Nemesis

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Un film de Christophe Deroo ,
Avec Rusty Joiner, Sigrid La Chapelle, Rhoda Pell,

Genre : Fantastique
Durée : 1h13
France

En Bref

Sam, représentant de commerce, sillonne le désert de Californie, peu d’âmes à la ronde font leur nid dans le trou du cul du monde. Il passe de porte en porte, avalant la poussière éphémère montant de la route. Il compte pour seul compagnon, sur le siège avant, un ours en peluche. C’est le cadeau pour sa petite fille, principal objet de ses conversations avec sa femme. Elle l’attend peut-être dans la ville des anges, pour tenter de saisir la dernière chance de sauver leur couple. C’est le dernier lien, cet espoir de retrouvailles qui n’aura peut-être jamais lieu. La route s’étire, longue comme un serpent gris à l’affut du tremblement du monde. La radio égrène ses infos comme le paysan son champ.

Elle parle de tout et de rien dans ce coin perdu. Sam se laisse bercer par sa monotonie. Il réclame son retour en ville à son patron, il veut abandonner cette inutile quête de clients. Il n’existe aucune possibilité dans ce désert, aucune âme ne construit sa vie sur le silence. Il croise des motels de seconde classe, rien ne se passe, que le souffle des ventilateurs pour éloigner la chaleur. La radio ne ronronne plus comme un chat tranquille. Elle devient un tigre en quête de sa proie, et cette proie c’est Sam ! Eddy l’animateur des ondes locales lance les habitants dans la chasse au prédateur tueur de petites filles, un sadique cruel à éradiquer. Paranoïa ? Mirage ? Est-ce un effet de la chaleur, un jeu malsain pour occuper les ombres qui jaillissent des terres vides ? Ils souhaitent sa mort, la cible c’est lui.

Est-ce le jeu pervers de types qui s’ennuient ? Sam imagine-t-il une croisade imaginaire levée contre lui, l’innocent ? À qui appartient l’ours passager ? C’est peut-être la vérité que propagent les ondes. Est-il un serial killer de la pire espèce qui clame inutilement son innocence ? Est-il le porteur de misère pour les petites filles sages ou turbulentes ? Il faudra démêler le fil dans cette pelote du monde. Qui dit vrai, Sam le voyageur ou Eddy l’animateur ?

Christophe Deroo construit un jeu de piste où le vrai et le faux se mélangent pour égarer le spectateur qui s’aventure dans le désert. Entre Hitchcock, Carpenter et les nouveaux talents du fantastique, il trouve facilement sa place. On s’égare parfois dans ses lignes de narration qui se croisent dans le silence. La chaleur et la tension deviennent rapidement palpables et même des personnages à part entière. La route et le désert, lieux de nombreux fantasmes deviennent le théâtre d’une manipulation ou d’un imaginaire paranoïaque. Peu à peu, comme chez le maitre du suspense, l’ordinaire bascule pour nous entrainer dans les délires de notre esprit. Le silence enfante des silhouettes menaçantes, réelles ou jaillies de notre esprit perturbé.

Est-ce, l’errance d’un représentant de commerce perdu dans le sable chaud à la vie suspendue à la voix de cette femme au téléphone ? Est-ce un homme au couple se fracturant dans les méandres de l’existence en quête d’un retour au paradis ? Il trouvera l’enfer dans ce coin perdu où personne ne l’entend crier. Peu à peu, l’histoire banale prend une autre tournure. Les pièces du puzzle accouchent d’une image trouble. Deux vérités ou deux mensonges naissent, celles de ce représentant pris pour cible. Peu à peu, le réalisateur démonte la petite musique pour livrer une autre symphonie plus sombre. C’est à ce moment que le spectateur doit tenir le fil pour ne pas s’égarer, lui aussi. Nemesis est le genre de film jouissif qui vous met la tête à l’envers par une narration à plusieurs niveaux et plusieurs angles d’approche.

Comme pour Memento de Christopher Nolan, Nemesis possède plusieurs niveaux de lecture, pour ou contre. Sam est-il le tueur en série que dénonce la radio ? Eddy est-il un malade mental qui s’amuse à ses heures perdues à lancer la foule hagarde sur des fausses proies ? J’avoue que je cherche encore la réponse après deux lectures où le détail dévoile la vérité finale. La mise en scène s’appuie sur une ambiance où la lumière et l’ombre accentuent le jeu pervers. Que ce soit dans l’éclairage des silhouettes ou des pièces aux lumières coupées par les stores Christophe Deroo connaît le genre. C’est un premier film surprenant, dévoilant un jeune réalisateur influencé par le cinéma de genre américain dans le bon sens. Il faut juste espérer qu’il ne se perde pas, comme d’autres, par la suite.

Patrick Van Langhenhoven