L’histoire commence avec un garçon trop vieux pour être un enfant, trop jeune pour être un homme. La tempête l’emportera dans le vent mauvais de la douleur ou sur les chemins d’une vie. C’est l’histoire d’un jeune garçon emporté dans la tourmente de la perte de l’être le plus cher, sa mère. Il est où le temps du bonheur, caché au fond de notre douleur grondante comme un torrent gonflé par le ciel de pluie. Conor, c’est que le temps des « au revoir » approche, la dernière saison, celle des adieux les plus terribles. Son cauchemar parle mieux que le silence et l’oubli. Il voudrait ignorer tout cela, fuir, revenir au temps des manèges tourbillonnant d’une vie à deux. Il aimerait… Chaque jour lui dit le contraire, la maison vide, la vie chez grand-mère, les visites à l’hôpital et la maladie faisant son nid dans le corps de sa mère. Alors il convoque le monstre de notre enfance, celui de l’arbre au cœur du cimetière pour tenter de comprendre. Il prend vie, monstre des catacombes entre morts et vivants. Il lui offre trois histoires contre une quatrième, la vérité dissimulée dans le cœur prêt à exploser de Conor. Il lui fait cadeau de trois contes pour traverser la mort et affronter la vie.
Conor : J’ai peur !
Le monstre : Évidemment que tu as peur. C’est pour ça que tu as fait appel à moi.
À la base il existe un roman sur une idée de Siobhan Dowd et écrit par Patrick Ness. La même maladie que la mère de Conor emportera Siobhan Dowd avant qu’elle ne jette la première ligne. Antonio Bayona trouve dans cette histoire toutes les thématiques marquant son œuvre depuis L’orphelinat, The Impossible, l’enfance et le passage à l’âge adulte, et la dualité du monde. C’est d’abord un film et un roman initiatique. Il permet à un jeune garçon de franchir le cap difficile de la douleur et de se construire. Il y a la réalité qui le frappe, une mère aux portes de la mort, la dernière route avant la nouvelle saison. Dans ce chaos, que devient son univers, le harcèlement de la petite frappe de la classe, le père absent, la grand-mère avec qui il ne s’entend pas ? Tout lui paraît peu de choses au regard de la souffrance qui l’envahit, de ce cauchemar récurrent où il lâche la main de sa mère disparaissant dans le gouffre sans fond.
La vie n’est plus le rêve de l’enfance bien au chaud dans les bras de maman. Il doit affronter la tempête pour grandir et affronter la vie. Il convoque un monstre représenté par l’arbre du cimetière, un if. Il symbolise dans la tradition celtique la vie et la mort, la renaissance et la réincarnation, ainsi que la royauté. L’arbre dans la mythologie, le conte est sacré, c’est le lien principal entre les trois mondes : terrestre, céleste et souterrain. Il est la symbolique de l’univers. Il apparaît à minuit et sept minutes, réalité ou imaginaire, qu’importe. La symbolique est présente à tous les niveaux du film, dans l’image et dans les dialogues. C’était déjà le cas dans L’orphelinat. Le chiffre sept est le symbole d’esprit, d’absolu, de connaissance, d’analyse, de recherche, de vie intérieure, d’originalité, mais aussi de solitude, de renoncement. Rien n’est innocent, tout est à sa place comme les trois histoires.
La première apprend à briser les apparences, ce que nous voyons, croyons n’est pas forcément la vérité. Il existe ce que nous cachons et cela a autant d’importance. La seconde lui apprend le renoncement, le sacrifice et la foi. La dernière est la sienne, celle d’un petit garçon aux portes de la vie appelant un monstre pour accoucher de la vérité. Il apprendra que vouloir une chose et son contraire n’est pas forcément folie. Comment souhaiter qu’elle meure et qu’elle reste ? La vie est ainsi faite de choses que nous désirons entre blanc et noir, entre vie et mort. Entre levers et couchers de soleil s’étale toute une vie. On se rassure et on se dit que tout ira mieux tout en sachant que l’on se ment. Comment se préparer à l’après quand on le refuse ? Avoir la foi est la moitié de la guérison dit l’apothicaire dans la deuxième histoire. Mais qui doit guérir, Conor ou sa mère ?
L’amour ne suffit pas toujours à traverser toutes les épreuves. Enfin il peut passer la barrière, franchir le porche, accepter l’inéluctable, mettre fin à la souffrance. Ce n’est pas ce que l’on pense le plus important, mais ce que l’on fait révèle le conte. Grandir c’est accepter l’incertitude. Le film est si riche qu’il peut se lire de différentes façons et chacun d’entre nous aura sans doute sa raison et son chemin à découvrir. Antonio Bayona ne joue jamais sur le pathos, les séquences entre l’imaginaire et la réalité se fondent dans l’histoire d’un passage. Les parties du conte sont en animation magnifique où la métamorphose déploie toute sa magie. Le jeune Lewis McDougall reprend toute la complexité du personnage avec talent le film aidé par la prestation de Sigourney Weaver, et Felicity Jones toute en finesse. Quelques minutes après minuit est la première belle surprise de ce début d’année à ne pas manquer.
Patrick Van Langhenhoven
Pour prolonger le plaisir du film et découvrir le roman de Patrick Ness, Gallimard jeunesse propose un très bel ouvrage avec les illustrations de Jim Kay. À la fin on trouvera une interview de l’écrivain, de son éditrice, et du réalisateur ainsi que la conception du film. C’est un beau cadeau pour continuer le voyage.
Titre original : A Monster Calls
Titre français : Quelques minutes après minuit
Titre québécois : Quelques minutes après minuit
Réalisation : Juan Antonio Bayona
Scénario : Patrick Ness, d'après son roman Quelques minutes après minuit1
Direction artistique : Eugenio Caballero
Décors : Jaime Anduiza et Dídac Bono
Costumes : Steven Noble
Photographie : Oscar Faura
Montage : Jaume Martí et Bernat Vilaplana
Musique : Fernando Velázquez
Son : Oriol Tarragó
Production : Belén Atienza, Mitch Horwits et Jonathan King
Sociétés de production : Apaches Entertainment, La Trini, Participant Media et River Road Entertainment
Sociétés de distribution : Focus Features (États-Unis), Entertainment One (Royaume-Uni), Metropolitan Filmexport (France)
Pays d’origine : États-Unis, Espagne, Royaume-Uni, Canada
Langue originale : anglais
Format : couleur
Budget : 43 000 000 $
Genre : fantastique, drame
Durée : 108 minutes
Dates de sortie : 4 janvier 2017
Distribution
Lewis MacDougall (VQ : André Kasper) : Conor O'Malley
Felicity Jones (VQ : Rachel Graton) : maman
Liam Neeson : le Monstre
Toby Kebbell (VQ : Marc-André Brunet) : papa
Sigourney Weaver (VQ : Anne Caron) : grand-mère
Geraldine Chaplin : une enseignante
James Melville (VQ : Louis-Julien Durso) : Harry
Lily-Rose Aslandogdu : Lily