« Je me demande si je n’ai pas soudain perdu la notion du bien et du mal » Mon Crime André Dussolier.
Pour François Ozon, 8 femmes marquait le renoncement au patriarcat et au bout, l'homme se suicide. Potiche promeut l'avènement du matriarcat, Mon crime annonce la sororité. C'est un regard sur la femme à travers ces trois comédies boulevardières dans un mélange de cinéma et de théâtre de la vie. Il adapte une pièce des années trente de Berr et Louis Verneuil pour aborder l’ère Me Too. C'est la condition et l'avènement des femmes, comment elles s'entraident pour finir par faire bloc contre le patriarcat triomphant et prendre le pouvoir. Comme dans les deux comédies précédentes, le genre se trouve détourné pour nous parler de nous-mêmes et de nos errements masculins.
C'est à travers une galerie de figures cocasses que se jouent des enjeux bien plus grands. C'est d'abord le producteur Montferrand, homme d'affaires dans une clinquante maison Art Déco, symbole de sa réussite. Le théâtre est pour lui un prétexte à profiter des jeunes actrices prêtes à tout pour un rôle. Nous retrouverons un autre homme d'affaires, incarné par Dany Boon, excellent, dans une figure provençale décalée, pittoresque, à la Raimu. Le duo du juge et de son greffier, Fabrice Luchini et Olivier Broche, représente la figure autoritaire de la loi. Daniel Prévost complète ce tableau en Président des Assises.
Pour faire bonne mesure dans cette farce contemporaine aux allures vintage, nous rajouterons un autre homme d'affaires à l'ancienne, André Dussolier, inquiet pour son fils. Du côté des femmes, deux innocentes, naïves, en quête d'un avenir meilleur, un tantinet opportunistes, se révèleront bien plus manipulatrices. Il manque dans cette galerie à la Feydeau (ou à la Guitry), une actrice sur le retour, remarquable Isabelle Huppert. La mise en scène joue des décors de studio et d'extérieurs pour reconstituer un univers ancien. L'artifice est roi, que ce soit dans les décors, les stratégies des uns et des autres, les choix des cadres. Derrière la farce se cache une réalité bien plus moderne et des enjeux plus complexes sur le féminisme aujourd'hui.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : Mon crime
Titre provisoire : Madeleine
Réalisation : François Ozon
Scénario : François Ozon, d'après la pièce de théâtre Mon crime de Georges Berr et Louis Verneuil (1934). Musique : Philippe Rombi
Décors : Jean Rabasse
Costumes : Pascaline Chavanne
Photographie : Manuel Dacosse
Montage : Laure Gardette
Production : Éric et Nicolas Altmayer
Sociétés de production : Mandarin Cinéma, FOZ et Scope Pictures
Société de distribution : Gaumont (France)
Pays de production : France
Langue originale : français
Format : couleur
Genre : comédie dramatique
Durée : 102 minutes
Dates de sortie : 8 mars 2023
Distribution Nadia Tereszkiewicz : Madeleine Verdier, une actrice
Rebecca Marder : Pauline Mauléon, une avocate, amie et colocataire de Madeleine
Isabelle Huppert : Odette Chaumette, une actrice célèbre au temps du cinéma muet
Dany Boon : Palmarède, un architecte marseillais
Fabrice Luchini : Gustave Rabusset, le juge
André Dussollier : M. Bonnard, patron d'une entreprise de pneumatiques
Félix Lefebvre : Gilbert Raton, un journaliste
Édouard Sulpice : André Bonnard, fils de M. Bonnard et petit ami de Madeleine
Régis Laspalès : M. Brun, l'inspecteur
Olivier Broche : Léon Trapu, le greffier de Rabusset
Michel Fau : Maurice Vrai, le procureur
Daniel Prévost : M. Parvot, le Président des Assises
Evelyne Buyle : Simone Bernard, une actrice
Myriam Boyer : Mme Jus, la concierge
Franck de Lapersonne : Pistole, le logeur de Madeleine et Pauline
Jean-Christophe Bouvet : Montferrand, le producteur de théâtre
Suzanne De Baecque : Céleste, la domestique
Lucia Sanchez : Mme Alvarez
Jean-Claude Bolle-Reddat : Émile Bouchard, l'admirateur de Simone Bernard
Dominique Besnehard : le chef de rang du restaurant
Georges Bécot : la voix du cinéma