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affiche Mon roi

Mon roi

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Un film de Maïwenn,
Avec Vincent Cassel, Emmanuelle Bercot, Louis Garrel,

Genre : Comédie dramatique
Durée : 2h04
France

En Bref

Filmer un sentiment qui, même s’il peut se révéler instantanément, se construit dans la durée n’est pas quelque chose d’aisé, sans tomber dans l’écueil du pathos et de l’illustratif. L’amour s’est, depuis longtemps, posé comme l’un des thèmes récurrents du cinéma, parfois en moteur, souvent en dilemme. Les plus grands s’y sont frottés. L’ambition guidant Maïwenn se résume dans sa volonté d’étirer ce sentiment si fort, pour mieux le décrypter, le ressentir, le temps de sa montée et de ses chutes.

Avec Mon roi, yo-yo sentimental contemporain animé par l’amour passionnel mais destructeur entre deux êtres sensiblement différents, la réalisatrice revient à ses premières amours. Tony, une jeune femme se blesse gravement au « je-nous » comme le présente cette médecin à écoute psy - entendre « genou ». Annonciateur du parcours tant physique que mental pour guérir, elle revient sur les raisons de cette blessure…

Après la plongée hybride et hyperréaliste de Polisse, ce film marque un retour aux sentiments bruts, à l’intime, évoquant son premier Pardonnez-moi. Réussissant véritablement à capter des moments intenses du sentiment amoureux, Mon roi instaure une narrativité particulière, avec la reconstruction en parallèle, qui met en exergue (un peu trop) les chemins tortueux que le personnage - et la réalisatrice - emprunte, entre mélodrame pluriel larmoyant et comédie dramatique forte. S’il divise, sa puissance émotionnelle et les interprétations ne soulèvent pas de débat. Que l’on apprécie (ou pas) ces hauts et ces bas, au sujet desquels la réalisatrice a, parait-il puisé dans son expérience, ce film a néanmoins de beaux atouts, confirmant un talent en appuyant sur ses lacunes.


Faire sortir un acteur de ses gonds, le pousser dans ses retranchements, démontre une maîtrise dans la direction d’acteur et dans le talent nécessaire au métier. Vincent Cassel, souvent abonné aux rôles de bad boy, n’interprète ici pas le rôle le plus original qui lui ait été proposé. Il parvient néanmoins, de façon très convaincante, à s’imposer comme « le roi des salauds » comme il se décrit, dans un rôle de séducteur le caractérisant bien. Face à lui se dresse le dernier Prix d’interprétation du Festival de Cannes : Emmanuelle Bercot, qui interpelle. Pour l’un des ses premiers rôles principaux, elle interprète une avocate attirée par cet homme si différent, flamboyant, gérant de bistrot, futur père de son enfant… Entre émotion d’une solitude inavouable et hystérie à retardement, sa prestation ne pouvait qu’être remarquable. Le hic provient du scénario où certes l’amour peut faire faire n’importe quoi, mais quand même…

Cette femme désabusée se fait casser des œufs sur la tête sans s'agiter ou presque, avant de faire un grand déballage frénétique. La première partie était mièvre quand la seconde est paroxystique. Les sentiments n’ont pas d’unité et tout ne résonne qu'en surenchère, jusqu’à la saturation. C’est l’amour diront certains, quel amour ! Finalement le fantasme du bad boy, riche et se sentant puissant prend sa pleine dimension. Le spectateur le ressent comme rejetable et faux mais pas elle et de là provient l’une des conclusions : nous sommes à l’extérieur et ne pouvons véritablement comprendre et vivre tout cela avec eux. L’apparition de ces flashbacks, pour donner cette idée de thérapie offre une tout autre chose.

Ce condensé des moments clés donne l’impression d’un best-of en double version : joyeux puis triste. Nous seuls, spectateurs, connaissons l’issue. Maïwenn tente de créer une complicité mais réussit que trop partiellement, en voulant imposer son style et ses thématiques récurrentes, à défaut de se concentrer sur l’essentiel. Mon roi pourrait être un cousin - éloigné alors - de La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche. Ce dernier est comparable dans le sujet et son étendue sur une dizaine d’années. Le petit souci est que l’un est un chef d’œuvre quand l’autre avait cette ambition. Le réalisateur honoré d’une Palme d’Or réussit à merveille à capter de la rencontre-coup de foudre aux différents émois, une sensibilité, un éveil des sens - dû il est vrai en partie au fait qu’il s’agissait de la première relation homosexuelle d’Adèle. Toutes les scènes, leçon de mise en scène et d’écriture, permettaient une construction semblable à l’amour d’Adèle et l’explosion devenait nôtre, ce qui n’est pas le cas dans Mon roi, saturé et oubliant le sujet…

Le duo parvient néanmoins à appuyer une veine réaliste, où les dialogues bien écrits jaillissent et ne paraissent que rarement creux - hormis quelques phrases flairées et placées de façon évidente… Se dégage un ton encore appréciable, où le tragique trouve un véritable écho, dans le plus léger - comme avait réussi à le faire récemment Les Deux amis de Garrel. Oublions la légèreté que les jeunes du centre de rééducation tentent d’inculquer, décalée et de trop - comme la présence du Youtubeur Norman – mais gardons plutôt celle des dialogues. Dialogues et interprétation maintiennent le film en haleine, touchent avec cette tendresse, malheureusement sur courant alternatif. Cassel étale sa palette de jeu, aussi à l’aise que son personnage en dragueur et par son humour réussit à plaire, et pas simplement à Tony. La mention spéciale revient à un Louis Garrel, à qui la rentrée réussit très bien. En frère de Tony, il excelle dans ce rôle mi- comique, mi- conseiller lucide et cela donne envie qu’il continue dans ce registre.

La longue période brossée est parasitée par les passages de la reconstruction - ne visant qu’à une accentuation émotionnelle - et à ce mélo sur son amitié avec des jeunes d’un autre milieu social - la rechute dans le côté immersion de Polisse… Quand Maïwenn avance sur le terrain qui lui réussit le mieux, le film s’élève, mais souvent de façon trop déconstruite et peu durable. Cela n’enlève rien au talent de la réalisatrice. Elle brille encore par son goût et l’esthétique de son film. La musique de Son Lux, Easy, aura un avenir à la Keedz et son Stand on the World entendu dans Polisse, dans cette scène de danse. Cette dernière permet la rencontre entre les deux protagonistes, dans une soirée en boîte de nuit. Il y a une tendance inflationniste presque agaçante avec ces scènes de danse.

Oui, cela est beau et ne déplaît jamais de voir de jolis acteurs juste s’épier, être fixes quand le mouvement s’empare du reste des lieux, le rend dansant. Le geste l’amenant à Georgio juste après, lui est novateur et plus intimiste. C'est ce dernier point que l'on aurait aimé voir plus. À vouloir trop en faire, elle va même jusqu’à tomber dans l’illustration : comme avec ce concours de plaidoirie sur le thème « Fallait-il tout gâcher ? » ou ce dessin animé que son fils regarde sur un couple se retrouvant. Le fait de placer son héroïne dès les premières scènes dans sa phase de reconstruction post-traumatique est un choix. Les slaloms marquant sa reconstruction donnant une constance inégale dans les sentiments, le réalisme, l’attachement aux personnages, la véracité… La réalisatrice se coupe l’herbe sous le pied, de façon regrettable, dans la forme qu’elle donne à son récit.

Clément SIMON

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Fiche technique

    •       Titre original : Mon roi

    •       Réalisation : Maïwenn

    •       Scénario : Étienne Comar et Maïwenn

    •       Photographie : Claire Mathon

    •       Production : Alain Attal

Producteur délégué : Xavier Amblard

    •       Sociétés de production : Les Productions du Trésor (France), Studiocanal (France), France 2 Cinéma (France), Arches Films

    •       Société de distribution : Studiocanal

    •       Pays d'origine : France

    •       Langue originale : français

    •       Format : couleur 

    •       Genre : drame

    •       Dates de sortie3 :

    ◦        France : 17 mai 2015 (Festival de Cannes 2015) 21 octobre 2015

Distribution

    •       Emmanuelle Bercot : Tony

    •       Vincent Cassel : Georgio

    •       Louis Garrel : Solal

    •       Isild Le Besco : Babeth

    •       Marie Guillard : Marie

    •       Norman Thavaud : Nico

    •       Camille Cottin : l'ex de Georgio

    •       Patrick Raynal : Denis

    •       Ludovic Berthillot : l'armurier

    •       Yann Goven : Jean

    •       Vincent Nemeth : le pédopsychiatre

    •       Romain Sandère : le chef cuisinier

    •       Félix Bossuet

    •       François-Marie Banier : le maire