Quelques années après la guerre, Marie Octobre réunit les anciens du réseau Vaillance. C’est l’occasion de retrouver les anciens camarades de ce souvenir des années de terreur et de voir comment chacun retrouve sa place une fois le pays libre. Cette soirée entre amis se transforme vite en traque d’un traitre qui dénonça le chef de Vaillance, Castille. Amoureuse, Marie Octobre voit dans cette nuit le moment de solder les comptes et démasquer le traitre. Peu à peu, chacun dévoile une face moins brillante que celle des vainqueurs de la tyrannie nazie.
Entre les petits trafics et les amours déçues, les figures deviennent moins honorifiques, plus humaines. Les héros ne sont pas des anges, sauf Castille qui échappe à cette vague d’hommes en colère. La valse des accusateurs et des accusés s’élance et dans ce jeu, nul n’échappe aux mille temps des souvenirs fracassés sur la stèle de l’homme d’honneur. À la fin, une fois le mouton noir démasqué, il reste la sentence à appliquer, la mort sans pardon. Devenus des gens de peu perdus dans la foule, seront-ils capables de l’appliquer ?
Marie Octobre arrive deux ans après Douze hommes en colère de Sidney Lumet. La seule similitude, des individus sont enfermés dans une pièce pour découvrir la vérité. Sidney Lumet nous propose un regard sur la justice et la peine de mort aux États-Unis. C’est plus un regard sur la société d’après-guerre que nous livre Julien Duvivier. Dans sa galerie, nous trouvons un ancien catcheur, directeur de strip-tease, un prêtre, un petit commerçant, un patron d’entreprise, un avocat, un médecin, un inspecteur des impôts, etc. Ils lui permettront de s’interroger sur la réussite de chacun avec en fond la guerre et la Résistance. De la même manière, à travers le réseau Vaillance, il est question de l’engagement de chacun pendant la Seconde Guerre mondiale dans la Résistance.
C’est aussi comment le plaisir des retrouvailles se transforme en méfiance et soupçon pour finir par éclater par un jugement. C’est une partie d’échecs où Duvivier et Jeanson s’appuient sur les dialogues et les fausses pistes pour nous égarer. Le spectateur est emporté dans cette montée progressive, ce jeu d’échecs où chaque pion se retrouve mat. Il rajoute à la quête du traitre, le vol d’une caisse noire. Il ne croit pas en l’âme humaine ni en sa rédemption, la belle équipe finit par éclater. Panique, son plus grand film, brulot sur la délation, Pépé le Moko, la majorité de sa filmographie laisse peu de chance au romantisme et au bonheur.
Technicien hors pair, la caméra n’est jamais restreinte ou enfermée, elle réussit à changer d’angle, à relancer l’intrigue par sa partition maligne. La version restaurée 4K redonne tout son dynamisme et dévoile le travail effectué autour de l’éclairage. S’il n’espère pas en l’homme, il sait examiner son âme jusqu’au plus profond de sa noirceur. Marie Octobre est un film qui confirme toute l’importance d’un réalisateur prolifique et majeur du cinéma français.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus: Version restaurée 4K
Une femme en colère, l'histoire de Marie-Octobre (18 minutes) : Entretien avec Eric Bonnefille (auteur de Julien Duvivier - Le mal aimant du cinéma français) et Hubert Niogret (auteur de Julien Duvivier - 50 ans de cinéma) illustré par les témoignages de Danielle Darrieux et Henri Jeanson.
Titre : Marie-Octobre
Réalisation : Julien Duvivier
Scénario, adaptation : Julien Duvivier, Jacques Robert, inspiré du roman éponyme de Jacques Robert, paru en 1948 aux éditions du Scorpion
Dialogue : Henri Jeanson
Assistant réalisateur : Michel Romanoff
Directeur de la photographie: Robert Lefebvre
Cadreur : Roger Delpuech
Compositeur : Jean Yatove
Chef décorateur : Georges Wakhévitch
Costumes : Jacques Heim
Son : Antoine Archimbaud
Scripte : Denise Morlot2
Photographe de plateau : Roger Corbeau
Monteuse : Marthe Poncin3
Production : Lucien Viard4
Sociétés de production : Orex Films (L. Viard), Abbey Films (Alain Bernheim), Doxa Films (D. Darrieux), Société française théâtre et cinéma (J. Duvivier)
Directeur de production : Paul Joly
Assistant de production : Pierre Duvivier
Affiche : Yves Thos
Distribution : Pathé Consortium Cinéma
Date de tournage : du 17 novembre au 10 décembre 1958 dans les Studios de Boulogne
Enregistrement : Western Electric, société Optiphone
Laboratoire Franay L.T.C Saint-Cloud
Effets spéciaux : LAX
Tournage du 17 novembre 1958 au 10 décembre 1958
Durée : 95 minutes
Format : Noir et blanc - 35 mm - 1,37:1 - Mono
Genre : Drame
Dates de sortie : 24 avril 1959 Mention CNC : tous publics, art et essai
Distribution
Danielle Darrieux : Marie-Hélène Dumoulin dite « Marie-Octobre », directrice d'une maison de couture
Paul Meurisse : François Renaud-Picart, industriel
Bernard Blier : Julien Simoneau, avocat pénaliste
Lino Ventura : Carlo Bernardi, patron d'une boîte de strip-tease
Noël Roquevert : Étienne Vandamme, contrôleur des contributions
Robert Dalban : Léon Blanchet, serrurier plombier
Paul Frankeur : Lucien Marinval, boucher mandataire aux Halles
Serge Reggiani : Antoine Rougier, imprimeur
Paul Guers : Yves Le Gueven, prêtre
Daniel Ivernel : Robert Thibaud, médecin-accoucheur
Jeanne Fusier-Gir : Victorine, la gouvernante
Iska Khan : Lui-même (combat de catch télévisé) (non crédité)
King-Kong Taverne : Lui-même (combat de catch télévisé) (non crédité)
Paul Villard : Lui-même (combat de catch télévisé) (non crédité)
Roger Delaporte : Lui-même (combat de catch télévisé) (non crédité)
René Brejot : Lui-même, l'arbitre du combat de catch (non crédité)