Pour survivre et élever son fils, Nour se lance dans un trafic d’animaux exotiques spéciaux pour divers marabouts et autres sorciers. Afin d'étendre son petit commerce, elle propose un site de marabouts et autres spécialistes de la sorcellerie et du désenvoûtement. Jusqu’ici tout va bien, l’important c’est la chute, nous dit le dicton. Le fils d’un voisin malade, envouté, et sa chute sur l’asphalte, provoque l’ire de la foule. Nour devient une sorcière qu’il faut rattraper et brûler comme au bon vieux temps. Elle devra échapper à une foule surexcitée, portée par les réseaux sociaux et un père profitant de l’occasion pour lui enlever la garde de son fils. La réalité finit par se confondre avec son petit commerce, à ses dépens. Tel est pris qui croyait prendre, dirait un certain Jean de La Fontaine.
Après un court-métrage sur la violence des réseaux sociaux Ghettotube, Saïd Belktibia nous propose un film sulfureux sur fond de sorcellerie. Il fait ses premiers pas au sein du collectif Kourtrajmé. L’histoire prend pour toile de fond l’univers des marabouts, sorciers et autres guérisseurs et spécialistes en désenvoûtement. La Roqya est une méthode d'invocation pour guérir le mal, dans la religion musulmane. C’est en quelque sorte un exorcisme particulier. Saïd Belktibia choisit comme décor la banlieue, la superstition et cet univers caché des sciences occultes. Entre croyance et business, il dévoile tout un univers qu’il semble bien connaître. Il introduit dans ce décor étrange un personnage plus intéressé par l’argent que par la magie. Nour utilise ses croyances et sa foi pour en faire un commerce lucratif.
Elle finit par être rattrapée par sa volonté de rester indépendante. C’est le second regard du film, sur une femme qui souhaite s’émanciper et refuse de se soumettre, dans un monde où ce n’est pas bien vu. C’est ce que montre la première partie. Une femme qui doit faire face à une société patriarcale. La seconde partie nous entraine dans l’univers du thriller et de la chasse aux sorcières culminant au XVe siècle en France. Il joue habilement de l’image de la sorcière guérisseuse puis fille du diable. Elle donnera lieu à une vague de superstition et d'hystérie collective condamnant des milliers de personnes à des destins souvent atroces. La troisième thématique est celle des réseaux sociaux qui s’enflamment rapidement, comme un mouvement de foule moderne.
Pour finir, laissons la parole à Saïd Belktibia. « Le manque d’information trouve des réponses dans la fausse information, ça me fait peur. La crédulité, l’ignorance, le défaut de culture, d’instruction... L’instant, l’émotion l’emportent sur la réflexion. Je déplore qu’il n’y ait plus de discussion. Je trouve ça dangereux. Il faut un réveil collectif. Certains jeunes ne rêvent plus et n’ont plus rien de concret à quoi s’accrocher. Ils ont un rapport au bien et au mal qui me laisse perplexe. » Le film est porté par Golshifteh Farahani, actrice franco-iranienne de renommée mondiale. Elle compose un personnage fort, tout en relief, rattrapé par la vindicte populaire. Roqya est un premier film riche par ses thématiques nombreuses qui ne s’opposent pas, au contraire. La sorcière était souvent une guérisseuse indépendante, volontaire, encore moins tolérée à son époque qu’à la nôtre.
Patrick Van Langhenhoven
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Titre original : Roqya
Réalisation : Saïd Belktibia
Scénario : Saïd Belktibia et Louis Pénicaut
Musique : Flemming Nordkrog
Décors : Arnaud Roth
Costumes : Emmanuelle Pastre
Photographie :
Son : Arnaud Lavaleix et Serge Rouquairol
Montage : Benjamin Weill et Nicolas Larrouquere
Production : Ladj Ly
Sociétés de production : Iconoclast Films et Lyly Films
Société de distribution : WTFilms et Les Bookmakers
Pays de production : France
Langue originale : français
Genre : Thriller
Durée : 97 minutes
Dates de sortie : 15 mai 2024 (en salles)
Distribution Golshifteh Farahani : Nour
Amine Zariouhi : Amine
Jérémy Ferrari : Dylan
Denis Lavant : Jules
Isma Kébé : Arnaud
Issaka Sawadogo : Ahmed