David Sheff pourrait être un homme heureux. Journaliste, écrivain, comme beaucoup de ses semblables, il a recomposé une famille auprès de Karen et ils passent des jours heureux avec leurs enfants. Nic, issu du premier mariage a bien accepté l’arrivée d’un petit frère puis d’une petite sœur. Il est plutôt brillant dans ses études et a un goût marqué pour la littérature, s’intéresse de près aux poètes maudits et aux auteurs sulfureux. Mais Nic a trouvé sur son chemin la chrystal meth, drogue hyper addictive et grande destructrice de neurones. Après avoir tenté de cacher son état, son père découvre la situation, prend les choses en mains et remue ciel et terre pour le tirer de là.
Le sujet n’est pas neuf et on pourrait craindre une énième version moralisatrice concluant, la drogue c’est mal, le sport c’est mieux. Le talent de Van Groeningen est de déstructurer le récit. On évite le sempiternel : « ça commence par des cheveux longs, ça finit par du hashish ». Son propos n’est pas tant la drogue en tant que telle mais l’addiction et ses conséquences sur l’entourage.
Dans un premier temps, le père et le fils se trouvent même un peu complices en fumant un stick ensemble. Nic est plus ou moins conscient de ce qui lui arrive. Il minimise et essaie de garder son père à ses côtés. Dans sa descente aux enfers, il est sans cesse tiraillé entre la hantise d’entendre les mêmes propos, les mêmes conseils, de vivre en liberté surveillée sous le contrôle des docteurs, de subir les tests de dépistage, et d’instiller le doute chez tous ceux qui le fréquentent avec la peur de perdre l’amour des siens.
Les personnes sous l’emprise de la méthamphétamine sont comme les alcooliques. Ils deviennent menteurs, voleurs dans les périodes de manque, le besoin du produit est plus fort que tous les liens affectifs, même puissants.
My Beautiful Boy est tiré des récits à la fois de David Sheff et de Nic Sheff. Chacun a écrit un livre, dont les points de vue sont parait-il très différents. Le réalisateur filme un combat ou même plusieurs. Celui du père qui ne veut pas laisser sombrer son fils, même si cela suppose lui imposer un sevrage, mais aussi celui du fils qui s’enfonce dans la honte et le dégoût de lui-même, remis en cause à la prochaine prise de substance qui renforce le cercle vicieux.
On est frappé par la volonté de tout l’entourage de vouloir sortir Nic de son enfer. Une façon en creux de montrer que l’addiction ne frappe pas que le sujet mais toute sa famille. Et les uns et les autres alternent les moments d’espoir et de découragement. Comme le dit le médecin : « La rechute fait partie du processus de guérison ».
My Beautiful Boy a l’intelligence de ne pas juger ses personnages. Ce qu’ils endurent de chaque côté de la barrière de la santé est bien suffisant. Et on ne peut qu’admirer ce père qui tout au long de ce chemin dit à Nic : « Je t’aime plus que tout ».
Felix Van Groeningen évite la bien-pensance et le moralisme. Il insiste plus sur le fait que nos proches peuvent devenir des étrangers et il effectue un portrait de groupe très réussi dans lequel chacun compte. Au passage, les aficionados de la série Urgences seront ravis de retrouver Maura Tierney, mais nous saluons principalement Steve Carell en père ravagé mais combattif et Thimotée Chalamet, l’acteur qui monte.
Françoise Poul
Titre original : Beautiful Boy
Titre français : My Beautiful Boy
Titre québécois : Un garçon magnifique1
Réalisation : Felix Van Groeningen
Scénario : Luke Davies et Felix Van Groeningen, d'après les mémoires Beautiful Boy: A Father's Journey Through His Son's Addiction de David Sheff et Tweak: Growing Up on Methamphetamines de Nic Sheff
Direction artistique : Ethan Tobman
Décors : Patrick M. Sullivan Jr.
Costumes : Emma Potter
Photographie : Ruben Impens
Montage : Nico Leunen
Production : Dede Gardner, Jeremy Kleiner et Brad Pitt ; Nan Morales (producteur délégué)
Sociétés de production : Plan B Entertainment et Big Indie Pictures ; Amazon Studios et Starbucks Entertainment (coproductions)
Sociétés de distribution : Amazon Studios (États-Unis), Metropolitan Filmexport (France), The Searchers (Belgique)
Pays d'origine : États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur
Genre : drame biographique
Durée : 121 minutes
Dates de sortie : 6 février 2019
Distribution
Steve Carell : David Sheff
Timothée Chalamet : Nic Sheff (VF : Alexis Gilot)
Jack Dylan Grazer : Nic à douze ans
Zachary Rifkin : Nic à huit ans
Kue Lawrence : Nic à quatre et six ans
Maura Tierney : Karen Barbour
Amy Ryan (VF : Brigitte Berges) : Vicki Sheff
Andre Royo : Spencer
Timothy Hutton : Dr Brown
Kaitlyn Dever : Lauren
Lisa Gay Hamilton : Rose
Stefanie Scott : Julia
David Mendenhall : le rockeur (non crédité)