Nos batailles

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Un film de Guillaume Senez ,
Avec Romain Duris, Laure Calamy, Laure Calamy,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h58
Belgique

En Bref

Olivier travaille dur pour que sa famille puisse vivre, dans un monde pas facile. Responsable de l’expédition d’un service sur internet, il se consacre à son équipe et son boulot. Laura se démène avec les enfants, la maison, et son travail de vendeuse. Pris dans le maelström du temps qui passe et ne change pas, elle se noie. Dépassée, fatiguée, le spleen chevillé au cœur, elle ne tient plus, lâche les amarres et part à la dérive vers l’ailleurs. Un beau jour, Olivier envolé, vogue la galère, Laura quitte le ring pour s’effacer du paysage idyllique de la petite vie tranquille. Il n’a rien vu venir, pas de signe précurseur, d’engueulade, de rupture de ton. Juste l’habitude qui finit par vous jouer un mauvais tour. Il va devoir s’occuper des enfants, découvrir les menus travaux harassants qui ont mis Laura KO. Il ne comprend pas, personne ne comprend que l’on abandonne sa famille quand on est bouffée par le néant. Olivier devra reprendre en main le fil d’une vie qui partait en vrille sans qu’il s’en rende compte.

Il faut compter désormais avec une nouvelle grammaire du cinéma, entre le documentaire et la fiction. Elle touche la réalité, entre comédiens professionnels, néophytes, et les vrais acteurs de la vie. Elle s’inscrit sur les pas de Stéphane Brizé, La loi du marché, En guerre, Ozu pour le cinéma japonais. Claude Lelouch pourrait en être le précurseur, avec son envie de voir disparaître la caméra et son cinéma empruntant à la vie. Ils prennent le quotidien pour territoire de leurs histoires simples, devenant profondeur des sentiments, relief de la vie sous la houlette des metteurs en scène. Guillaume Senez, réalisateur belge, s’éloigne du surréalisme de ses collègues pour toucher à l’essentiel. Après un premier film remarqué Keeper, il nous surprend avec Nos batailles et apparaît comme une valeur montante à suivre. Romain Duris trouve avec le personnage d’Olivier un rôle dévoilant une nouvelle facette de son répertoire.

Il pourrait bien, à l’image de Vincent Lindon, remporter quelque prix. Laetitia Dosch, dans une figure de tatie volubile, montre une fois de plus qu’elle est une des nouvelles actrices les plus prometteuses. Elle n’a pas fini de nous étonner dans sa palette d’habit de lumière. L’histoire se résume à peu de chose. Une femme part sans raison, sans laisser de mot d’adieu, abandonnant ses enfants et son mari. Elle quitte une vie de tempête pour s’évanouir dans le paysage. Rien ne laisse présager son départ. D’accord, la vie n’est pas facile, elle doit s’occuper des enfants, assurer un petit boulot plus qu’harassant. C’est encore la vie des femmes d’aujourd’hui quand le mari est trop occupé par son travail. Personne n’est coupable, chacun est pris par l’existence qui vous emporte et ne vous lâche plus. C’est quand la douleur, la mort du couple et le temps laminent les petits riens pour les transformer en ouragan. Il ne reste plus que la fuite avant la mort.

Olivier se retrouve à devoir assurer le quotidien qu’il découvre de jour en jour. Il cherche les raisons de l’abandon sans rien trouver qui le justifie. C’est bien la force du film comme dans Une femme heureuse que je vous conseille de voir après, la version du point de vue de la femme. C’est en touchant juste, en nous emportant dans ce torrent d’incertitude, de riens qui pèsent sur nos âmes. Tout à coup, nos vies de rien du tout sont des plumes dans l’histoire du monde. L’autre versant, c’est l’aspect social avec cette entreprise sans âme de vente sur le net. Le combat d’Olivier devient l’écho d’une société avec sa vitrine de désirs broyant les existences. À trop vouloir, nous ne nous contentons plus d’un quotidien ordinaire à partager dans un regard où le temps ne s’essouffle plus. C’est en touchant juste dans une mise en scène effacée, simple, saisissant au plus juste nos vies de rien pour les transformer en tout.

Patrick Van Langhenhoven