C’est une petite maison sympathique perdue au cœur des bois. C’est ici qu’un couple s’installe pour trouver la paix et le bonheur. Lui est un artiste en quête d’un nouvel éveil. Elle est une traductrice renommée en quête d’enfant. On décore, on explore les pièces, on fait le tour du propriétaire et on s’approprie les lieux. Ils découvrent une drôle de machine au sous-sol et un maillage de câbles impressionnant. Le massacre d’une famille par un fils devenu fou explique un prix d’achat bien bas. Qu’importe, le bonheur n’a pas de prix. Une pièce vide avec une étrange serrure attire l’attention sur cette caverne d’Ali Baba, lampe du bon génie. Un tableau hors de prix, du caviar, des billets à foison. A l’impossible cette pièce n’est tenue. C’est l’occasion de tous les désirs, de toutes les envies assouvies par la bonne salle magique. Kate n’hésite pas à franchir le pas, cette impossible naissance devient réalité. La pièce accouche d’un bébé tout frais, tout chaud, braillard et mignon comme tout. Il existe juste un petit problème, ces bonheurs deviennent poussière une fois le seuil franchi. La bicoque ne partage pas avec l’extérieur. On profite de sa magie uniquement confiné. Il n’est pas question pour le nouveau membre de la famille d’embrasser le vaste monde. Comme dans tous les contes de notre enfance, il existe une solution. Il n’est pas certain que nos deux tourtereaux acceptent le sacrifice.
Au départ, il y a une bonne idée, comme souvent dans le cinéma fantastique européen. Un couple en quête de bonheur, comme d’habitude, trouve son petit nid douillet. On s’installe avec la promesse de jours meilleurs. On découvre une chambre exauçant tous vos vœux. C’est la porte ouverte à l’argent à foison, caviar à tous les repas, tableaux de maitres aux murs. Il y a de la joie ! Jusqu’ici l’histoire tient la route. La mise en scène suit son petit bonhomme de chemin dans un climat tendu comme le veut le genre. Le spectateur n’est pas dupe et se doute qu’il y a anguille sous roche. C’est quand nos désirs touchent au plus profond, que les choses se compliquent. Quand vient l’envie d’enfant, l’étape incontournable dans la vie d’un couple. Est-ce bien raisonnable de demander un enfant au génie de la lampe, en l’occurrence de la pièce magique ? Le récit se tend comme la corde d’un arc avec la promesse du nouveau venu, démon, ange gardien, bébé du bonheur.
L’histoire se contente de vadrouiller au bord de l’eau sans rien de nouveau. On découvre que toute abondance, tous désirs conduisent à la souffrance comme le prédit la loi des quatre nobles vérités. L’enfant sème le trouble, révèle une faille, rien ne peut sortir de la caverne, le bonheur sent le confinement. « Pour vivre heureux vivons cachés », nous dit le proverbe. Il oublie de préciser que cela ne dure jamais longtemps. Les créations de la pièce magique ne peuvent sortir qu’à une seule condition, celle du sacrifice. Nous retrouvons la vieille idée que pour qu’une vie naisse, une autre s’achève. The Room s’étiole, captive moins, rentre dans le rang. La fin tente un second souffle en prenant les sentiers balisés du genre, sans surprise. C’est bien dommage.
Il ne reste presque plus rien de la symbolique du désir, de nos envies finissant par nous conduire à notre perte dans la forêt des contes. L’exercice du huis-clos reste difficile. La tentative d’ouvrir l’espace vers une forêt primaire, celle des contes aux chemins perdus, trouve très vite ses limites. Nous ne sommes plus dans le fantastique, pas encore dans le conte, juste dans un territoire en équilibre. Volckman explore le labyrinthe avec son réseau de câbles, serpents noirs, symbole du sexe et de la violence. L’esprit maternel courant en sous-main, et toutes ses symboliques, ressemblent au pays où l’on arrive jamais. The Room aura au moins eu le mérite d’essayer des sentiers différents. Il finit par être honnête et prometteur avec l’espérance de gagner en profondeur avec le temps.
Patrick Van Langhenhoven
Titre français : The Room
Réalisation : Christian Volckman
Scénario : Christian Volckman, Eric Forestier
Costumes : Magdalena Labuz
Photographie : Reynald Capurro
Montage : Sophie Fourdrinoy
Musique : Raf Keunen
Pays d'origine : France-Luxembourg-Belgique
Format : Couleur - 35 mm
Genre : drame, science-fiction
Durée : 100 minutes
Date de sortie : 14 mai 2020 (VOD)
Distribution
Olga Kurylenko : Kate
Kevin Janssens : Matt
Marianne Bourg : Suzanne
Francis Chapman : Shane
John Flanders : John Doe
Michaël Kahya : monsieur Schaeffer
Carole Weyers : Madeline Shaeffer
Joshua Wilson : Shane enfant
Distinctions
Festival international du film fantastique de Neuchâtel 2019 : sélection en compétition internationale
L'Étrange Festival 2019 : sélection en section Mondovision
Festival international du film de Catalogne 2019 : sélection en compétition internationale
Grand prix du jury des Utopiales : sélection en compétition internationale