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affiche Moi, Daniel Blake

Moi, Daniel Blake

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Un film de Ken Loach ,
Avec Dave Johns, Hayley Squires, Dylan McKiernan,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h39
Royaume-Uni

En Bref

"Quand on perd son amour-propre on est foutu" et que dire d'un système qui vous y pousse.

Daniel Blake ne demandait rien à personne, il suivait son petit bonhomme de chemin après la mort de sa femme sans bousculer le monde. Il suffit parfois de presque rien, un cœur qui lâche, un échafaudage et une chute pour que la vie prenne un autre tour. Condamné à rester chez lui, désigné par les médecins comme gravement malade, Daniel ignore encore que le pire l’attend. Katie ne demandait rien à personne, elle pensait vivre une belle idylle avec un type ordinaire et ses deux enfants.

Elle se trouve contrainte d’accepter un appartement à l’autre bout de l’Angleterre pour ne pas se retrouver en foyer d’accueil. Ces deux âmes perdues entrent dans le labyrinthe de l’administration sans savoir quel Minotaure ils devront affronter au cœur de celui-ci. Ils feront face à l’indifférence, le respect de la règle et l’obscurantisme d’une administration qui n’en finit pas de broyer le peuple des gueux. Questionnaire décalé, recherche de travail kafkaïenne, tout s’enchaine pour rendre le parcours du demandeur dans son bon droit difficile. Ces deux-là finissent par se rencontrer dans leur périple et leur douleur et que le système force à s’isoler du monde. Ensemble ils affrontent le Léviathan administratif, tentent de retrouver la route du bonheur par des petits riens. Ils finissent par former une famille qui, au cœur de l’enfer, se réinvente un paradis perdu, mais pour combien de temps ?


"Je veux voguer vers le large, le vent dans le dos" Daniel Blake

Depuis toujours Ken Loach porte la parole des démunis, des gens de rien, le petit peuple comme disait Victor Hugo. Il dénonce un système libéral qui s’emporte et oublie l’essentiel, la valeur humaine du système pour ne plus ressembler à rien. On retrouve le même ton que dans Cheminots où il dénonçait la privatisation de la British Railways. Il s’attaque ici au pôle emploi outre-Manche et son aspect kafkaïen où l’individu ne devient plus qu’un questionnaire- type. En cela le début du film vous laisse sans voix. Une employée mandatée pour évaluer sa demande d’invalidité lui pose tout un tas de questions qui semblent hors de propos. Pouvez-vous marcher plus de 50 m, oui ? Pouvez-vous lever un bras comme pour mettre un objet dans votre poche, oui ?

Des répondeurs laissent des messages où perce la déshumanisation du système. Et la longue liste imbécile continue, sans âme, couperet à élaguer la liste des demandeurs. Daniel ne fait que répéter « Et mon cœur ? » Le cœur du problème c’est bien son accident cardiaque reconnu par les médecins sauf par l’administration. Peu à peu, ce Don Quichotte finit par se battre contre des moulins à vent qui tournent sans écouter la douleur, le désespoir de l’autre. Il tente de résister, de ramener la barque dans le courant, de se faire entendre, mais rien n’y fait. Plus loin, sa recherche le conduit à une conversation délirante de la part de l’agent de service. Nous comprenons vite que ce dernier éloigne les demandeurs qui, lassés, abandonnent et se laissent aller. Peu à peu ils arrivent en bordure du monde où ils attendent la mort, perdus dans ce méandre où la société les rejette dans les pattes du Minotaure de la vie, sourde à leur souffrance. C’est ce système que dénonce Ken Loach et nous avec lui, c’est ce système que nous avons commencé à appréhender en France, cette sourde ignorance des petites gens, des gueux, de la plèbe comme dit Robert Guédiguian.

Nous, les ventres creux, comme dit un anarchiste dans les années vingt. Déjà dans Cheminots tout ce système libéral broyant l’humain sourd à la vraie question, bloqué dans ses règles absurdes n’était que les prémices d’une folie qui s’emballe et oublie l’essentiel. La société est un moyen à l’éveil de l’individu et pas l’inverse à sa négation, sa mort. Nous en voyons aujourd’hui le résultat sur le rail, nous espérons juste que Ken Loach ne soit pas visionnaire sur notre futur pôle emploi. Dans son constat, le film est terrible. Comment peut-on abandonner au bord de la route tant d’âmes esseulées, perdues. Comment notre monde nous conduit-il au bord du gouffre où les démunis ne seront plus que la lie immonde à jeter pour les nantis. C’est presque le jeune Africain émigré qui s’en sort le mieux en oubliant le système pour construire un business parallèle.

De la même façon, il montre comment la pauvre Katie en sera réduite au pire des cauchemars pour s’en sortir. Elle subit le même chemin de pénitence alors qu’elle ne demande qu’à vivre. La parole ne suffit plus, au bord du gouffre, il ne reste plus qu'à pousser la porte de l'enfer. Plus que les autres films du réalisateur, celui-ci vous prendra en plein cœur, vous retournera l’estomac, vous rappellera peut-être de noirs souvenirs que la larme n’arrive pas à effacer. Hier le combattant de la misère pouvait encore espérer trouver un petit bout de paradis, un porche où poser ses pieds, un rayon de soleil perçant l’océan. Aujourd’hui, il ne reste que le néant et les larmes pour panser nos blessures qui ne se refermeront pas. Il nous reste juste un bulletin de vote pour faire entendre nos voix ou peut-être que la meute des gueux un jour se lèvera pour crier son désarroi. En attendant, Ken Loach a tout fait pour que ce film soit vu par tous, encore une preuve d’un engagement sincère et profond. Bienvenue dans 1984, il devient de moins en moins une fiction et de plus en plus un futur possible.

Patrick Van Langhenhoven

Note du support : n/a
Support vidéo :
Langues Audio :
Sous-titres :
Edition :


    •       Titre original : I, Daniel Blake

    •       Titre français : Moi, Daniel Blake

    •       Réalisation : Ken Loach

    •       Scénario : Paul Laverty

    •       Photographie : Robbie Ryan

    •       Décors : Linda Wilson

    •       Casting : Kahleen Crawford

    •       Costumes : Joanne Slater

    •       Montage : Jonathan Morris

    •       Direction artistique : Caroline Barton

    •       Musique : George Fenton

    •       Son : Ray Beckett

    •       Production : Rebecca O'Brien

    •       Sociétés de production : Sixteen Films, Why Not Productions et Wild Bunch ; Brithish Film Institute (coproducteur), BBC Films (coproducteur)16

    •       Société de distribution : Entertainment One (Royaume-Uni et Irlande)11, Le Pacte (France)14, Filmcoopi Zürich (Suisse, tous médias), Sundance Select (États-Unis, en salle), Wild Bunch (monde)16

    •       Pays d'origine : Royaume-Uni

    •       Langue originale : anglais

    •       Format : 35 mm, 1.85 :couleur

    •       Genre : drame

    •       Durée : 100 minutes (1 h 40)

    •       Date de sortie : 13 mai 2016, en compétition au Festival de Cannes-26 octobre 2016

Distribution

Dave Johns : Daniel Blake

Hayley Squires : Katie

Natalie Ann Jamieson : l'employée du Jobcentre

Micky McGregor : Ivan

Colin Coombs : le facteur

Bryn Jones : le policier

Mick Laffey : le conseiller en avantages sociaux

Briana Shann : Daisy, fille de Katie

Dylan McKiernan : Dylan, fils de Katie

John Sumner : le responsable des CV