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affiche Pluie noire

Pluie noire

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Un film de Shōhei Imamura,
Avec Miki Norihei, Yoshiko Tanaka, Kazuo Kitamura,

Genre : Drame psychologique
Durée : 2h03
Japon

En Bref

Nous sommes le 6 août 1945 au Japon. Le temps coule comme une rivière pour ceux qui ne sont pas au front. On se bouscule pour prendre le train afin de rejoindre son usine. Des femmes reviennent de la pêche, la barque glisse sur la vague. Un éclair illumine tout à coup le ciel, un souffle renverse le train comme un jouet d’enfant. Une pluie de ténèbres, noire comme la suie, s’abat sur les jeunes filles et l’eau. Ce jour-là, le monde change et prend les couleurs de l’enfer. C’est celui que traverse Yasuko avec son oncle et sa tante pour rejoindre un point d’espérance. Dans les décombres, les corps brûlés, les enfants recouverts d’un immonde manteau que l’on ne reconnaît plus. L’horreur s’est emparée d’Hiroshima pour en peindre le plus cruel des tableaux. Quelques années plus tard, le temps n’a rien effacé. Ils sont devenus des Hibakusha, des parias, dans un Japon qui les rejette. Réfugiés dans un petit village, loin de la ville en ruines, Yasuko, son oncle et sa tante ne trouvent toujours pas la paix de l’âme. Il est temps de marier la jeune fille, mais personne ne veut d’une irradiée. Elle partage quelques instants de connivence avec un soldat fou, Yoshi. Ils sont bien les deux seuls à trouver encore de l’espérance au cœur de la douleur.


Shôhei Imamura fait ses premiers pas au côté d’Ozu. Il apprend la technique d’un cinéma avec lequel il ne se sent pas en phase. Pourtant, quand nous regardons sa filmographie, c’est bien à hauteur d’homme qu’il place son récit. C’est bien le sort des simples citoyens qui l’intéresse, de Désirs volés à De l’eau tiède sous un pont rouge en passant par La balade de Naryama et Pluie noire. Le désir est une autre de ses thématiques. Il se met à hauteur du peuple pour dénoncer l’horreur de la bombe atomique. Les Américains, après Nagasaki, envisageaient de continuer à bombarder le Japon jusqu’à sa reddition. La bombe reviendra pendant la guerre de Corée et ce, malgré l’horreur et les conséquences dénoncées très tôt par les victimes. Le film s’ouvre sur une séquence d’une puissance exceptionnelle qui vaut tous les discours.

Nos trois héros traversent une ville aux allures de l’enfer de Dante. Nous découvrons un champ de ruines, corps calcinés, figés comme à Pompéi, brûlés, rampant, couverts d’un manteau de mort. Un soldat ne reconnaît plus son petit frère, un autre traîne sa carcasse sur le sol. Ce début marque à jamais notre esprit, tout comme à la fin, la perte des cheveux de Yasuko. Shôhei Imamura choisit l’angle des Hibakusha, les victimes des deux bombes atomiques. Le nom s’étendra par la suite à toute victime du nucléaire. Il prend pour base le roman de Masuji Ibuse, extrêmement bien documenté. Il suit la trame du journal de Shizuma Shigematsu, racontant la difficulté à trouver un mari à leur nièce Yasuko. Il aborde la presque impossibilité de se reconstruire pour ce trio, et plus largement pour les irradiés. Ils ne trouvent plus leur place dans un Japon marqué par la défaite. Ils sont le déshonneur de la Capitulation, passant du statut de victime à celui de coupable.

À l’horreur de l’ouverture, Shôhei Imamura oppose le retour à une vie quotidienne ordinaire que l’on tente de retrouver. La société se transforme. On s’américanise et on abandonne les traditions. Il aborde avec Yoshi, le « soldier's heart » (trouble affectif du soldat). Il tourne en noir et blanc, retour à ses premiers pas de cinéaste et à son style visuel incomparable, bouillonnement d’ombre et de lumière, jeux du jour et de la nuit quand se dévoile la douleur à la lueur des lanternes. Bien que dramatique, Pluie noire est parcouru par une poésie incarnée par la figure de Yasuko. C’est une jeune fille forte, à l’image des femmes dans le cinéma du réalisateur.

Elle ressemble à ces lanternes que la rivière emporte pour commémorer la catastrophe. Elle apparaît bien plus complexe, dans un jeu du corps et du regard exprimant sa souffrance dès la première image dans le bateau. Oublié à Cannes, ce chef-d’œuvre de Shôhei Imamura ressort en version restaurée. C’est un film incontournable pour comprendre l’importance d’une lutte encore d’actualité.

 Patrick Van Langhenhoven

Note du support : n/a
Support vidéo :
Langues Audio :
Sous-titres :
Edition :


    Titre : Pluie noire

    Titre original : 黒い雨 (Kuroi ame?)

    Réalisateur : Shōhei Imamura

    Scénaristes : Shōhei Imamura et Toshirō Ishido, d'après le roman homonyme de Masuji Ibuse

    Producteurs : Hisao Iino et Shōhei Imamura

    Sociétés de production : Hayashibara Group, Imamura Productions, Tohokashinsha Film Company Ltd.

    Musique originale : Tōru Takemitsu

    Photographie : Takashi Kawamata

    Montage : Hajime Okayasu

    Direction artistique : Takashi Inagaki

    Langue : japonais

    Genre : Drame

    Format : N&B - 1,85:1 - Format 35 mm - Dolby

    Durée: 123 minutes

    Date de sortie au Japon : 13 mai 1989

Distribution

     Yoshiko Tanaka : Yasuko, la nièce des Shizuma

    Kazuo Kitamura : Shigematsu Shizuma, l'oncle maternel de Yasuko

    Etsuko Ichihara : Shigeko Shizuma, la tante de Yasuko

    Shōichi Ozawa : Shokichi

    Norihei Miki : Kotaro

    Keisuke Ishida : Yuichi, un militaire traumatisé

    Hisako Hara : Kin, la grand-mère

    Masato Yamada : Tatsu, la mère de Yuichi

    Tomie Ume : Tane, la femme de Shochiki

    Akiji Kobayashi : Katayama

    Tamaki Sawa : la femme à Ikemoto-ya

    Kazuko Shirakawa : la vieille dame au drapeau blanc

    Kenjirō Ishimaru : Aono

    Mayumi Tateichi : Fumiko, d'Ikemoto-ya

26 prix dont :

    Festival de Cannes 1989 : Prix spécial et Prix technique : Shōhei Imamura

    1990 Nippon Akademī-shō : meilleur film

    1990 Kinema Junpō Awards : meilleur film