« Balayé par septembre, notre amour d’un été tristement se démembre et se meurt au passé. »
Henri Plantin organise sa vie de célibataire provisoire avec ses copains du Café des sports. Pendant que sa femme et ses enfants profitent de la plage, il joue aux cartes et pêche le week-end avec ses potes. La semaine, il retourne enfiler sa blouse de petit vendeur à la Samaritaine. C’est une petite vie tranquille que rien ne trouble sauf cet été particulier à Paris au mois d’aout. Il suffit d’un livre et d’une rencontre pour que deux cœurs s’égrènent au cœur des rues d’un Paris vide. C’est la métamorphose, l’errance de deux âmes finissant par se toucher et trouver l’extase. Le petit vendeur s’invente une vie de peintre, un passé d’amoureux. La jeune fille rieuse semble y croire se perdre dans les mots de l’espoir. Un rien, un trouble, un mot, un geste, c’est juste le temps pour seul violon d’un bal où deux cœurs battent la chamade à l’unisson. Lorsque l’été s’achève et que septembre emplit le silence des rues, il ne reste que les souvenirs et le thé du matin pour se rappeler. Il suffisait pourtant de presque rien pour garder ses « je t’aime ».
« J’avais beau m’y attendre, mon cœur vide de tout ressemble à s’y méprendre à Paris au mois d’aout. »
Il ne demeure de Paris au mois d’août qu’une chanson qu’Aznavour reprend régulièrement dans ses concerts, un roman de René Fallet qui obtient le prix Interallié en 1964. Pourtant il reste le film, le plus nouvelle vague de Granier-Deferre qui s’opposa à ces jeunes réalisateurs voulant tout bousculer. Il est souvent qualifié de cinéma de papa par sa volonté de rester dans des codes plus classiques. L’épure, la longue balade amoureuse dans un Paris vide, possèdent les apparences d’un cinéma moderne. La filmographie de Pierre Granier-Deferre serait à analyser d’une autre façon. On s’apercevrait que derrière le cinéma de papa se cache une révolution bien plus importante de La métamorphose des cloportes, Le chat, La Horse, Le train, Adieu Poulet, à L’Étoile du nord et bien d’autres. La sortie de Paris au mois d’août annonce déjà cette mise en scène touchant à l’essentiel, à l’épure qui éclate dans Le chat.
C’est une balade aux couleurs de la folie de l’été de deux cœurs oubliant les tourments dans le battement de leurs âmes. La première séquence avec ce filet à pêche me rappelle la fin de Sept ans de réflexion. Est-ce un clin d’œil dix ans plus tard par Pierre Granier-Deferre ou le simple jeu de ma mémoire ? C’est l’occasion de découvrir pour les uns et pour ceux de ma génération de redécouvrir un Paris oublié. Dans les années suivantes, la ville connaîtra une mutation importante. Au détour d’une séquence, entre des tours en construction s’étendent les terrains vagues des fortifs de notre enfance. C’est le troisième film de Pierre Granier-Deferre, qui retrouve après La métamorphose des cloportes Charles Aznavour. C’est en 1946, dans le film de Raymond Bernard, Adieu chérie, que ce dernier obtient son premier rôle. Georges Franju (La Tête contre les murs), Jean-Pierre Mocky (Les Dragueurs), Jean Cocteau (Le Testament d’Orphée), François Truffaut (Tirez sur le pianiste), Denys de La Patellière (Un Taxi pour Tobrouk), André Cayatte (Le Passage du Rhin), Henri Verneuil (Les Lions sont lâchés), lui ont également offert des rôles avant Pierre Granier-Deferre.
Le chanteur acteur possède déjà une grande carrière derrière lui et excelle dans le rôle de ce petit homme amoureux. Il lui donne toutes les variantes de ce commis de la Samaritaine, sans grand avenir, qui le temps d’un été se transforme sous les feux de l’amour. L’errance à travers la capitale n’est pas sans rappeler celle d’Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle. Face à lui, Susan Hampshire est magnifiquement mise en valeur par le réalisateur qui l’épousera en 1967. C’est le dernier film en noir et blanc de Pierre Granier-Deferre jouant la lumière comme d’un autre tempo pour renforcer sa romance. Sa sortie en DVD et Blu-Ray sont l’occasion comme toujours de redécouvrir un cinéma d’autrefois qui reste encore très moderne.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus :
"Paris au mois d'août" : entretiens avec Erik Berchot (pianiste ami de Charles Aznavour), Jacques Layani (écrivain spécialiste de Granier-Deferre) et Daniel Pantchenko (écrivain biographe de Charles Aznavour) (28'13")
Actualités Pathé : - Les aoûtiens (2'11") - Paris se transforme (1'01") - Les coulisses d'Aznavour (4'55") - La vie du cinéma (3'10")
Comme toujours, Pathé nous offre un travail formidable avec des bonus permettant de compléter notre regard sur le film. Les 28 minutes d’entretien mettent en lumière Charles Aznavour, acteur et chanteur en osmose complète avec ces deux identités. Un Pierre Granier-Deferre à revoir sous un autre angle que la sortie de ce film oublié reconsidérera. N’est-il pas de ces anciens réalisateurs le plus proche de la nouvelle vague avec ce récit ? Les actualités se concentrent sur un Paris méconnu. A l’heure du grand Paris, la mutation ne date pas d’aujourd’hui.
Titre : Paris au mois d'août
Réalisation : Pierre Granier-Deferre
Scénario : Rodolphe-Maurice Arlaud, d'après le roman de René Fallet
Dialogues : Henri Jeanson
Producteur: Louis-Émile Galey
Photographie : Claude Renoir Format Scope NetB
Musique : Georges Garvarentz
Pays : Drapeau de la France France
Genre : Comédie romantique
Noir et blanc format Scope
Date de sortie : 7 janvier 1966
Film français
VHS: non édité
DVD: Pathé Vidéo en Edition DVD + Blu-ray en 24 Avril 2019
Distribution
Charles Aznavour : Henri Plantin
Susan Hampshire : Patricia Seagrave
Michel de Ré : Cogaille
Daniel Ivernel : Civadusse
Alan Scott : Peter
Etchika Choureau : Simone Plantin
Jacques Marin : Bouvreuil
Héléna Manson : Mme Pampine, la concierge