La ville debout est pleine de boue dans laquelle les roues des chariots s’enfoncent comme les bottes. Dernier bastion avant la frontière, reculant un peu plus chaque jour et la Californie, terre promise. C’est ici que le pasteur et ses brebis tentent de reconstruire un monde de paix, immaculé et sain. La ligue de tempérance interdit les armes, l’alcool et les jeux en fermant l’unique tripot de la ville. Chacun prie Dieu le dimanche et toute la sainte semaine, creusant le sillon dans la boue et la pluie incessante. Elle lave peut-être ces âmes des pêchés d’hier pour ouvrir l’innocence d’aujourd’hui. Patrick Tate, croque-mort, charpentier et sa femme Audrey essayent de trouver leur place au sein de cette communauté nouvelle. Les chariots en route pour l’Eden passent, s’arrêtant peu. L’arrivée de Dutch Albert dans ce purgatoire bouscule l’ordre paisible pour s’ouvrir à l’enfer. Le cabaret reprend du service, le vice et la vertu de nouveau s’affrontent. Patrick a de plus en plus de travail avec les morts qui s’accumulent. Jusqu’où le diable poussera-t-il les gens de bien dans la fange, noyant l’innocence ?
Après le western réaliste remis au goût du jour par Clint Eastwood avec Impitoyable, les réalisateurs européens relancent le western biblique, mélancolique. Fortement imprégné par le Livre sacré, Never Grow Old évoque la lutte du bien du mal dans une sorte de purgatoire entre l’enfer, l’Amérique d’hier réglant ses comptes à coup de colts et le paradis, l’Eldorado représenté par la Californie. C’est peut-être un clin d’œil à Hollywood, patrie du western, pour le cinéaste. La famille Tate construit une petite vie ordinaire, de gens de bien. Patrick, Irlandais immigré devenu protestant pour s’acclimater, ne fait pas de vagues. L’arrivée de Dutch Albert ramène le mal au sein de l’innocence. Patrick suit l’ombre du diable malgré lui, plus par peur que par conviction. Il devra choisir sa voie quand les choses iront trop loin. Il va suivre un chemin linéaire construit d’enterrement en enterrement.
C’est entre chacun de ces cercueils que Never Grow Old cache une autre histoire. Ivan Kavanagh développe la nature de l’innocence et du mal à travers un scénario assez convenu. C’est dans son atmosphère pesante, la pluie omniprésente, la boue, la terre difficile à creuser comme sa place au sein de la communauté que deux extrêmes s’affrontent dans une apparence de noir et blanc bien tranché qui dévoilent des zones plus grises. Dans ce chemin de croix, des figures apparaissent incontournables telle l’ombre noire dans le jeu remarquable de John Cusack. Il nous avait habitués à des rôles de braves types sympathiques et nous surprend avec ce personnage mauvais. Pour le reste de la distribution, pas vraiment de grande surprise. Sur la fin, Déborah François sort de sa routine pour camper une mère offensive. D’autres figures viennent étayer ce monde où chacun reste à sa place.
C’est le shérif dépassé, la jeune vierge christique sacrifiée aux démons de la nuit pour que le jour renaisse. Comme d’habitude, c’est dans le chaos que chacun trouvera le courage de se dépasser et de défendre son image du monde. La promesse d’un monde nouveau n’est ni dans le vieux monde, ni dans ce purgatoire perché dans la montagne mais bien dans l’Eden, au-delà de la frontière. On trouvera de nombreuses références symboliques comme l’utilisation de l’espace et des fenêtres, peut-être un rapport au conflit Angleterre Irlande. Tournés entre Irlande et Luxembourg, les paysages ressemblent à ceux des westerns mythiques. C’est bien dans ce qu’il ne dit pas que Never Grow Old devient intéressant.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original et français : Never Grow Old
Titre international : Where We'll Never Grow Old
Réalisation et scénario : Ivan Kavanagh
Direction artistique : John Leslie
Décors : Marc Ridremont
Costumes : Jackye Fauconnier
Photographie : Piers McGrail
Montage : Dermot Diskin et Bernard Beets
Musique : Aza Hand, Will Slattery et Gast Waltzing
Production : Jacqueline Kerrin, Nicolas Steil et Dominic Wright
Coproduction : Marina Festré, Marie-Claire Kerrin et Jean-Michel Rey
Sociétés de production : Ripple World Pictures et Iris Productions
Sociétés de distribution : Saban Films (États-Unis) ; Rezo Films (France)
Budget : 12 millions de dollars[réf. nécessaire]
Pays d'origine : Royaume-Uni / DÉtats-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur - 2,39:1
Genre : western
Durée : 100 minutes
Date de sortie : 7 août 2019 - Interdit aux moins de 12 ans
Distribution
John Cusack : Dutch Albert
Emile Hirsch : Patrick Tate
Déborah François : Audrey Tate
Danny Webb : Pike
Tim Ahern : le shérif Parker
Sam Louwyck : Dumb-Dumb
Camille Pistone : Sicily
Antonia Campbell-Hughes : Maria Pike
Paul Reid : Ed
Paul Ronan : Bill Crabtree
Anne Coesens : Mme Crabtree