jouent dans la même cour.
Patrick Van Langhenhoven
Titre français : Sage Femme
Titre de travail : La Sage Femme
Réalisation : Martin Provost
Scénario : Martin Provost
Photographie : Yves Cape
Montage : Albertine Lastera
Musique : Grégoire Hetzel
Production : Olivier Delbosc
Société de production : Curiosa Films
Pays d'origine : France
Langue originale : français
Genre : drame
Format : couleurs
Durée : 117 minutes
Dates de sortie : 22 mars 2017
Distribution
Catherine Frot : Claire Breton
Catherine Deneuve : Béatrice Sobolevski
Olivier Gourmet
Quentin Dolmaire : Simon
Mylène Demongeot : Rolande
Marie Paquim : Angeline
Pauline Étienne
Pauline Parigot : Lucie
Karidja Touré : Mme Naja
Jisca Kalvanda : Mme Werba